Merci de vous inscrire à notre infolettre.
Infolettre
Si vous souhaitez recevoir de nos nouvelles, il suffit d’entrer votre adresse courriel dans la boîte ci-contre.
Veuillez remplir les champs correctement.

Veille juridique du 23 mai 2023

Par Me NADER AL-KURDI et Me GENESIS R. DIAZ

 

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), section locale 4795 et Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures, 2023 QCTA 155 (demande pour suspendre l’exécution d’une décision rejetée (C.S., 2023-05-02) 200-17-034693-234)

 Disponible sur SOQUIJ

Le plaignant, un employé de la Ville Saint-Augustin-De-Desmaures, a été congédié en raison du fait qu’il a envoyé ou exhibé de façon intermittente sur une période de 10 ans du matériel à caractère pornographique ou sexuellement explicite à ses collègues de travail.

La partie syndicale invoque en défense que le matériel en question était envoyé hors des heures de travail, pour égayer l’atmosphère au travail et que le plaignant cessa ces comportements lorsqu’on lui demandait d’arrêter.

Le Tribunal retient le dossier disciplinaire vierge du plaignant comme facteur atténuant et qu’outre le dégoût, le malaise et l’incompréhension, le partage du matériel pornographique n’a pas choqué ou autrement vexé ceux qui l’ont vu. De plus, il retient qu’aucun récipiendaire du matériel n’était mineur ou de statut hiérarchique inférieur au plaignant.

Comme facteurs aggravants, le tribunal retient notamment le refus initial du plaignant d’avouer ses fautes, le refus d’avouer qu’il a transmis du matériel pornographique à une collègue féminine, et le fait d’avoir nié s’être fait demander de ne pas envoyer ce matériel. L’arbitre retient aussi la banalisation par le plaignant du caractère pornographique du matériel transmis ou montré. Enfin, le tribunal retient que le plaignant ne reconnait pas le caractère dérangeant de ses gestes et n’a émis aucun regret ou excuse.

Le Tribunal considère que la Ville devait appliquer le principe de la gradation des sanctions et que les fautes commises par le plaignant ne sont pas sérieuses au point de rompre le lien de confiance entre celui-ci et la Ville. Il considère également que cette dernière n’a pas démontré l’existence d’obstacles réels et sérieux, voire l’impossibilité ou l’infaisabilité de la réintégration du plaignant.

Le Tribunal annule donc le congédiement et le substitue à une suspension sans solde de six mois.

 

 

Association des employeurs maritimes c. Syndicat des débardeurs, SCFP, section locale 375, 2023 QCCS 1614

 Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jx744>

La Cour supérieure est saisie d’une demande en dommages-intérêts avec conclusions injonctives, interlocutoires et permanentes de l’Association des employeurs maritimes (ci-après, l’ « AEM ») contre le Syndicat des débardeurs, SCFP section locale 375 ainsi que plusieurs de ses membres (ci-après, le « Syndicat »).

Les parties étaient liées par une convention collective expirant le 31 décembre 2018. À son expiration, le Syndicat a déclenché des arrêts de travail en guise de moyens de pression. Le gouvernement fédéral adopte, le 30 avril 2021, la Loi prévoyant la reprise et le maintien des opérations au port de Montréal, entrée en vigueur le 1er mai 2021. Cette loi prolonge la durée de la convention collective à partir du 1er janvier 2019 jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention et interdit tout arrêt de travail. Or, selon l’AEM, des membres du Syndicat ont tout de même effectué un arrêt de travail en se déclarant absents de leur quart de travail le 23 juillet 2022. Cet arrêt de travail aurait retardé le départ de deux navires causant ainsi un préjudice financier et une atteinte à la réputation de l’AEM. L’AEM dépose donc à la Cour supérieure une réclamation en ce sens, ainsi qu’une demande d’injonction interlocutoire permanente visant à interdire les arrêts de travail.

Le Syndicat soutient que les conclusions recherchées auprès de la Cour supérieure concernant les dommages-intérêts et l’atteinte à la réputation ne sont pas de sa compétence. Il demande celle-ci décline compétence en faveur d’un arbitre nommé selon les termes du Code canadien du travail. Il allègue, de plus, qu’étant donné l’imposition par un arbitre de différend d’une convention collective le 9 décembre 2022, les conclusions injonctives recherchées par l’AEM en lien avec les arrêts de travail sont devenues théoriques et le tribunal n’a donc pas à se prononcer sur ses questions.

La Cour conclut qu’elle demeure compétente à l’égard de la question des injonctions relatives aux arrêts de travail. En effet, le moyen préliminaire invoqué par le Syndicat selon lequel la Cour n’a pas à se prononcer sur les questions théoriques est un moyen d’irrecevabilité distinct d’un moyen relatif à la compétence du tribunal qui doit se fonder sur un contexte factuel établi sous forme de déclarations assermentées, d’interrogatoires au préalable, ou d’allégations tenues pour avérées. Or, le Syndicat n’a pas établi ce contexte factuel.

La Cour conclut cependant qu’elle doit décliner compétence quant à la question des dommages-intérêts et de l’atteinte à la réputation alléguée par l’AEM, et ce, en vertu de l’arrêt de principe St. Anne Nackawic, qui dicte qu’ « une réclamation en dommages et intérêts doit être présentée dans le cadre de la juridiction désignée dans la convention collective, soit le conseil d’Arbitrage ».

Le moyen déclinatoire est accueilli en partie

 

Le cabinet RBD représentait le Syndicat dans ce dossier

 

Mead et Aluforme ltée, 2023 QCTAT 2158

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jx761>

Le travailleur est charpentier menuisier et subit un accident du travail le 8 juillet 2021 alors que son pied gauche glisse après avoir enjambé un panneau de coffrage. Un médecin retient, quelques jours plus tard, le diagnostic d’entorse lombaire. Cette lésion professionnelle est consolidée en mars 2022 et une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles sont retenues. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (ci-après, la « CNESST ») considère le travailleur capable d’exercer son emploi à partir du 19 mai 2022, et confirme sa décision à la suite d’une révision administrative. Le travailleur conteste la décision issue de la révision. Il produit aussi une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 24 mai 2022 que la CNESST refuse. Le travailleur conteste également cette dernière décision.

Selon le Tribunal administratif du travail (ci-après, le « TAT »), la preuve démontre que le travailleur doit effectuer dans le cadre de son travail certains mouvements avec amplitudes extrêmes, notamment lors de rotations de la colonne lombaire. Le TAT retient également de la preuve que le travailleur transporte toute la journée des charges de 15 à 30 kg, en tenant compte de la ceinture qu’il porte et qui contient ses outils et divers petits matériaux, et qu’il effectue fréquemment des mouvements de flexion, d’extension ou de rotation de la colonne lombaire. La preuve démontre donc que certaines limitations fonctionnelles du travailleur ne sont pas respectées dans le cadre de son emploi. Le TAT déclare le travailleur incapable d’exercer son emploi à compter du 19 mai 2022 et infirme de ce fait la décision contraire de la CNESST issue de la révision administrative.

Quant à la rechute, récidive ou aggravation, le rapport d’évaluation médicale du travailleur en avril 2022 était essentiellement normal. Or, celui-ci est placé en arrêt de travail le 24 mai 2022, et a repris des traitements en physiothérapie et prends de la médication depuis. Lors d’un examen médical effectué le 28 mai 2022, des amplitudes articulaires lombaires limitées dans toutes les directions et une sensibilité à la palpation sont constatées. Il s’agit d’une situation fort différente de celle du 8 juillet 2021, date de consolidation de la lésion d’origine. Une recrudescence des douleurs est survenue quelques semaines après la consolidation de la lésion initiale, alors que le travailleur doit effectuer du coffrage longtemps après avoir cessé de le faire. Le TAT considère que la preuve prépondérante démontre une modification substantielle de l’état de santé du travailleur en relation avec la lésion professionnelle d’origine et conclut donc à la présence d’une rechute, récidive ou aggravation.

La contestation du travailleur est accueillie.

Le cabinet RBD représentait le travailleur dans ce dossier

 

POLICIERS ET POLICIÈRES

Fraternité des policiers et policières de la Ville de Québec et Ville de Québec, 2023 CanLII 38449 (QC SAT)

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jx33n>

Un des constables d’une équipe policière de la Ville de Québec organise, le 20 août 2021, une soirée privée à sa résidence personnelle. Les représentants de l’Employeur sont informés qu’une agression sexuelle aurait eu lieu lors de cette soirée. C’est la Sureté du Québec qui se charge de l’enquête et rencontre chez l’employeur les constables présents lors de la soirée pour recueillir leurs versions pendant leur quart de nuit.

Deux constables présents lors de la soirée sont cependant en vacances lors des rencontres. Ils sont appelés à donner leurs versions à leur retour aux bureaux de la Sureté du Québec hors de leurs heures habituelles de travail. L’employeur refuse de rémunérer les heures de rencontre et de déplacement qui y sont associées. Ils contestent ce refus par grief.

Le Syndicat allègue que les plaignants contraints par la Loi sur la police à donner une déclaration hors de leurs heures régulières de travail ont effectué du travail policier par nature. Ils ont fait l’objet d’un rappel au travail suivant la convention collective leur donnant droit à une rémunération majorée, même si les rencontres ont été conduites par un tiers (la Sureté du Québec) et non pas l’Employeur.

L’Employeur invoque qu’il y a absence de subordination juridique entre employeur et salarié lorsqu’un constable fait une déclaration à un tiers concernant un évènement purement privé sur lequel l’employeur n’avait aucun contrôle. La notion de rappel au travail est donc inapplicable, puisqu’il n’est pas question ici de travail encadré par la convention collective.

Le Tribunal d’arbitrage indique que l’obligation pour un constable de fournir une déclaration ne découle pas en soi d’un rattachement avec le lien d’emploi, mais plutôt de son seul statut de policier : la déclaration ne peut à elle seule être associée à du travail policier. Il indique également qu’il n’existe en principe aucun lien de subordination juridique entre l’employeur et le policier quand ce dernier fournit une déclaration à un tiers. Il peut cependant y avoir subordination juridique si le contenu de cette déclaration est rattaché à du travail encadré par la convention collective et il est possible que, dans ce contexte, le constable qui émet cette déclaration fasse l’objet d’un retour au travail.

Or, dans les circonstances l’employeur s’est comporté envers les membres de l’équipe comme si les déclarations à donner devaient l’être dans le cadre de leur travail, notamment en effectuant ses propres rencontres pour expliquer les modalités de l’enquête. Il a contrôlé la prestation de travail des membres de l’équipe lorsqu’ils fournissaient leurs déclarations. Les déclarations des constables plaignants sont donc émises durant du travail encadré par la convention collective, alors que ceux-ci font l’objet d’un retour au travail.

Le grief est accueilli.

Le cabinet RBD représentait la Fraternité dans ce dossier

 

 

 

Commissaire à la déontologie policière c. Nadon, 2023 QCCDP 41

 Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jx8fc>

Dans la présente affaire, la Commissaire à la déontologie policière cite deux agents pour avoir dérogé aux articles 5 et 7 du Code de déontologie des policiers du Québec. Elle cite les policiers pour avoir tenu des propos injurieux et être entré dans la maison de la plaignante et l’avoir détenu sans droit. En temps de pandémie, en 2020, les agents circulent dans un quartier de Saint-Eustache et aperçoivent une résidence dont la porte avant est ouverte et ne voient personne autour. Afin de s’assurer que personne n’est en détresse ou qu’il ne s’agit pas d’un crime, ils s’arrêtent, observent et sortent du véhicule de patrouille. Ils aperçoivent la plaignante qui confirme être la propriétaire de la maison et quittent. Au retour, le duo partage leurs impressions et discute de la ressemblance entre la plaignante et une suspecte recherchée pour un vol dans une pizzéria près de cette résidence. Se rappelant qu’une preuve vidéo est disponible au poste, ils la consultent et retournent chez la plaignante pour faire enquête. À l’audience, les agents ont admis avoir commis une inconduite soit de ne pas avoir informé la plaignante de ses droits lors de la deuxième visite, mais nient avoir commis les autres reproches que lui fait la Commissaire.

Le Comité n’accorde aucune fiabilité au témoignage de la plaignante qui contredit la plainte rédigée par un tiers, le représentant du CRARR. La plainte déposée ne peut servir de référence, car elle contient plusieurs inexactitudes que la plaignante a corrigées dès le début de l’audience. Le Comité est d’avis que les policiers sont crédibles. Quant au chef relatif aux propos injurieux, le tribunal retient que même si le policier a demandé à la plaignante « combien d’enfants elle avait et si elle en voulait d’autres », il s’agit d’un commentaire maladroit, mais ne constitue pas une faute déontologique. Pour ce qui est des chefs relatifs à l’entrée et la détention illégale, le Comité retient la version des policiers indiquant qu’ils ont demandé la permission à la plaignante d’entrer et elle les a invités à le faire. De plus, la preuve démontre qu’il n’y avait aucun signe extérieur au soutien de cette inconduite. La plaignante n’a pas été retenue ni menottée. Même si la plaignante avait suffisamment d’indices pour se sentir détenue psychologiquement, les policiers l’ont détenue avec droit, car ils avaient des motifs raisonnables de soupçonner que l’ensemble des circonstances démontrait un lien entre la plaignante et la suspecte du vol. Le Comité n’a par ailleurs pas écarté la ressemblance entre la plaignante et la suspecte que l’on voyait dans la vidéo. Finalement, le Comité ne peut retenir que la plaignante a fait l’objet un traitement différencié en raison de sa couleur de peau. En l’espèce, la première rencontre entre les policiers et celle-ci n’a rien à voir avec le vol. Quant à la deuxième rencontre, la preuve factuelle et circonstancielle ne permet pas d’identifier des écarts permettant de conclure à cette inconduite. Dans la présente affaire, les policiers, incertains, ont cherché à corroborer ou infirmer la possibilité que la plaignante était l’auteure du vol de la pizzeria. Selon le Comité, cela ne s’agit pas d’un indicateur de profilage, il démontre plutôt qu’ils s’intéressent aux caractéristiques de l’auteur du crime pour les comparer à la plaignante.

Seule l’inconduite reconnue par les policiers sera jugée dérogatoire. Le Comité décide que les policiers n’ont pas dérogé aux autres citations relatives aux articles 5 et 7 du Code.

 

 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 

 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Rien à signaler.

 

ARTISTES

 

Rien à signaler.

 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

R. c. Ouimet, 760-01-105189-226, le 16 mai 2023

Disponible ici

L’accusé est un agent frontalier à l’emploi de l’Agence des services frontaliers du Canada. Au moment des évènements, lui et la plaignante sont formateurs en emploi de la force et offrent un cours de fouilles et menottage au Collège de l’Agence, à Rigaud. À l’occasion de cette formation, l’accusé performe une démonstration de fouille sur une personne de sexe opposé, la plaignante, devant neuf futurs agents frontaliers. À l’issue de la plainte de sa collègue, la plaignante, il a été accusé d’agression sexuelle pour avoir touché ses seins et avoir touché ses parties génitales lors de cette démonstration de fouille.

Selon le juge, même si l’accusé a eu certains commentaires grivois à l’endroit de sa collègue, il ne peut retenir qu’il a commis une agression sexuelle. Il croit l’accusé lorsqu’il explique qu’il emploie la technique enseignée dans le manuel du formateur, c’est d’ailleurs ce que la plaignante admet, à l’exception des deux gestes qu’elle reproche à l’accusé au niveau des seins et de son entre-jambes. Le tribunal est d’avis que l’ensemble de la fouille a été pratiquée avec le dos de la main de l’accusé, tel qu’enseigné. Le critère pour déterminer l’actus reus de l’infraction d’agression sexuelle en est un qui est objectif et il se doit d’être analysé dans le contexte dans lequel le geste est posé. En l’espèce, la preuve démontrait que les gestes étaient purement académiques lesquels étaient d’ailleurs scrutés par plusieurs recrues. L’accusé décrivait chaque geste avec des paroles en faisant la démonstration. Il n’a jamais passé des commentaires sexuels. De plus, quatre recrues interrogées par l’enquêteur du dossier n’ont rien remarqué de particulier. Ainsi, le juge conclut que la poursuite n’a pas réussi à démontrer que les touchers tels qu’allégués par la plaignante ont bel et bien eu lieu, et même s’ils avaient eu lieu, elle n’a pas réussi à démontrer que les gestes, dans le contexte, pouvaient engager la responsabilité criminelle de l’accusé.

L’accusé est acquitté d’agression sexuelle.

Le cabinet RBD représentait l’accusé dans ce dossier