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Veille juridique du 24 janvier 2023

SECTION DROIT DU TRAVAIL

 

GÉNÉRAL

 

Syndicat des employés de métiers d’Hydro-Québec, SCFP-1500 c. Hydro-Québec, sentence arbitrale rendue le 5 janvier 2023 (a : Me Pierre Laplante)

Disponible ici.

Les opérateurs mobiles, dont le plaignant, demeurent sur le site du barrage hydroélectrique. Le 31 décembre 2020, le plaignant ne respecte pas la coutume eu égard à l’horaire de travail pour la période des Fêtes et arrive aux résidences en retard pour remplacer son collègue.  Cet événement mène, d’abord, à un échange d’invectives, puis à une échauffourée initiée par le plaignant. Le 7 janvier 2021, le plaignant est suspendu pour fins d’enquête, laquelle aboutit à son congédiement le 15 février 2021.

L’arbitre Laplante était saisi de deux griefs interreliés.

    1. Grief visant la contestation d’une suspension indéfinie pour fins d’enquête du plaignant

L’arbitre Laplante décide que le motif de « comportement inapproprié » inscrit dans la lettre de suspension constitue un motif valable justifiant la suspension indéfinie du plaignant.

    1. Grief visant la contestation du congédiement du plaignant pour agression verbale et physique à l’encontre d’un collègue de travail sur les lieux du travail

En appliquant à la preuve entendue les critères de crédibilité, de vraisemblance, d’intérêts et de cohérence, auxquels critères se greffent une analyse des blessures et une analyse circonstancielle des faits pré et post-agression, l’arbitre Laplante juge être en présence d’une violente agression physique gratuite du plaignant à l’endroit de son collègue et non d’une échauffourée entre deux collègues de travail où chacun d’entre eux supporte une partie égale de la faute. En l’absence d’un tiers témoin, l’arbitre Laplante estime que la version du collègue du plaignant est la plus vraisemblable et donc prépondérante.

La partie syndicale demande au tribunal d’arbitrage d’intervenir, considérant plusieurs circonstances atténuantes, dont la disparité des sanctions, la gradation des sanctions, la défense de provocation, l’incident isolé, l’absence de dossier disciplinaire et de préméditation ainsi que les regrets sincères du plaignant. Malgré ces justifications, l’arbitre Laplante conclut de la manière suivante qu’il n’y a pas lieu d’intervenir :

« [289] Ayant en arrière-plan les obligations légales et contractuelles de l’employeur, cette violente agression, provoquée par le plaignant, jouxtée à l’absence d’excuse et à une absence de reconnaissance des fautes commises, fait en sorte que ce tribunal d’arbitrage en arrive à la conclusion que la décision de l’employeur, considérant l’ensemble des circonstances de cette affaire, était raisonnable et justifiée. »

En somme, la faute commise par le plaignant mérite un congédiement.

Le grief est rejeté.

 

J. c. Lumigraf inc., 2022 QCTAT 5789

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jtq4x>

En raison de la pandémie de COVID-19, le demandeur, qui occupe un poste de designer graphique et responsable des impressions, est mis à pied. Toutefois, l’employeur l’avise qu’il considère plutôt qu’il a volontairement quitté son emploi. Le demandeur conteste cette fin d’emploi en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail et nie avoir démissionné.

La première question sur laquelle se penche le Tribunal vise à déterminer si le demandeur a quitté volontairement son emploi. La démission ne se présumant pas, l’employeur n’a pas fourni une preuve directe d’une manifestation explicite de l’intention du demandeur de démissionner. Au contraire, la preuve soumise démontre que le demandeur avait des motifs de croire que son employeur ne désirait plus sa présence sur les lieux du travail. Par conséquent, l’employeur n’ayant pas su démontrer l’existence de faits suffisamment graves, précis et concordants eu égard à l’intention du demandeur de démissionner, le Tribunal conclu qu’il n’a pas démissionné.

La seconde question sur laquelle se penche le Tribunal vise à déterminer si le demandeur a commis des fautes graves justifiant sa fin d’emploi, sans qu’il soit nécessaire d’appliquer le principe de la progression des sanctions. Le Tribunal juge que les fautes justifiant une sanction sont celles d’avoir injurié un collègue sans le regretter ultérieurement et d’avoir refusé de remettre le mot de passe d’un ordinateur appartenant à l’employeur jusqu’au versement de sa dernière paie et son relevé d’emploi. Puisque le comportement de l’employeur à la suite des événements ne permet pas de déceler un bris irrémédiable du lien de confiance, le Tribunal considère que les fautes ne sont pas suffisamment graves pour justifier le congédiement et passer en amont du principe de la progression des sanctions.

La troisième question sur laquelle se penche le Tribunal vise à déterminer s’il existe des motifs justifiant de ne pas ordonner la réintégration du plaignant chez l’employeur. Le Tribunal constate que la réintégration est impossible considérant les obstacles sérieux, notamment la petite taille de l’entreprise, les séquelles laissées par les conflits et l’animosité persistante entre les parties.

Le Tribunal accueille la plainte, annule le congédiement et le remplace par une suspension sans solde d’une durée de 13 semaines.

 

N. c. Unifor, section locale 175, 2022 QCTAT 4842

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jsrbd>

Le plaignant travaille dans une raffinerie à titre de technicien en procédés chimiques. Il dépose une plainte contre le syndicat pour manquement au devoir de juste représentation en vertu de l’article 47.2 du Code du travail, et ce, pour plusieurs reproches.

D’abord, le plaignant blâme le syndicat de ne pas avoir déposé de grief relativement au harcèlement dont il prétend être victime au travail. Toutefois, bien qu’il ait dénoncé la situation, il ne requiert pas le dépôt d’un grief et omet ou néglige de fournir les précisions demandées par syndicat. Ainsi, le Tribunal estime qu’il ne peut reprocher au syndicat son inaction.

Puis, le plaignant allègue que le syndicat aurait dû déposer un grief pour contester les restrictions et le suivi psychologique qui lui ont été imposés par l’employeur. Le Tribunal retient la version des faits du syndicat selon laquelle il aurait pris connaissance de l’Entente relative au programme de traitement de l’alcoolisme et de la toxicomanie soumise par l’employeur six mois après la signature du plaignant, et ce après lui en avoir demandé la transmission à maintes reprises. Qui plus est, le plaignant a demandé le dépôt du grief à l’extérieur des délais de contestations prévus à la convention collective.

Finalement, le plaignant allègue qu’un grief aurait dû être déposé par le syndicat afin de contester le refus de l’employeur de permettre son retour au travail. Toutefois, le syndicat estime que la décision de l’employeur de procéder à l’arbitrage médical afin qu’un troisième médecin décide si le plaignant est apte au retour au travail est conforme à la convention collective en vigueur.

La plainte est rejetée, le plaignant n’ayant pas su démontrer que le syndicat a manqué à son devoir de représentation.

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Ville de Montréal c. Fraternité des policiers et policières de Montréal, 2023 CanLII 604 (QC SAT)

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jtvpg>

Dans cette sentence arbitrale, l’arbitre Bergeron accueille le grief formulé par la Fraternité des policiers et policières de Montréal à l’encontre de la décision de l’Employeur de refuser de payer la banque de temps supplémentaire accumulé à un policier selon le traitement régulier applicable aux sergents-détectives.

Le plaignant est agent enquêteur à l’unité Crimes de violence et occupe un grade de constable 1re classe. Toutefois, il travaille toujours en fonction supérieure de sergent-détective et en reçoit la rémunération correspondante, conformément à la convention collective.

Au mois de juin 2018, le plaignant demande à son employeur le paiement du temps supplémentaire accumulé, lequel le lui paie en utilisant le traitement applicable aux constables 1re classe.  Pourtant, si le plaignant lui avait demandé le paiement du temps supplémentaire au fur et à mesure de son exécution, l’employeur aurait utilisé le taux horaire du sergent-détective. L’arbitre Bergeron juge que cette incohérence mène à une injustice flagrante et conclut ainsi :

« [71] L’accumulation des heures supplémentaires en vue d’un paiement différé est un droit que la convention collective reconnaît au policier et ce dernier n’a pas à être pénalisé pour l’exercice de ce droit. »

Le grief est accueilli et l’arbitre Bergeron ordonne à l’employeur de rembourser au plaignant ainsi qu’à tous policiers qui se trouve dans une situation similaire, toutes sommes et autres avantages dont ces derniers auraient bénéficié si l’employeur avait utilisé le taux horaire du sergent-détective dans le calcul du salaire payé pour temps supplémentaire accumulé plutôt que celui du constable.

Dans cette affaire, le cabinet RBD représentait la Fraternité.


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Rien à signaler.

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

 


 

ARTISTES

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

 

GÉNÉRAL

 

Delisle c. R., 2023 QCCA 11 

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jtv0t>

Dans cette affaire, l’appelant se pourvoit contre la sentence prononcée le 31 mars 2022 par la Cour du Québec, laquelle le condamne à une peine totale de 18 mois d’emprisonnement après qu’il ait plaidé coupable à huit chefs d’accusation relatifs à la production de cannabis, la possession de cette substance et diverses infractions liées aux armes à feu. Il conteste la peine de 15 mois que le juge lui a imposée sous le premier chef pour avoir cultivé du cannabis en contravention à la Loi sur le cannabis (ci-après, la Loi), ainsi que celle de 6 mois concurrents sous le second chef en lien avec la possession de cannabis en contravention au paragraphe 8(1)b) (2)a) de la Loi.

L’appelant invoque divers moyens d’appel. Notamment, il prétend que le juge aurait commis une erreur en qualifiant la gravité objective de l’infraction prévue à l’article 12(4)b) de la Loi. Il considère que le juge de première instance l’a erronément assimilé à la gravité objective de l’infraction autrefois prévue à l’article 7 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (ci-après LRCDAS). Puisque la Loi n’impose plus de peine minimale, il fallait en conclure que l’infraction en cause ne revêt pas la même gravité que celle qui prévalait avant l’entrée en vigueur de celle-ci. Ce faisant, le juge ne pouvait s’inspirer des fourchettes de peines édictées sous le régime de la LRCDAS. Par ailleurs, il devait tenir compte du nouveau consensus social entourant la consommation et la production de cannabis.

Concernant l’argument lié à l’abolition de la peine minimale, la Cour d’appel adhère à la conclusion du juge de première instance selon laquelle la transition du régime de la LRCDAS vers celui de la Loi n’a pas altéré la gravité objective de l’infraction dont l’appelant est inculpé. La Cour écrit:

[13]       Le retrait d’une peine minimale est certes un facteur à considérer puisque le juge possède désormais toute la discrétion voulue afin d’individualiser la peine. Toutefois, comme le reconnaît la Cour du Québec, « c’est plutôt par la gravité objective d’un crime qualifiée par le législateur par l’intermédiaire des peines maximales dont sont passibles les différents crimes qu’il faut analyser le degré de sévérité dont est passible un accusé. ». Or, ici le législateur a choisi, malgré le contexte social entourant l’adoption de la Loi, de maintenir une peine maximale de 14 ans. L’infraction de production de cannabis se retrouve d’ailleurs dans la section de la Loi traitant des infractions criminelles.

Selon la Cour d’appel, le juge de première instance a correctement examiné l’ensemble des facteurs atténuants et aggravants et il a pris soin d’individualiser la peine. Celle-ci se situe dans la fourchette des peines établie pour ce genre d’infraction et tient compte des condamnations antérieures en semblable matière. Contrairement à ce que plaide l’appelant, l’évolution du consensus social en ce qui concerne la consommation de cannabis à des fins récréatives ou médicales ne justifie pas, dans le contexte du présent dossier, de réduire la peine à celle suggérée par l’appelant. Le juge était bien fondé, dans l’exercice de sa discrétion, de mettre davantage l’accent sur la dénonciation tout en ayant à l’esprit les principes que sont la proportionnalité et l’individualisation des peines.

L’appel est rejeté.

 

LSJPA — 2232, 2022 QCCA 1685

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jth3l>

Dans cette affaire, l’appelant se pourvoit contre les déclarations de culpabilité prononcées par le Tribunal de la jeunesse le reconnaissant coupable d’avoir attenté à la pudeur d’une personne de sexe féminin et d’avoir commis des actes de grossière indécence.

Les événements en cause dans ce dossier se sont déroulés en 1967 et en 1967. À l’époque des faits, la plaignante, la jeune sœur de l’appelant, était âgée de 9 ans et de 11 ou 12 ans. Quant à l’appelant, il était âgé de 15 et de 18 ans. D’abord portée devant la Cour du Québec en raison de l’atteinte de la majorité de l’appelant, la deuxième dénonciation a finalement été transférée au Tribunal de la jeunesse. L’intérêt de la justice semblait justifier que les accusations soient jugées simultanément.

La preuve de la poursuite reposait sur le témoignage de la plaignante. Elle affirme qu’elle a été la victime de l’appelant relativement à une quinzaine d’agressions qui se seraient étalées sur une période approximative d’un an et demi. Elle rapporte qu’elle a fait état de ces comportements abusifs de l’appelant à l’ex-conjointe de celui-ci, madame A, ainsi qu’au fils de l’appelant, D. Elle relate également que sa sœur Z se prostituait à l’âge de 12 ou 13 ans et qu’elle se serait suicidée. Sa sœur E se serait aussi suicidée.

En défense, l’appelant a choisi de témoigner et a nié les comportements que lui reprochait la plaignante. Il explique qu’il s’est toujours bien entendu avec la plaignante, jusqu’à ce que naisse une dispute relative à l’administration des biens de la succession de leur sœur Z, que gérait la plaignante. L’appelant précise que leur sœur Z est décédée d’un anévrisme au cerveau alors que leur sœur E est décédée d’un cancer. Il affirme de plus que Z ne s’est jamais prostitué à l’âge de 12 ou de 13 ans. Madame A et le fils D ont témoigné que la plaignante ne leur a jamais fait part des comportements du plaignant.

Le juge du procès a conclu que le témoignage de la plaignante était sincère et fiable, qu’il était probant et qu’il permettait d’établir, hors de tout doute raisonnable, que les gestes d’abus reprochés à l’accusé ont bel et bien été posés. Le juge justifie les imprécisions du témoignage de la plaignante par le temps écoulé depuis les faits et par son bas âge à ce moment. Il considère que certains éléments peu fiables ou incohérents de son témoignage sont secondaires et n’affectent pas la crédibilité de celui-ci. Quant au témoignage de l’appelant, il le considère « fiable et crédible à divers égards », mais juge qu’il ne soulève pas de doute raisonnable. Selon le juge, s’il témoigne avec plus de précision que la plaignante, cela peut se justifier par le fait que l’appelant est de cinq ans son aîné.

L’appelant soulève plusieurs moyens d’appel. Notamment, il prétend que le juge de première instance a erré dans son appréciation de la crédibilité des témoignages, rendant ainsi un verdict déraisonnable.  Il plaide en outre que le témoignage de la plaignante n’était ni fiable ni crédible, compte tenu des contradictions, des invraisemblances et des incongruités qu’il contenait et qui ne portaient pas sur des aspects secondaires relatifs aux infractions reprochées.

Dans ses motifs, la Cour d’appel reconnaît que la crédibilité est une question de fait qui mérite généralement la déférence d’une cour d’appel, mais souligne que l’absence de considération relative à la fiabilité d’un témoin ou encore la faiblesse de son appréciation par le juge est une erreur de droit justifiant l’intervention d’une cour d’appel.

En l’espèce, bien que le juge de première instance fût justifié de considérer le jeune âge de la plaignante au moment des événements et de ne pas lui faire reproche de certaines imprécisions, il devait évaluer certains aspects de son témoignage en fonction des critères applicables à l’évaluation des témoins adultes.  Les contradictions, les incohérences et les faussetés du témoignage de la plaignante devaient être considérées à l’aune de ces critères afin d’en apprécier adéquatement la sincérité et l’exactitude. À ce sujet, la Cour d’appel énumère une série d’éléments dans le témoignage de la plaignante qui étaient de nature à faire naître un scepticisme certain à l’endroit de la sincérité de sa version et de sa crédibilité.

Le juge de première instance ne s’est pas livré à une interprétation raisonnable de l’ensemble de la preuve. Il a choisi de croire la version de la plaignante, ne se montrant aucunement préoccupé par la sincérité et l’exactitude de ce témoignage. Bien que le juge se soit mis en garde de ne pas choisir entre le témoignage de la plaignante et celui de l’appelant, la Cour est d’avis que c’est exactement ce qu’il a fait.

La Cour d’appel ajoute que le témoignage de l’appelant, même s’il n’avait pas été cru, pouvait, au vu de l’ensemble de la preuve, être de nature à soulever un doute raisonnable à l’égard de sa culpabilité. Selon la Cour, un jury convenablement instruit et agissant de manière judiciaire n’aurait pas pu raisonnablement conclure à la culpabilité de l’appelant.

Les verdicts de culpabilité prononcés contre l’appelant sont annulés et des verdicts d’acquittement y sont substitués.