PAR ME LYLIA BENABID ET ME GENESIS R. DIAZ
SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest (grief syndical), 2023 QCTA 151
Disponible sur SOQUIJ.
Les deux griefs contestent le fait que l’Employeur refuserait, alors que les personnes salariées sont en télétravail, de leur verser le temps de déplacement et les frais de déplacement prévus à la clause 26 de l’entente locale.
Pour recevoir application, la clause 26.01 exige le respect de trois conditions :1) un déplacement; 2) exigé par l’Employeur; 3) les fonctions doivent être exécutées à l’extérieur du port d’attache. En somme, à la clause 26.01, l’emphase est mise sur le lieu habituel d’exécution de la prestation de travail. En télétravail, le lieu d’exécution habituel de la prestation de travail est déplacé du port d’attache au domicile de la personne salariée. La recherche de la commune intention des parties incite l’arbitre à tenir compte du lieu réel d’exécution de la prestation de travail, et ce, au-delà du seul « port d’attache ».
La personne en télétravail qui effectue un déplacement à l’intérieur de son horaire est réputée être au travail et doit donc être rémunérée pour la durée du trajet, considérant l’intention commune des parties de considérer la personne salariée comme étant au travail pendant son déplacement entre son port d’attache et un lieu où elle doit exercer ponctuellement ses fonctions.
Si une personne salariée effectue un ou plusieurs déplacements pendant ses heures de travail, elle doit être rémunérée pour la durée du trajet et le kilométrage parcouru.
Geremia et Société Terminaux Montréal Gateway, 2023 QCTAT 2434
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jxhv9>
Le travailleur est débardeur au port de Montréal pour la Société Terminaux Montréal Gateway. Le 28 juin 2022, il s’autoadministre un test ce dépistage rapide qui révèle qu’il est atteint de la COVID-19. Il soumet une réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (ci-après, la Commission) pour faire reconnaître le caractère professionnel de cette maladie. La Commission refuse cette réclamation. Le travailleur conteste cette décision en révision administrative, puis devant le Tribunal.
La Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles définit la lésion professionnelle comme étant une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail ou une maladie professionnelle. Dans le cas d’une contamination au virus SARS-CoV-2, le travailleur ne peut pas bénéficier des présomptions de lésion professionnelle et doit donc démontrer de façon prépondérante que sa contamination découle d’un évènement imprévu et soudain au sens de la Loi ou encore que sa maladie est reliée directement aux risques particuliers de son travail.
Le Tribunal conclut que la maladie de la COVID-19 diagnostiquée chez un débardeur constitue une maladie professionnelle reliée aux risques particuliers de son travail considérant que l’environnement de travail présente un risque particulier d’engendrer la COVID-19 pour les travailleurs présents. Le virus était actif au moment des faits et l’aménagement de travail fait en sorte qu’il pouvait facilement se propager entre les travailleurs.
Malgré une autre source possible de contamination du fait que le fils du travailleur présentait aussi des symptômes pendant la période pertinente, il est plus probable qu’improbable que le travailleur ait contracté la maladie chez l’employeur.
La contestation est accueillie et déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle au sens de la loi et a le droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
POLICIERS ET POLICIÈRES
Commissaire à la déontologie policière c. Chouinard, 15 juin 2023 (C-2020-5274-2, C-2020-5275-2)
Disponible ici.
La Commissaire reproche aux deux agents cités d’avoir arrêté illégalement et employé la force sans droit pour contrôler plaignante, et d’avoir été négligent et insouciant à l’égard de sa santé. La Commissaire cite également les policiers pour avoir utilisé une force plus grande que nécessaire.
Les policiers étaient les seuls en service dans la communauté de Kuujjuaq. Ils sont sollicités par le conjoint de la plaignante afin qu’ils puissent le raccompagner chez lui puisqu’il est sans manteau au poste de police en plein hiver. Le duo raccompagne l’individu chez lui et afin de comprendre la situation entre les parties., les agents questionnent la conjointe. Elle leur exige de sortir, prétendant qu’il ne s’est rien passé en pointant du doigt un des agents. Peu de temps après, les patrouilleurs reçoivent un appel de la plaignante sur la ligne d’urgence, mentionnant que son conjoint était « fou ». Au cours de cette intervention, les agents procèdent à l’arrestation de la plaignante pour entrave et voie de fait contre un agent de la paix. La plaignante sera par la suite escortée de son domicile au véhicule de police, sans manteau et nus pieds.
Le Comité conclut que les agents étaient justifiés de placer la plaignante en état d’arrestation. En l’espèce, la plaignante était contrariée et était verbalement agressive. Malgré les avertissements selon lesquels elle pourrait être arrêtée pour voies de fait si elle persistait de pointer près du visage du policier, elle a continué d’ignorer ces directives et de parler avec colère. Quant à l’emploi de la force, le Comité estime que les agents ont utilisé la force nécessaire. Lorsque l’agent a saisi la main de la plaignante pour la faire cesser et la mettre en état d’arrestation, elle a tenté de lui donner un coup de pied. La plaignante était en colère contre les agents et a résisté jusqu’à sa mise en menotte. De plus, la preuve démontre que les agents ont utilisé la force nécessaire en exerçant un contrôle articulaire et une poussée vers le fauteuil, où la plaignante était assise, pour éviter les blessures.
Quant au reproche relatif à l’article 10 du Code de déontologie (ci-après, Code), le Comité est d’avis que même s’il acceptait la version des agents selon laquelle la plaignante a refusé de coopérer en raison de son silence et de son défaut d’identifier les vêtements, les agents ont fait preuve d’un manque de jugement en forçant la plaignante à marcher sur les escaliers de métal et dans la neige sans prendre des précautions de base, en l’absence de circonstances exceptionnelles.
Le Comité décide que les agents ont uniquement dérogé à l’article 10 du Code en étant négligeant ou insouciant à l’égard de la santé ou la sécurité de la plaignante dont ils avaient la charge.
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
C. C. et Services Préhospitaliers Paraxion inc., 23 juin 2023, QCTAT, (Marie-Claude Lavoie, j.a.)
Disponible ici.
La travailleuse est technicienne ambulancière depuis 2019. En février 2021, la docteure de la travailleuse produit un certificat visant le retrait préventif et l’affectation de la travailleuse en raison d’un contaminant. Le retrait préventif est envisagé puisque l’emploi de la travailleuse comporte un danger d’exposition au SARS-CoV-2, soit le coronavirus qui cause la COVID-19, la travailleuse étant immunosupprimée et la distanciation ne pouvant pas être respectée.
La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après. CNESST) refuse la demande de retrait préventif en raison que la travailleuse n’ait pas démontré d’altération de son état de santé.
Le TAT conclut que le SRAS-CoV-2 n’est pas un contaminant au sens de l’article 32 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail et la travailleuse n’a donc pas droit au retrait préventif demandé.
Bien que le virus soit un micro-organisme tel que défini par la loi et qu’il est susceptible d’altérer la santé ou la sécurité des travailleurs, le législateur a ajouté en 2015 une condition selon laquelle ce contaminant doit être « généré par un équipement, une machine, un procédé, un produit, une substance ou une matière dangereuse ». Le Tribunal considère que le législateur ne parle pas pour rien dire et que cela démontre sa volonté de modifier la règle de droit applicable.
La contestation de la travailleuse est refusée et la décision de la CNESST est confirmée.
Le cabinet RBD représentait la travailleuse dans ce dossier.
POMPIERS ET POMPIÈRES
Rien à signaler.
ARTISTES
Association des réalisateurs et Société Radio-Canada (Sylvain Lampron), 2023 QCTA 207
Disponible sur SOQUIJ.
De manière préliminaire, dans le cadre d’un grief pour contester la suspension sans solde d’un réalisateur, le syndicat présente une requête en précision en soutenant que les motifs au soutien de la suspension disciplinaire sont imprécis, vagues et ambigus.
La présente requête ne constitue pas une demande de communication de la preuve, mais vise uniquement à obtenir des précisions permettant d’identifier à quel moment, à l’égard de qui et à quel endroit les comportements reprochés auraient été commis par le plaignant.
L’employeur plaide qu’en raison de la confidentialité promise aux personnes rencontrées qui allèguent des comportements harcelants et vexatoires et afin de protéger les témoins, cette requête est mal fondée, que le plaignant connaît ou devrait raisonnablement connaître les reproches qui lui sont faits et que la partie syndicale aura l’occasion d’entendre la preuve de l’employeur et aura également le loisir et le temps nécessaire pour contre-interroger les témoins entendus.
Selon l’arbitre, pour assurer une défense pleine et entière à la partie syndicale, ainsi que le bon déroulement de l’instance, l’employeur doit transmettre les précisions demandées à la requête sous étude. De telles précisions participent au droit d’être entendu et aux règles de justice naturelle.
La requête en précision de la partie syndicale est accueillie et il est ordonné à l’employeur de transmettre au syndicat les précisions demandées à l’égard des plaintes dont le salarié a fait l’objet, et ce, malgré la confidentialité promise aux personnes ayant participé au processus d’enquête.
SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
R. c. Charron, 2023 QCCQ 2056
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jwzm1>
Dans cette affaire, un appel est logé pour une sortie de route dans le secteur de Preissac, en Abitibi. Arrivés sur les lieux, les policiers constatent la présence d’un véhicule accidenté dans le fossé, l’accusé étant derrière le volant. L’accusé est mis en état d’arrestation pour conduite avec facultés affaiblies. Il est considéré selon le Centre de renseignement policier du Québec comme un individu violent, mais a été poli et coopératif lors d’interventions antérieures avec ces policiers. L’accusé est menotté. Prétendant que les menottes sont trop serrées et lui font mal, il s’en plaint sans que les policiers n’interviennent. S’en suit une résistance de la part de l’accusé qui amène les policiers à utiliser la force à son endroit, dont plusieurs techniques de diversion, des coups de genoux et des coups de pied, ainsi que l’utilisation du bâton télescopique, du poivre de Cayenne et d’un masque anti-crachat. Diverses accusations sont portées contre l’accusé en lien avec le refus d’obtempérer à un ordre donné par un agent de la paix ainsi qu’en lien avec des voies de fait, des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles aux policiers et d’avoir résisté à ceux-ci en plus de ne pas s’être conformé à une ordonnance de probation. L’accusé présente une requête en arrêt des procédures en invoquant qu’il a été détenu arbitrairement et victime d’une force excessive de la part des policiers.
Le tribunal considère que l’emploi de la force était excessif et que les policiers ont fait preuve d’un usage abusif des menottes. Les policiers savaient que celles-ci étaient beaucoup trop serrées et ils ont choisi de laisser l’accusé souffrir pendant 10 heures, en cellule. En l’espèce, la preuve révèle qu’il fallait exercer une certaine pression sur un mécanisme pour faire jaillir l’eau du robinet, ce que l’accusé était incapable de faire avec les mains dans le dos. Il a donc dû se résigner à se plonger à quelques reprises la tête dans la cuve de la toilette pour atténuer les douleurs des effets du poivre de cayenne.
Cette situation découle d’un acte volontaire. Il est invraisemblable que l’accusé ait enduré cette douleur sans s’en plaindre. Les faits pertinents permettent de conclure que l’abus découle de l’arrestation arbitraire, de la pose trop serrée des menottes, du nombre de coups de pied donné, du refus des policiers de desserrer les menottes malgré le fait que l’accusé leur en ait fait la demande, du port prolongé des menottes et des conséquences qui en ont découlé pour l’accusé, dont l’impossibilité de se décontaminer.
Finalement, le tribunal conclut que le droit à la sécurité de la personne prévue à l’article 7 de la Charte a été violé par les policiers et l’arrêt des procédures doit être ordonné. La nécessité de dénoncer la conduite répréhensible des policiers tel qu’ils ont agi dans le présent cas et de préserver l’intégrité du système de justice l’emporte largement sur l’intérêt que représente pour la société un jugement définitif statuant sur le fond.
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