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Veille juridique du 23 février 2021

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

Murray c. 9197-5748 Québec inc., 2021 QCCA 153

https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2021/2021qcca153/2021qcca153.pdf

Dans cette affaire, la Cour d’appel se prononce sur l’interprétation à donner à l’article 442 de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles (ci-après « LATMP »).

Le contexte dans lequel le litige a pris naissance est le suivant : L’appelante, une ingénieure en électricité à l’emploi de Santerre électrique inc. (ci-après « SE ») était l’une des trois occupants d’un hélicoptère s’étant écrasé dans la rivière Franquelin, près de Baie-Comeau, le 12 novembre 2009. Celui-ci avait heurté un des câbles de garde d’un pylône soutenant une ligne à haute tension qui croisait la rivière, lequel appartient à la mise en cause, Hydro-Québec. L’appelante a survécu à l’accident, mais en a conversé de graves séquelles. Le pilot, président et administrateur de SE, M. Santerre, a péri dans l’accident. L’hélicoptère était la propriété de l’intimé 9197-5748 Québec inc. (ci-après « Québec inc. »), une société dirigée par M. Santerre. Les blessures de l’appelante constituent des lésions professionnelles au sens de la LATMP pour lesquelles elle reçut des indemnités pour atteinte permanente à son intégrité physique et psychique, et pour douleur et perte de jouissance. Celle-ci intenta notamment un recours en dommages contre les intimés Héritiers de feu Santerre en alléguant les erreurs de pilotage de ce dernier dans les minutes et secondes précédant l’accident.

Le juge de première instance rejeta le recours contre les Héritiers de Santerre en se fondant sur l’article 442 LATMP qui prévoit une immunité de poursuite civile pour les mandataires d’un employeur, et ce, bien que Santerre soit le seul fautif et responsable de l’écrasement.

En appel, l’appelante invoque que le juge de première instance a erré dans l’interprétation du terme « mandataire » énoncé à cet article en omettant de considérer l’article 2130 du Code civil du Québec qui prévoit la définition juridique du mandat.

La Cour conclut en ces termes :

[66] Or, s’il fallait l’accepter, l’interprétation que l’appelante propose de la notion de « mandataire » contenue à l’article 442 de la LATMP, qui serait fondée uniquement sur la définition du mandat de l’article 2130 C.c.Q., aurait pour effet de restreindre indûment, voire de stériliser, l’immunité de poursuite civile dont le mandataire de l’employeur bénéficie pour une faute commise dans l’exercice de ses fonctions. On pourrait même prétendre qu’une telle interprétation mènerait à une absurdité, ce que le législateur n’a évidemment pas voulu.

[69] De l’avis de la Cour, il y a plutôt lieu d’interpréter le terme « mandataire » utilisé à l’article 442 non pas dans son sens purement juridique, mais suivant la méthode moderne d’interprétation, soit en le lisant dans son contexte global, selon le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec son esprit, son objet et l’intention exprimée par le législateur.

L’appel est rejeté.

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Deborah Sydney c. CSSS Cavendish

Décision disponible sur demande

En juillet 2018, la travailleuse, qui est infirmière auxiliaire à domicile pour le CSSS Cavendish, dépose une première réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après la « CNESST ») après avoir ressenti une douleur au dos en marchant vers la résidence d’une patiente. Tous les documents au soutien de cette réclamation ont été soumis par l’employeur à la CNESST. Cette réclamation est refusée par la CNESST et contestée par la travailleuse. La travailleuse reçut des prestations d’assurance-salaire jusqu’à son retour au travail le 8 août 2018.

En août 2018, la travailleuse ressent à nouveau une douleur au dos lors de traitements de patients, reçoit un diagnostic d’entorse lombaire et se voit prescrire un second arrêt de travail. Pendant la durée de son assignation temporaire, et jusqu’à son retour au travail sans restriction, la travailleuse reçut des prestations d’assurance salaire. Pour ce faire, la travailleuse dû remplir des formulaires d’assurance-salaire à intervalles réguliers. Une réclamation à la CNESST est produite le 5 décembre 2019, soit 16 mois plus tard. Considérant qu’elle a été produite hors délai et que la travailleuse n’a démonté aucun motif raisonnable de la relever de son défaut, cette réclamation est déclarée irrecevable par la CNESST.

Au soutien de sa contestation devant le Tribunal administratif du travail (ci-après le « TAT »), la travailleuse allègue qu’elle croyait que son employeur s’occupait de sa réclamation auprès de la CNESST comme il l’avait fait lors de sa première réclamation, et pensait que ses représentants syndicaux veillaient à son dossier. Bien qu’aucune décision d’admissibilité n’ait été rendue dans son dossier, elle croyait que tout était en ordre. Quant à l’employeur, il explique ne pas avoir transmis cette réclamation à la CNESST en raison du refus de la première réclamation, et du fait qu’il a plutôt transféré le dossier en assurance-salaire, en plus de plaider qu’il est de la responsabilité de la travailleuse d’acheminer sa réclamation et ses documents au soutien à la CNESST.

Cela étant dit, puisque la réclamation de la travailleuse a été produite hors délai, le TAT doit déterminer si cette dernière démontre par preuve prépondérante un motif raisonnable pour être relevée de son défaut. Selon la jurisprudence, il doit s’agir « d’un motif non farfelu et crédible lequel s’apprécie au regard d’un ensemble de facteurs (faits, démarches, comportements, conjoncture, circonstances, etc.) susceptibles d’indiquer que le travailleur a fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion ».

En l’espèce, la travailleuse a -t-elle fait preuve de diligence dans le suivi de son dossier tel qu’exigé par la jurisprudence ? Le TAT est d’avis que oui, et raisonne ainsi :

[31] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal considère que les interventions de la travailleuse quant aux suites de son dossier étaient certes sporadiques et peu soutenues, mais qu’elles ne démontrent pas un désintéressement de son dossier. Plutôt, elles dénotent une travailleuse qui assure un suivi médical et documentaire immédiat et constant en lien avec son assurance salaire croyant, à tort, le tout suffisant étant donné les dires de sa procureure et d’une certaine façon, la littérature de l’employeur. Celles-ci démontrent également une confiance en ses mandataires quant aux suites de cette affaire auprès de la Commission, décision qui ne devrait maintenant pas la préjudicier considérant l’absence de suivi, voire d’inaction de son syndicat.

De plus, le TAT est d’avis que l’employeur n’a pas démontré qu’il subirait un préjudice grave de cette prolongation de délai.

La contestation est accueillie. La décision rendue par la CNESST en révision administrative est infirmée. Le TAT déclare recevable la réclamation de la travailleuse.

 Nous tenons à souligner l’excellent travail de Me Stéphanie Bouchard dans le présent dossier !

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Unifor, section locale 2022 et Viterra inc. (grief syndical), 2021 QCTA 40

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/5D23909207FEB94019BE948ECF8200FC?source=EXPTRAV

L’arbitre doit déterminer si la modification législative apportée à l’article 69 de la Loi sur les normes du travail (ci-après LNT), entrée en vigueur le 1er janvier 2019, a pour effet de faire bénéficier aux salariés cumulant trois ans de service continu au 31 décembre 2018 d’une troisième semaine de vacances pouvant être prise entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019. Rappelons qu’avant cette modification législative, un salarié justifiant de trois ans de service continu à la fin d’une année de référence pouvait bénéficier de deux semaines de congé annuel seulement.

La partie syndicale prétend que les salariés visés par le grief avaient le droit à une troisième semaine de vacances puisqu’au moment de l’entrée en vigueur de la modification législative, ceux-ci cumulaient trois ans de service continu chez l’employeur. Ceux-ci avaient donc droit à l’application immédiate de la LNT pour leur congé annuel de l’année 2019 et n’avaient pas à attendre celui de l’année 2020. L’employeur soutient plutôt que le droit au congé annuel dont les salariés se prévalent en 2019 a été acquis et cristallisé en 2018, alors que la modification législative n’était pas encore en vigueur. Il est d’avis que la position du syndicat a pour effet d’accorder une portée rétroactive à cet article.

Dans le cadre de son analyse, l’arbitre passe en revue la jurisprudence développée en la matière. Il adhère à celle favorable à la position patronale. Selon cette jurisprudence, la modification législative n’a pas eu pour effet de modifier le mécanisme d’acquisition du droit au congé annuel, mais seulement l’étendue de ce droit en termes de nombres de semaines de vacances. Ainsi, il faut distinguer le droit à l’accumulation du congé annuel de la période de prise de ce congé. Le point de repère pour la détermination du droit au congé annuel est l’année de référence : le droit se cristallise au terme de cette année de référence.

En l’espèce, à la fin de l’année de référence, soit le 31 décembre 2018, les salariés visés justifiaient de trois ans de service continu, mais ne pouvaient bénéficier d’une troisième semaine de vacances puisque la modification législative n’était pas encore en vigueur. À cette date, tant la convention collective que la LNT leur octroyaient que deux semaines de congé annuel. Selon l’arbitre, leur accorder le bénéfice d’une troisième semaine de vacances entraînerait un effet rétroactif, ce que la LNT ne permet pas.

Le grief est rejeté.

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Syndicat des technologues d’Hydro-Québec, Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 957 et Hydro-Québec (grief syndical), 2021 QCTA 38

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/4C48645C711D3E38363FE8546B3F405B?source=EXPTRAV

En vertu de l’article 335 de la Loi électorale (ci-après la « Loi »), « tout employeur doit s’assurer que l’électeur à son emploi dispose de quatre heures consécutives pour aller voter le jour du scrutin pendant l’ouverture des bureaux de scrutin ».

Le 1er octobre 2018, le jour du scrutin provincial, les technologues assignés au Complexe Manic-5 sont autorisés par l’employeur à terminer leur quart de travail à 16 h 00 pour aller exercer leur droit de vote. L’employeur avait émis une consigne à cet effet. Cette journée-là, le bureau de vote, situé près du Quartier général, est ouvert de 9h00 à 20h00. Le syndicat conteste cette pratique par voie de grief alléguant la violation de la Loi.

Les technologues visés par le présent grief travaillent à Manic-5, soit à 210 kilomètres ou à 2h45 de distance de leur Quartier général et de leur résidence, situés à Baie-Comeau. Des lettres d’entente prévoient que l’employeur fournit le moyen de transport et qu’ils sont rémunérés pendant la durée du déplacement entre ces deux lieux. La journée du scrutin, ceux-ci disposaient d’un horaire de travail se terminant à 18h00.

L’employeur argumente d’une part qu’en raison du caractère personnel du droit de vote, le syndicat ne peut faire valoir ce droit en arbitrage de grief, et d’autre part, que la consigne émise par l’employeur pour la journée du scrutin est raisonnable. Plus précisément, sur ce dernier point, il plaide le droit de gérance. L’arbitre rejette ces deux prétentions.

L’arbitre reconnaît qu’à défaut de disposition expresse applicable à une journée d’élection, l’employeur conserve son droit de gérance, mais ajoute qu’encore faut-il qu’il respecte les normes impératives prévues par la Loi, car celles-ci altèrent les conditions de travail négociées à la convention collective et aux lettres d’entente liant les parties.

Pour l’arbitre, il est évident qu’en libérant les technologues à 16h00 de leur travail alors qu’ils ont près de 3h00 de route à faire pour se rendre à leur Quartier général, et alors que le vote se termine a 20h00 est insuffisant. Cela s’explique par le fait que lorsqu’ils sont sur la route, les salariés ne sont pas disponibles pour voter. De plus, en respectant la consigne de l’employeur, il ne leur resterait qu’une heure et quart pour ce faire dès leur arrivée à Baie-Comeau.

L’arbitre conclut que la consigne émise par l’employeur viole la Loi et est contraire à la convention collective. La période de quatre heures consécutives accordée pour l’exercice du droit de vote doit se calculer à partir du moment où les salariés ne sont plus liés au travail selon la convention collective ou les lettres d’entente. Autrement dit, le délai de 4 heures doit se calculer à partir de leur arrivée au Quartier général.

Le grief est accueilli. L’arbitre déclare que la consigne émise est invalide.

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POLICIERS ET POLICIÈRES

Allard c. Ville de Lévis

Décision disponible sur demande

Le tribunal d’arbitrage est saisi d’une plainte déposée en vertu de l’article 15 du Code du travail. Le Plaignant allègue avoir fait l’objet d’une mesure de représailles en raison de l’exercice d’un droit qui lui résulte de ce Code.

Le Plaignant occupe un poste de sergent aux relations publiques et à la prévention depuis 2012, et exerce également la fonction syndicale de président de la Fraternité des policiers de Lévis depuis plusieurs années. Celui-ci exerce ces fonctions de sergent dans un bureau fermé depuis environ cinq ans dans un établissement situé à Lévis. Les bureaux de la Fraternité sont situés à Saint-Nicolas.

En ajout, pour bien comprendre le litige, il importe de faire un aperçu chronologique des faits de la présente affaire :

– À l’automne 2019, un projet de restructuration du Service de police est mis en branle.

– Le 27 janvier 2020, cette restructuration est adoptée par le Conseil de Ville de Lévis.

– À cette date, le Directeur du Service de police annonce au plaignant la restructuration. Ce dernier relèvera désormais de l’inspecteur responsable de la division des services auxiliaires nouvellement créé.

– À cette date, il lui annonce également qu’il devra libérer son bureau pour le céder à son nouveau supérieur immédiat, et des discussions sont entamées à l’effet qu’il devra s’installer dans la salle de conférence. Le Directeur lui demande de libérer son bureau pour le 3 février suivant, et de lui identifier les aménagements requis dans la salle de conférence, tel que l’aménagement et le câblage téléphonique et informatique.

– Le 29 janvier 2020, le Directeur et le plaignant se rencontrent à nouveau pour discuter de la situation et ce dernier lui fait part d’autres possibilités pour le relocaliser.

– Le 31 janvier 2020, le Directeur confirme à nouveau au plaignant qu’il doit quitter son bureau.

– Le 3 février 2020, le plaignant quitte son bureau et s’installe temporairement dans un bureau vacant. Il rencontre son nouveau supérieur immédiat, et lui soumet un projet d’aménagement de bureau, lequel est rejeté par le Directeur.

– Le 4 février 2020, le plaignant rencontre une journaliste du Journal de Québec pour dénoncer la restructuration du Service de police. Le même jour, le Directeur accorde également une entrevue à cette journaliste.

– Le 5 février 2020, le plaignant soumet un nouveau plan d’aménagement de bureau, lequel est rejeté par le Directeur.

– Le 6 février 2020, le Directeur confirme, par écrit et oralement, au supérieur immédiat du plaignant le rejet de ce plan.

– Le 7 février 2020, le supérieur immédiat du plaignant lui confirme cette décision.

– Le plaignant est finalement relocalisé dans la salle de conférence où il n’y a pas de prise de téléphone ou pour se brancher au réseau informatique. Celui-ci n’a accès qu’à un cellulaire pour l’exercice de ses fonctions de sergent et qu’à un autre cellulaire pour ses activités syndicales. Celui-ci peut se brancher temporairement au système informatique via internet, mais il ne reçoit aucune aide pour ce faire. La situation est corrigée que 10 jours plus tard.

Au soutien de sa plainte, le plaignant plaide que la relocalisation et les refus de ses plans d’aménagement sont liés à l’entrevue journalistique qu’il a accordée.

L’arbitre est d’avis que le plaignant ne peut bénéficier de la présomption prévue à l’article 17 C.t. considérant qu’il n’y a pas concomitance entre l’exercice du droit sur lequel se fonde la plainte, en l’occurrence, l’entrevue journalistique, et la mesure de représailles dont il se plainte, soit la relocalisation. En effet, celui-ci est antérieur à l’imposition de la mesure : au moment où le plaignant accorde l’entrevue, la décision de le relocaliser dans la salle de conférence était prise et ferme, et elle lui avait été mentionnée à plusieurs occasions. Selon lui, le droit de gérance de l’employeur justifie sa décision de restructuration.

En conséquence, il appartenait au plaignant de convaincre le tribunal, par une preuve prépondérante, que l’employeur lui a imposé cette mesure de représailles en raison de l’exercice d’un droit que lui confère le Code du travail. Or, celui-ci n’a pas été en mesure de rencontrer son fardeau.

La plainte est rejetée.

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TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Rien à signaler.

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POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

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ARTISTES

Rien à signaler.

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SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

Boulanger c. Bureau des enquêtes indépendantes, 2021 QCCS 67

https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2021/2021qccs67/2021qccs67.pdf

Dans cette décision interlocutoire, la Cour supérieure se penche sur la question de savoir si une pièce qui était devant la Cour au moment de rendre un jugement en cours d’instance mais qui a été subséquemment retirée par une partie, peut être assujettie au test Dagenais/Mentuck dans le cadre d’une requête des médias en levée de scellés et décaviardage.

Dans cette affaire, les requérants-mis-en-cause sont deux policiers à l’emploi de la Sûreté du Québec. Ils sont visés par une enquête du Bureau des enquêtes indépendantes (« BEI »): l’enquête Serment. Celle-ci a été exceptionnellement confiée au BEI par le ministre de la sécurité publique à la demande du directeur des poursuites criminelles et pénales. Elle a pour objet des fuites d’information privilégiée dans divers dossiers de l’Unité permanente anti-corruption (« UPAC »), et la conduite d’une autre enquête de ce même corps de police, l’enquête A. La date du début de l’enquête Serment est le 25 octobre 2018.

Les requérants, qui ne sont pas accusés, déposent, le 31 août 2020, une requête réclamant la nullité de plusieurs autorisations judiciaires les visant, l’inopérabilité des éléments de preuve amassés en vertu de celles-ci et le retrait de l’enquête Serment des mains du BEI. Au soutien de cette requête, les requérants déposent la pièce R-11, qui consiste en une série de déclarations volontaires totalisant 200 pages transmise au BEI en 2019. Le DPCP et le Procureur Général du Québec présentent des requêtes en irrecevabilité et en rejet, dont l’audition aura le 17 novembre 2020. Les procureurs des médias sont présents à l’audience. De l’accord de toutes les parties et à l’invitation de celles-ci, la Cour supérieure rend une ordonnance afin que les pièces de la requête principale soient mises sous scellés. L’ordonnance prévoit en outre que certains procureurs des médias auront accès aux pièces non-caviardées, ce qui inclut la pièce R-11.  Dans les jours qui suivent le 17 novembre 2020, les procureurs du DPCP révisent leur position. Ils décident de ne pas divulguer la pièce R-11 aux procureurs des médias.   La Cour supérieure accueille partiellement les requêtes en irrecevabilité et en rejet le 30 novembre 2020.

Dès le lendemain, 1er décembre 2020, les procureurs des médias déposent une requête en levée de scellés et en décaviardage. Le 22 décembre 2020, les procureurs des policiers requérants ré-amendent leur requête. La liste des pièces qui accompagnent la requête ré-amendée indique que la pièce R-11 est « supprimée ».

Les requérants Médias invoquent l’importance constitutionnelle de la publicité des débats et de l’accès aux pièces. Ils soulignent que l’enquête Serment dure depuis plus de deux ans maintenant et que le public est en droit, notamment, de surveiller l’action policière.

Les intimés DPCP et PGQ soumettent quant à eux que la pièce R-11 et, par extension, toutes les pièces de la requête, n’ont pas été régulièrement produites en preuve. Les requérants policiers plaident finalement qu’ils ont retiré la pièce R-11 et que celle-ci « n’appartient plus au dossier de la Cour ». Ils s’opposent à ce que la pièce R-11 se retrouve entre les mains du public. Ils appuient donc le ministère public à cet égard. Les requérants policiers soulignent qu’ils souhaiteraient que leur version soit publiquement connue, mais soutiennent qu’ils sont eux-mêmes policiers et que ce sont les fuites et la médiatisation de leur situation qui leur ont causé et leur causent encore préjudice.

Le juge François Dadour de la Cour supérieure rappelle d’abord qu’aucune objection n’a été formulée lors du dépôt initial de la requête principale et de ses pièces. Ensuite, tout scellé apposé privément par les requérants principaux lors du dépôt de la requête et de ses pièces est devenu caduc et sans objet au moment où, avant le début de l’audience sur les requêtes en rejet et en irrecevabilité, le soussigné a rendu une ordonnance de scellés visant la requête et ses pièces. Enfin, la pièce R-11 n’a fait l’objet d’aucune demande préliminaire afin de la soustraire à l’examen du rejet et de l’irrecevabilité: au contraire, toutes les parties étaient en accord à l’effet que le contenu des pièces de la requête, incluant la pièce R-11, devait être tenu pour avéré pour les fins de l’exercice.

En conséquence, la pièce R-11 faisait partie du débat sur le rejet et l’irrecevabilité à part entière, son contenu devait être considéré véridique, et elle faisait partie du délibéré dont le jugement sur le rejet et l’irrecevabilité était le résultat. De surcroît, la pièce R-11 n’avait pas besoin d’attendre la venue d’un quelconque « procès » ou « instruction » pour que le public puisse y avoir accès.

Il en résulte que lorsque l’ordonnance de scellés a été rendue à l’audience sur le rejet et l’irrecevabilité, le juge Dadour a également ordonné un accès à la requête et aux pièces non-caviardées au bénéfice de certains procureurs des médias. Cette ordonnance visait donc aussi la pièce R-11. Conséquemment, il existe toujours une ordonnance valide et exécutoire portant sur la communication de la pièce R-11 non-caviardée à certains procureurs des médias, et une ordonnance visant son scellé au dossier de la Cour. Pour ces raisons, le jude Dadour estime que la pièce R-11 demeure visée par la requête des médias en levée des scellés et en décaviardage, et qu’elle est ainsi assujettie à la grille d’analyse des arrêts Dagenais et Mentuck.

Déclaration d’assujettissement de la pièce R-11 à la requête des médias en levée de scellés et en décaviardage rendue.

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