SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Vigi Santé ltée c. Beaupré, 2022 QCCS 56
Dans cette affaire, l’employeur demande la révision judiciaire d’une sentence arbitrale rendue en faveur du travailleur. Le grief contestant la suspension se lisait ainsi: « Je conteste la décision de l’employeur de me suspendre pour fin d’enquête par sa lettre datée du 4 octobre 2016, sans raison valable. » L’arbitre a reconnu le bien-fondé de la suspension pour fins d’enquête dont il était question, mais conclut qu’elle aurait dû être imposée avec solde. Il appuie notamment son raisonnement sur l’arrêt de principe Cabiakman c. Industrielle-Alliance Cie d’Assurance sur la Vie de la Cour suprême. Au soutien de son pourvoi, l’employeur invoque le non-respect des règles d’équité procédurale et que la décision est d’autant plus déraisonnable.
En ce qui concerne les questions d’équité procédurale, la norme de la décision correcte trouve application et la question subsidiaire de savoir si le raisonnement de l’arbitre fondé sur l’arrêt Cabiakman est raisonnable entraine l’application de la norme de la décision raisonnable.
Le tribunal analyse dans un premier temps les questions d’équité procédurale. L’Employeur plaide que le grief ne conteste pas le fait que la suspension aurait dû être avec rémunération. Le Syndicat, quant à lui, prétend que l’arbitre devait nécessairement se prononcer sur la question du solde, dès lors que le bien-fondé de la suspension était contesté. Il ajoute que le fait que l’Employeur n’ait administré aucune preuve à cet égard relève d’une décision stratégique dont il ne peut se plaindre a posteriori.
Le juge revient sur le principe juridique selon lequel si l’arbitre entend trancher une question qui n’a pas été plaidée à l’audience, il doit donner l’occasion aux parties de faire valoir leur position. Il y a donc eu accroc aux principes de justice naturelle.
Dans un second temps, concernant la raisonnabilité de la décision relativement à l’application de l’arrêt Cabiakman dans la détermination du caractère avec ou sans solde de la suspension, la Cour conclut qu’il serait préférable que cette question soit tranchée par un arbitre qui aura entendu toute la preuve et l’argumentation.
Le dossier est renvoyé à un autre arbitre et le Tribunal accueille en partie la demande de contrôle judiciaire, annulant les conclusions émises par le premier arbitre.
Teamsters Québec, local 1999 c. Purolator, 2022 CanLII 1102 (QC SAT)
Le salarié visé par la décision était un chauffeur pour Purolator ayant pris des vacances à l’extérieur du pays, tout en ayant demandé la permission à son employeur. La période de quarantaine de 14 jours était à l’époque du grief encore obligatoire. Quelques temps avant le départ, le salarié apprend qu’il ne pourra quitter, la période de quarantaine au retour étant refusée par l’employeur et sera considérée comme une absence injustifiée. Le salarié est aussi avisé que des mesures allant jusqu’à la mise à pied pourraient être imposées. La convention collective prévoyait qu’aucune absence n’était permise durant cette même période, considérant le volume de travail élevé. Pour cette raison, l’employeur met fin à son emploi.
Le bémol dans cette affaire est que le travailleur avait, avant son congédiement, vérifié auprès d’un agent des Normes du travail au fédéral s’il pouvait effectivement voyager. Dans sa réponse par courriel, l’agent l’a référé à l’article 239.01 duCode canadien du travail : « Selon l’article en question, il est interdit à l’employeur de congédier, de suspendre, de mettre à pied ou de rétrograder l’employé qui prend un congé sous le régime de la présente section, de prendre des mesures disciplinaires à son égard ou de tenir compte du fait que l’employé a pris un tel congé dans les décisions à prendre à son égard en matière d’avancement ou de formation. Cette interdiction vaut également dans le cas de l’employé qui a l’intention de prendre un tel congé ». Le travailleur a alors pris ses vacances.
La position de l’employeur dans le dossier est à l’effet que le salarié ne peut invoquer sa propre turpitude. Selon Purolator, il avait été dument avisé des conséquences que de telles vacances pourraient avoir en période de fort achalandage. Le Syndicat prétend plutôt que l’employeur a changé sa décision initiale permettant au salarié d’acheter son billet d’avion et que ce n’est que plus tard qu’il a choisi de lui interdire son voyage en invoquant la convention collective.
L’arbitre rejette le grief et confirme le congédiement. Sa décision explique que le congé prévu au Code canadien du travail ne couvre pas les absences liées à la Covid pour se permettre un voyage à l’extérieur du pays. Seul un employé qui s’absente pour des raisons de santé ou qui est atteint de la maladie à coronavirus bénéficieraient de la protection. Au surplus, la loi ne modifie pas les conventions collectives, même au stade du choix des vacances et donc, le salarié devait respecter la procédure prévue à la convention. Ce qui pose problème n’est pas la semaine de vacances en soi, mais plutôt la période de quarantaine obligatoire qui coïncide avec la période de fort achalandage.
Legault et Ministère de la Sécurité publique, 2021 QCTAT 3577
Cette affaire dépeint le cas d’un travailleur, agent de service correctionnel à la Direction des services de transport et de comparution au Palais de justice de Longueuil, qui a été affecté à la surveillance de la guérite du stationnement. De sa propre initiative et sans que cela ne fasse partie de ses tâches, il a décidé de bloquer le passage avec son véhicule personnel à un automobiliste stationné dans un espace interdit aux citoyens. Il s’est alors fait frapper par le conducteur et a déclaré l’incident à son employeur. Le travailleur a subi des douleurs à la main et au poignet. Or, la CNESST refuse la réclamation en cause au motif que l’événement n’est pas survenu à l’occasion du travail. En révision administrative, la décision est confirmée. Devant le TAT, le travailleur demande que soit reconnue sa lésion professionnelle.
Selon la jurisprudence, il est exigé de faire la preuve d’un lien de connexité entre l’activité à l’occasion de laquelle est survenue la lésion et le travail exercé par le salarié. En l’espèce, l’incident est survenu à un moment où le salarié était sorti de son poste de travail à la guérite pour aller discuter avec le citoyen garé dans un endroit interdit.
Le Tribunal est d’avis que l’agression est survenue dans le cadre de fonctions qui ne sont aucunement attribuées à un agent de services correctionnels. Au mieux, ce dernier aurait pu aviser la sécurité pour que celle-ci se charge du citoyen. Le décideur retient comme point de départ l’intention du travailleur de provoquer un différend en plaçant son véhicule personnel derrière celui du citoyen pour lui bloquer le chemin. Par conséquent, les événements ne peuvent être considérés comme s’étant produits par le fait ou à l’occasion du travail.
Le Tribunal conclut que le travailleur n’a pas subi d’accident du travail au sens de l’article 2 de la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles.
Bourgeois c. Groupe MCFI ltée, 2021 QCTAT 5256
La plaignante est une employée au sein du Groupe MCFI ltée depuis 2018 à titre de technicienne-comptable. Elle a déposé une plainte en vertu de la Loi sur les normes du travail (ci-après, « L.n.t ») pour congédiement sans cause juste et suffisante le 29 mars 2019, soit pour une absence pour cause de maladie. L’employeur conteste et prétend que le congédiement est plutôt relié à des erreurs d’écritures comptables qu’aurait commises la plaignante ainsi que pour des comportements qui auraient brimé le lien de confiance envers celle-ci.
La présente affaire soulevait deux questions. D’abord, l’annonce d’une absence pour maladie constitue-t-elle l’exercice d’un droit permettant l’application de la présomption légale ? Ensuite, la cause véritable de congédiement démontrée par l’employeur est-elle en lien avec les erreurs d’écriture et la perte de confiance ? Le Tribunal répond respectivement par l’affirmative et la négative à ces deux interrogations.
L’article 79.1 de la L.n.t. encadre et permet les absences pour cause de maladie. En corolaire, l’article 122 L.n.t. interdit quant à lui à l’employeur de congédier un salarié en raison de l’exercice d’un droit prévu par la loi. Intervient alors la présomption de l’article 17 du Code du travail par le biais de l’article 123.4 de la L.n.t.
Le décideur considère que les reproches de l’employeur ne sont ni réels, ni sérieux dans le contexte. Ils constituent plutôt un prétexte déguisé pour pouvoir congédier la salariée. Au surplus, certains des actes reprochés ne figurent pas dans la lettre de congédiement et n’ont pas été portés à la connaissance de la travailleuse.
Pour les motifs précités, le décideur considère que l’absence au travail de la travailleuse pour cause de maladie constitue la réelle cause du congédiement et que la mesure a été imposée de manière concomitante à la fin d’emploi. L’application de la présomption est alors déclenchée. Le TAT annule le congédiement et ordonne que la travailleuse soit réintégrée dans son emploi, en sus de l’indemnité équivalente au salaire dont elle a été privée.
POLICIERS ET POLICIÈRES
Rien à signaler.
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
Rien à signaler.
POMPIERS ET POMPIÈRES
Rien à signaler.
ARTISTES
Rien à signaler.
SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
Rochette c. R., 2022 QCCA 58
L’appelant se pourvoit contre les verdicts de culpabilité prononcés par un jury pour des infractions relatives à du trafic de drogues et la sentence qui lui est imposée.
Le premier moyen de l’appelant porte sur l’admissibilité en preuve des messages extraits de deux téléphones saisis au moment de l’arrestation de l’appelant. Le second vise les directives données au jury en lien avec le cinquième chef d’accusation qui serait commis au profit d’une organisation criminelle.
Lors du procès, l’appelant s’est opposé au dépôt de la pièce incluant le lot des messages extraits au motif que seul un expert pouvait témoigner des méthodes d’extraction. Le sergent Tremblay, spécialiste en analyse informatique à l’emploi de la Sûreté du Québec, a témoigné dans le cadre du voir-dire puisqu’il avait procédé à la perquisition électronique, soit à l’extraction des données contenues dans les téléphones. L’extraction a révélé 1839 messages texte. Au terme du voire-dire, le juge de première instance a décrété que le sergent était un témoin de fait et donc qu’il pouvait témoigner sans avoir à être déclaré témoin expert. Il n’y a eu aucun débat sur l’admissibilité des documents dans le cadre de la Loi sur la preuve du Canada avant le dépôt de la transcription des messages. L’appelant prétendait que la pièce ne permettait pas de conclure qu’il était l’auteur des messages, faute de fiabilité. Finalement, le juge n’a fait aucune mise en garde au jury quant à l’importance de la valeur probante de cette pièce.
La Cour estime que l’appelant ne la convainc pas que le juge de première instance a erré en admettant en preuve la pièce du lot des messages par le biais du témoignage du sergent. Elle est plutôt d’avis que l’authenticité des messages n’est pas exigeante. Il s’agit simplement d’exiger si la preuve, directe ou circonstancielle, permettait de conclure que le document qui est présenté est ce qu’il paraît être. En l’occurrence, une série de messages texte ayant fait l’objet d’extraction. Cette preuve peut se faire par le biais d’un témoin expert ou de fait. Par ailleurs, le juge a rappelé aux jurés qu’il était de leur devoir d’apprécier la valeur probante des témoignages et de l’ensemble des pièces. Il ne pouvait usurper le rôle du jury en donnant son opinion sur la valeur probante de cette pièce.
Quant au second moyen, la Cour considère que la preuve était suffisante pour conclure que l’appelant dirigeait une organisation criminelle au sein de laquelle trois autres personnes participaient, et ce, indépendamment que l’aide qu’elles apportaient était ponctuelle. Le fait que les participants étaient des membres de la famille de l’appelant était sans importance. Enfin, les questions énumérées par le juge pour déterminer si le niveau d’organisation permettait de conclure à l’existence d’une organisation criminelle reprenaient les critères et conditions reconnus par la jurisprudence.
En ce qui concerne la sentence, la Cour estime qu’avec raison, la preuve ne permettait pas de conclure que l’appelant a profité de la naïveté de sa mère. Or, il ne s’agissait que d’un facteur aggravant parmi d’autres. Même si la peine prononcée se situe à l’extrémité de la fourchette pour ce genre d’infractions, le juge n’a pas commis d’erreur justifiant l’intervention de la Cour. Bien que la peine soit sévère, elle n’est pas manifestement non indiquée.
L’appel des verdicts de culpabilité est rejeté. L’appel de la sentence est également rejeté.
R. c. Laberge, 150-01-063945-217 (C.Q., 150-01-063945-217, 23 décembre 2021)
Disponible sur demande
Le suspect a bénéficié du programme de mesures de rechange (ci-après, « PMRG ») prévu au Code criminel (ci-après, « le Code ») relativement à une accusation en lien avec une arme à feu. Malgré le rejet de l’accusation par la poursuivante après les mesures complétées, cette dernière requerrait la confiscation des armes à feu en vertu de l’article 491 du Code.
La poursuivante prétendait que l’effet combiné de la reconnaissance des actes à l’origine de l’infraction et du texte de l’article 491 du Code rendaient obligatoire la confiscation des armes. Son argument était fondé sur les conditions d’applications du PMRG prévues à l’article 717 du Code, lesquelles exigent que le suspect doit reconnaître sa responsabilité avant d’intégrer le programme.
Le juge Daoust estime que l’argument de la poursuivante ne peut être retenu pour deux raisons. D’abord, les aveux d’un suspect dans le cadre d’une mesure de rechange ne sont pas admissibles en preuve dans des actions civiles ou pénales. Ces aveux sont faits à l’intérieur d’un programme qui vise la responsabilisation du suspect et une pénalité adaptée. Deuxièmement, la confiscation des armes à feu et munitions est une des conséquences qui font partie de la punition relative à l‘infraction et par conséquent, constitue une peine appelable sous permission selon l’article 675 du Code. Dans le contexte d’un PMRG, il n’y a pas de condamnation. Conséquemment, l’ordonnance obligatoire sous l’article 491 ne peut être prononcée dans le cadre de telles mesures.
L’accusation et la demande de confiscation des armes sont rejetées.
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