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Veille juridique du 24 août 2021

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Commissaire aux langues officielles du Canada c. Bureau du surintendant des institutions financières (C.A.F., 2021-08-04), 2021 CAF 159

https://www.canlii.org/fr/ca/caf/doc/2021/2021caf159/2021caf159.pdf

La Cour d’appel fédéral est appelée en l’espèce à statuer sur la nature et la portée du principe de l’égalité réelle des droits linguistiques en matière de langue de travail au sein des institutions fédérales, et l’obligation de celles-ci de veiller à ce que, dans les régions désignées bilingues, leurs milieux de travail respectifs soient propices à l’usage effectif des deux langues officielles tout en permettant à leur personnel d’utiliser l’une ou l’autre.

Dionne, exerçant ses fonctions à Montréal, allègue avoir été forcé de travailler en anglais avec des collègues unilingues anglophones de la région de Toronto. De plus, l’ensemble des documents lui étant fournis par l’employeur étaient rédigés en anglais. Son poste de gestionnaire l’amenait à travailler de façon récurrente avec une équipe de spécialistes unilingues anglophones du bureau de Toronto. Pour l’essentiel, à chaque fois qu’il devait requérir la production de documents ou d’avis d’un spécialiste, ceux-ci arrivaient en anglais. Travaillant dans une succursale bilingue, on lui demandait de traduire les documents en français alors que la traduction n’est pas son métier.

Une partie importante des motifs de la Cour d’appel fédérale porte sur une erreur de la Cour fédérale d’exclure les critères de l’arrêt Beaulac lorsqu’une plainte est formulée par un francophone dans une province majoritairement francophone. Pour la Cour fédérale, M. Dionne ne fait pas partie d’une minorité linguistique. La Cour d’appel fédérale mentionne que ni la législation ni la jurisprudence ne permet d’arriver à une telle conclusion. La Loi sur les langues officielles est applicable aussi pour un travailleur issu d’une minorité linguistique au niveau national.

[35] Plus important encore, la distinction que trace la Cour fédérale entre les droits visant la préservation d’une minorité provinciale de langue officielle et ceux d’une minorité francophone pancanadienne ne trouve nul appui ni dans la jurisprudence, ni dans le libellé des dispositions en cause. Une telle distinction est susceptible de restreindre indûment la portée des droits linguistiques, et ce, contrairement aux enseignements de l’arrêt Beaulac.

Sur le fond du litige, la Cour d’appel fédérale reproche à l’intimée de ne pas avoir assuré un milieu de travail permettant à M. Dionne d’effectuer ses tâches dans la langue de son choix. En imposant à M. Dionne la lourde tâche de traduire des documents anglophones pour offrir un service francophone, l’intimée a fait porter la charge du bilinguisme institutionnel à ses salariés bilingues.

[107] […] Cette conclusion est notamment appuyée par le fait que M. Dionne a été obligé de travailler de façon systématique en anglais même s’il devait rédiger ses rapports en français. Elle est appuyée aussi par le fait que seuls les employés bilingues comme M. Dionne exerçaient la lourde tâche de traduction dans la préparation des rapports destinés au public en vertu de la partie IV de la LLO. Finalement, je note que l’intimé a mis beaucoup de temps avant de prendre des mesures pour tenter de remédier à ces problèmes.

L’appel est accueilli en partie. La décision de la Cour fédérale de rejeter la demande de M. Dionne est cassée. Aucun dépens n’est ordonné, comme convenu entre les parties, en raison de l’insuffisance de la preuve sur cet aspect.

 

Maax Bath inc. c. Racine, 2021 QCCS 2885

https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2021/2021qccs2885/2021qccs2885.pdf

Dans la saga judiciaire relative à la modification de la Loi sur les normes du travail de 2019 qui ajoutait deux journées rémunérées dans l’année pour combler des absences maladie ou des congés pour obligations familiales, la Cour supérieure est saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire d’une décision de l’arbitre Racine.

L’arbitre Racine avait tranché un grief en faveur du syndicat. Il a conclu que la convention collective ne prévoyait aucune rémunération pour les absences maladie ou les obligations familiales. L’employeur plaidait que la convention collective comportait une disposition sur les congés mobiles et que ceux-ci pouvaient équivaloir à ce type de congés. L’arbitre rejetait cette prétention, notamment parce que les congés mobiles s’acquièrent après un an d’ancienneté alors que la Loi sur les normes du travail accorde les deux journées rémunérées après trois mois de service continu.

L’employeur allègue que la décision de l’arbitre Racine est inintelligible et incohérente. La Cour supérieure rejette le pourvoi en contrôle judiciaire. Pour la Cour, l’arbitre s’est bien dirigé en fait et en droit :

[44] L’Arbitre ne conclut pas que les congés mobiles prévus à l’article 29.01 de la convention collective représentent un avantage équivalent ou supérieur à la norme établie par la LNT. Il reconnait plutôt que les congés mobiles peuvent être utilisés pour des absences pour raisons familiales ou pour maladie, puis il constate qu’il est possible qu’un salarié ayant épuisé ses congés mobiles pour d’autres motifs se voit privé du bénéfice de la norme légale qui est d’ordre public.

[45] Ainsi, il appert que l’Arbitre ne s’est pas mépris en ce qui concerne l’état du droit relatif aux clauses d’une convention collective conférant une norme plus avantageuse, puisque ce n’est pas le cas en l’espèce. L’Arbitre n’a pas modifié ou réécrit une disposition de la convention collective. Il a seulement constaté que l’interprétation de l’article 29 pouvait empêcher un salarié de bénéficier de la norme légale.

Le pourvoi en contrôle judiciaire est rejeté.

 

Unifor et Bell Canada (Kevin Doucet), 2021 QCTA 371

https://www.canlii.org/fr/ca/casa/doc/2021/2021canlii60675/2021canlii60675.pdf

Un salarié perd son permis de conduire à la suite d’une condamnation pour conduite avec les facultés affaiblies. L’incident survient en dehors du cadre du travail. Cependant, l’une des exigences de l’emploi est le maintien d’un permis de conduire valide. L’employeur impose un congédiement ce qui mène au grief de la partie syndicale.

Le salarié est en congé du 15 au 26 décembre 2017. Le 17 décembre survient l’événement qui mène à la suspension immédiate de son permis de conduire. Le 20 décembre 2017, le salarié consulte un médecin qui diagnostique un trouble anxieux qui évoluera vers une dépression. Il est ensuite placé sur le régime d’assurances de la Manuvie. Lors des diverses rencontres médicales, le salarié n’évoque pas la perte de son permis de conduire. En mai 2018, le salarié est convoqué à une expertise médicale. Pour la première fois, il mentionne la perte de son permis. Dans les mois suivants, l’employeur entreprend une enquête disciplinaire menant au congédiement du salarié.

L’employeur allègue différents manquements tous rattachés à la notion d’honnêteté et de loyauté. L’arbitre rejette la prétention patronale à l’effet que le salarié a bénéficié sans droit du régime d’assurances. L’arbitre retient que le salarié n’a pas feint une quelconque maladie. La preuve médicale au dossier est concluante. Cependant, l’arbitre retient le manque de transparence du salarié concernant la non-divulgation de la perte de son permis de conduire à l’employeur. Une directive connue mentionnait clairement que la perte de permis de conduire devait être adressée à l’employeur.

L’arbitre considère que si la faute est prouvée, le congédiement demeure une mesure excessive. Il retient l’absence de risques de récidive et certains facteurs atténuants. Le tribunal substitue au congédiement une suspension sans solde de même durée que la suspension du permis de conduire du travailleur.

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

Fraternité des policiers et policières de Mascouche et Ville de Mascouche, QCTA, 6 juillet 2021 (Me Nathalie Massicotte)

Sur demande seulement

Dans cette affaire, un policier de la Ville de Mascouche dépose un grief pour atteinte à son droit d’association. De plus, il dépose un grief pour contester des mesures disciplinaires lui étant imposées pour un événement survenu la même journée.

Le 4 juin 2021, il survient une situation au poste de police. L’employeur procède à des citations disciplinaires de plusieurs membres de l’exécutif syndical. En signe d’appui, les membres de la Fraternité se présentent au poste de police afin d’assister à l’audience disciplinaire. Devant le refus de l’employeur, les policiers se sont regroupés dans le corridor adjacent à la salle utilisée par l’employeur pour rencontrer les policiers visés par la citation disciplinaire. Ce local dispose d’une fenêtre donnant sur le corridor. En guise de manifestation, le salarié prend une « pancarte » et l’appose sur la fenêtre. Le représentant de l’employeur retire l’affiche.

L’arbitre considère que le lieu utilisé et le moment du geste contestataire pouvaient nuire au déroulement de l’audience disciplinaire. Ce faisant, l’employeur pouvait user de son droit de gérance pour s’assurer que la liberté d’association des policiers ne nuise pas aux activités de l’employeur.

Quant aux deux mesures disciplinaires, l’employeur prétend que le salarié a refusé d’obéir à un ordre et qu’il a au cours de la journée manqué de respect à un représentant de l’employeur.

Dans un premier temps, le salarié est un technicien en identité judiciaire. Or, le jour de l’événement, il n’est pas en service devant demeuré disponible puisqu’il agit comme aidant naturel. Le jour des évènements, l’employeur demande au salarié de se déplacer sur une scène de crime. Pour les motifs mentionnés, il refuse. L’employeur lui donne alors un ordre de le faire. S’il refuse d’emblée, le salarié se porte finalement disponible dans la journée. L’arbitre considère que le salarié n’a pas fait preuve d’insubordination.

Toutefois, l’arbitre retient une attitude irrespectueuse du salarié. Celui-ci a répondu à son supérieur immédiat à maintes reprises en utilisant la position militaire du garde-à-vous conjugué à une utilisation répétée du « Non Monsieur! ». Ce manquement est sanctionné initialement d’une suspension, ce qui est réduit à un avertissement verbal par l’arbitre.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRALE

Pomerleau c. R., 2021 QCCA 1211

https://canlii.ca/t/jhc18

L’appelant interjette appel d’une déclaration de culpabilité de deux chefs d’accusation pour contacts sexuels et agression sexuelle. Il a été acquitté d’un chef d’incitation à des contacts sexuels. Les événements en cause étaient les suivants. La seule plaignante, la fille de sa conjointe, mineure au moment de subir les agressions, a rapporté deux événements. Le premier avait eu lieu en 2005, alors qu’elle était âgée de 9 ans, à une époque où sa mère travaillait de nuit. Elle s’était endormie à côté de cette dernière et avait été réveillée plus tard par l’appelant, qui lui avait fait des attouchements non consentis. Au bout de quelques minutes, l’appelant se serait excusé, affirmant qu’il l’avait confondue avec sa mère. Le second événement était survenu alors que la plaignante était âgée de 9 ou 10 ans. Elle avait rejoint sa mère et l’appelant dans leur lit et elle avait été invitée par ce dernier à le toucher, sans que sa mère commente la situation.

En première instance, le juge Belisle a conclu que le premier incident s’était produit et que les arguments de défense invoqués ne suscitaient aucun doute pour lui. Il a excusé les contradictions dans le témoignage de la plaignante par son jeune âge au moment des événements et par le fait qu’elles portaient sur des éléments périphériques secondaires. Finalement, lorsqu’il a rendu son jugement, il a modifié la date des chefs pour faire référence à la période comprise entre décembre 2006 et décembre 2007, alors que la période initialement visée était celle de janvier 2005 à décembre 2006.

L’appelant estime que le juge a erré en droit en modifiant la date des infractions sans en aviser les parties ni leur permettre de fournir de preuves ou d’observations additionnelles sur ce point. Il s’agirait, selon lui, d’une atteinte au droit à une défense pleine et entière ainsi qu’une atteinte à l’équité du procès. Selon la poursuite, le moment de l’infraction constituait un détail superfétatoire dans le contexte du dossier.

De l’avis du juge Healy, pour la majorité, l’article 601 du Code criminel confère au juge un pouvoir discrétionnaire de modifier le chef d’accusation afin de le rendre conforme à la preuve présentée au procès, à moins, toutefois, que la modification ne concerne un élément essentiel de l’infraction ou qu’il ne s’agisse d’un élément crucial pour la défense. Le moment de l’infraction devient crucial à la défense lorsque l’accusé se défend d’une accusation en fournissant une défense d’alibi, ou encore lorsqu’il s’attarde à contester cet élément précis dans sa défense. En l’espèce, l’appelant n’a pas présenté une réelle défense d’alibi. Il s’agissait tout au plus d’une défense d’opportunité limitée. La modification effectuée par le juge ne l’a donc préjudicié d’aucune façon et le juge pouvait condamner l’appelant pour l’infraction commise à une autre date que celles mentionnées dans le chef d’accusation.

Enfin, en ce qui concerne le témoignage de la plaignante, l’appelant ne fait voir aucune erreur manifeste ou déterminante. Certaines faiblesses dans le témoignage ne compromettent en rien sa substance puisqu’elles touchent des faits périphériques.

L’appel sur la culpabilité est rejeté.