SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
CFER-TV Rimouski c. Syndicat des employé(e)s de TVA, 2023 CAF 35
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jvrt9>
Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale est saisie d’une demande en contrôle judiciaire d’une décision du Conseil canadien des relations industrielles (ci-après, le « Conseil) rendue le 27 octobre 2021 (2021 CCRI 993). Dans cette dernière décision, le Conseil avait accueilli la demande du Syndicat du SCFP afin de réviser la structure des unités de négociation du Groupe TVA en vertu de l’article 18.1 du Code canadien du travail dans le but qu’une seule unité soit déclarée habile à négocier collectivement.
Le Conseil avait retenu que les changements technologiques et la centralisation des activités vers Montréal avaient changé de façon considérable la manière de travailler dans les stations régionales et que ces changements avaient mené à des suppressions de poste et à une diminution des effectifs parmi les employés syndiqués. Le Conseil avait aussi considéré le fait que les demandes du Groupe TVA, lors des négociations collectives, étaient semblables et donc que les négociations suivantes étaient teintées par celles précédemment effectuées.
Le Groupe TVA reproche au Conseil de ne pas avoir suffisamment expliqué son raisonnement dans leur décision. Ainsi, la Cour d’appel fédérale doit déterminer si la décision du Conseil est raisonnable selon le cadre énoncé dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.
En l’espèce, la Cour juge que le Conseil a suffisamment expliqué comment les changements technologiques et la centralisation des activités vers Montréal avaient modifié la manière de travailler dans les stations régionales. Le Conseil n’est pas tenu de commenter et d’expliquer chaque argument des parties. La Cour précise qu’une interprétation globale et contextuelle des motifs du Conseil est suffisante afin de comprendre le raisonnement et le fondement de sa décision. En ce qui a trait à la logique et la cohérence du raisonnement ayant mené à la conclusion finale du Conseil, la Cour réitère qu’il n’y a pas de faille justifiant son intervention.
La Cour rejette la demande de contrôle judiciaire.
Ville de Saint-Lambert et Syndicat de la fonction publique, section locale 307, TA, 8 février 2023 (a. Me Pierre-Georges Roy)
Disponible ici.
Dans la présente affaire, le Syndicat canadien de la fonction publique déposait un grief à l’encontre du congédiement d’un travailleur survenu en mars 2023. Cette décision découle de mensonges reprochés à celui-ci lors de son interaction avec le médecin expert de la Ville et lors d’une rencontre de validation des faits menée par les représentants de l’employeur.
Dans la présente décision, il est toutefois question d’une objection, formulée par la partie syndicale, face à l’utilisation des résultats de tests de dépistage de drogues administrés au plaignant par le médecin expert.
La partie syndicale invoque le fait que ces résultats ont été obtenus en contravention du droit à la vie privée du travailleur. Effectivement, l’employeur aurait pu choisir un moyen moins intrusif que celui de faire un test à partir des poils de la barbe du travailleur. Ensuite, ces tests auraient été effectués à la suite de la dénonciation d’une personne tierce non crédible. Ce faisant, la partie patronale aurait dû effectuer davantage de vérification avant d’exiger un dépistage.
Le Tribunal considère que la démarche de la partie patronale est raisonnable et sérieuse. Il expose que les soupçons face à la consommation du travailleur datent d’avant la dénonciation du tiers étant donné que le travailleur avait précédemment été rencontré par ses superviseurs concernant son attitude et son rendement. Par ailleurs, le Tribunal expose que l’employeur n’a pas débuté par un test de dépistage intrusif, il a plutôt entrepris sa démarche de vérification par une convocation à une expertise auprès de son médecin expert. Il n’était alors aucunement question de demander au travailleur de se soumettre à un test de dépistage de drogues. Ce n’est qu’à la suite de sa rencontre avec le salarié que le médecin expert, incapable d’expliquer le comportement des derniers mois du travailleur, qu’il suggère qu’un test de dépistage à partir des poils de barbe s’impose. La démarche de l’employeur était donc justifiée en l’espèce.
Le Tribunal rejette la demande syndicale de déclarer irrecevable le résultat du test de dépistage de drogues par l’analyse des poils de barbe et permet donc le dépôt de cet élément de preuve.
Trivium Avocats inc. c. Rochon, 2022 QCCS 4628
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jth06>
Afin de bien comprendre cette affaire, il importe de mentionner qu’au Québec, depuis le 6 octobre 2021, les employeurs ont l’obligation de prendre les mesures nécessaires afin de protéger ses travailleurs et travailleuses exposées sur les lieux du travail à une situation de violence physique ou psychologique, cela en vertu de l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (paragraphe 16).
Dans cette affaire, il s’agit d’une employée victime du comportement agressif, harcelant et violent de son fils, et ce, même sur les lieux du travail. Ce dernier appelle sa mère au travail plusieurs fois par jour pour l’intimider et la menacer. Il s’est même rendu en novembre 2022 au bureau où elle travaille et a hurlé des propos menaçants.
Dans les circonstances, l’employeur a déposé une demande d’injonction afin d’interdire au fils de se rendre sur les lieux du travail de sa mère et de communiquer avec elle ou tout autre employé. Analysant la situation, la Cour en est venue à la conclusion que la preuve a clairement démontré l’existence d’un contexte de violence familiale se manifestant sur les lieux du travail. La preuve démontre aussi que les craintes de l’employeur étaient fondées, justifiant donc une ordonnance de protection. La Cour tient toutefois à souligner qu’il faut des circonstances sérieuses pour émettre le type d’ordonnance demandée.
Le Cour accueille la demande. Elle rend une ordonnance de protection et prononce une injonction permanente d’une durée de 3 ans.
Succession de Batzibal et Cultures Fortin inc., 2023 QCTAT 597
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jvg96>
Dans la présente affaire, le Tribunal administratif du travail se penche sur l’interprétation de la notion d’« accident de travail » au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après, la « LATMP »). Il s’agit d’un travailleur agricole décédé en essayant de changer le pneu d’une fourgonnette appartenant à son employeur. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après, la « CNESST ») refuse alors la réclamation de la succession du travailleur puisqu’à son avis, l’événement ne s’est pas produit à l’occasion du travail et qu’il ne s’agit donc pas d’un accident du travail ou d’une autre catégorie de lésion professionnelle au sens de la LATMP.
Le Tribunal est d’avis qu’il ne s’agit pas d’un accident de travail. En effet, la finalité de l’activité exercée au moment de l’événement ne peut être qualifiée d’incidente ou de facultative au travail exercé par le travailleur. La preuve en l’espèce est claire que ce genre de travaux était effectué par des mécaniciens professionnels. Il n’y a ainsi rien qui démontre que le travailleur a effectué une tâche qui était implicitement ou accessoirement attendue par l’employeur en raison de ses responsabilités d’ouvrier agricole et de chauffeur désigné.
Au moment de l’événement, les travailleurs se rendaient vers un terrain de soccer avant de s’arrêter puisqu’un pneu était mou. Le travailleur a proposé à ses collègues de continuer à pied pendant qu’il allait chercher un autre véhicule. Une fois au garage, la preuve démontre que d’autres véhicules étaient à la disposition du travailleur. Ainsi, on ne peut pas conclure à une nécessité pour le travailleur d’effectuer la réparation afin d’assurer le transport de ses collègues. Il n’y avait pas de raison apparente, en lien avec son travail ou ses obligations, justifiant le travailleur de procéder à la réparation du pneu plutôt que de prendre un autre véhicule. Bref, l’intention bienveillante du travailleur s’inscrit dans le cadre d’une initiative personnelle qui n’était pas liée à son travail.
Le Tribunal rejette la contestation de la Succession du travailleur.
Montpetit et Services de santé DCC (Québec) inc., 2023 QCTAT 292
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jv2wg>
Dans la présente affaire, une hygiéniste dentaire se voit refuser son retrait préventif aux fins d’allaitement après son accouchement. Effectivement, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après, la « Commission ») considère que la travailleuse n’a pas droit au programme Pour une maternité sans danger étant donné son emploi ne comporterait pas de danger pour elle ni pour l’enfant allaité.
L’article 46 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail confère des droits particuliers pour les travailleuses qui allaitent. Celles-ci ont droit à un retrait préventif ou encore au droit d’être affectées à des tâches qui ne comportent pas de dangers pour l’enfant qu’elles allaitent. La question, ici, est donc de savoir si le métier d’hygiéniste dentaire comporte des risques pour un enfant allaité.
La demanderesse expose sa preuve en lien avec les risquent auxquels elle fait face lors de son travail notamment : les risques de coupures lors de la manipulation d’outils coupants, le contact avec le sang des patients, manipulation d’aiguilles souillées, etc. Le Tribunal considère finalement que la preuve présentée à l’audience revêt une plus grande force probante que l’opinion émise par la professionnelle prise en compte par la Commission.
Le Tribunal accueille la contestation de la travailleuse.
POLICIERS ET POLICIÈRES
Commissaire à la déontologie policière c. Gagné, 2023 QCCDP 3
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jv90h>
Le Commissaire à la déontologie policière reproche aux policiers cités d’avoir enfreint l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec en ne se comportant pas de manière à préserver la confiance et la considération que requiert leur fonction en remplissant la fiche de contrôle du détenu. Il leur reproche aussi d’avoir été négligents ou insouciants à l’égard de la santé ou de la sécurité du détenu sous leur garde. Finalement, une citation est également déposée pour avoir présenté de fausses déclarations aux enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI). Au cours de son enquête indépendante, le BEI recueille les deux comptes rendus des policiers et leurs déclarations écrites.
À la suite d’une arrestation, les agents cités transportent le détenu, monsieur Kalubi, au centre d’opération est, où la procédure d’écrou a lieu. Monsieur Kalubi aurait alors indiqué qu’il souffrait d’une maladie pour laquelle il prend un médicament et de l’acide folique. Monsieur Kalubi est décédé à la détention de la Cour municipale le lendemain d’une arythmie cardiaque. Une enquête indépendante s’en est suivie et les policiers ont été contraints de fournir une déclaration conformément à leurs obligations prévues au Règlement sur le déroulement des enquêtes indépendantes.
Le Comité est d’avis que les policiers ont commis des comportements dérogatoires. Il ne retient pas la version de la partie policière et rejette l’explication voulant que les médicaments mentionnés par le détenu ne constituaient pas un « plan de traitement » qui devait être consigné. Le Comité retient qu’il suffit de déterminer si un détenu doit faire l’objet de mises en garde médicales et de poser les bonnes questions, d’écouter les réponses, et de les inscrire dans la case appropriée de la fiche de contrôle du détenu. En n’agissant pas de la sorte, ils ont dérogé à l’article 5 et 10 du Code.
Quant aux chefs relatifs aux fausses déclarations, le Comité ne retient pas les explications des policiers même si ceux ont rédigés les déclarations neuf jours après les événements pour l’un et trois mois plus tard pour l’autre. Le Comité retient que les agents savaient qu’ils présentaient une déclaration qu’ils savaient fausse ou inexacte.
Commissaire à la déontologie policière c. Gagné, 2023 QCCDP 4
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jv90g>
La partie policière a présenté une requête dans le but d’exclure les comptes rendus et les déclarations obtenus par les enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes. Elle alléguait que le Règlement sur le déroulement des enquêtes indépendantes oblige les agents à les rédiger puis à les remettre au BEI en vertu de leurs obligations règlementaires, et par conséquent, ils ne sont pas rédigés de manière libre et volontaire. Finalement, les policiers cités arguaient que la protection résiduelle du principe interdisant l’auto-incrimination que contient l’article 7 de la Charte les protège contre leur utilisation en preuve devant le Comité.
Le Comité est d’avis que le principe interdisant l’auto-incrimination ne s’applique pas devant le Comité, où les procédures sont engagées pour protéger le public conformément à la politique générale de la Loi et devant lequel le policier est contraignable. En outre, la règle des confessions issues de la common law qui, d’ailleurs, émane du même principe est aussi inapplicable devant le Comité. De plus, il estime que le policier qui rédige un compte rendu qui se doit d’être exact, détaillé et exhaustif et portant sur les faits survenus lors d’une intervention policière, et qui rencontre par la suite le BEI conformément à ses obligations, agit à titre professionnel. Il est dans l’exercice de ses fonctions. Enfin, ce qu’un policier dit ou écrit dans le cadre de l’enquête du Bureau des enquêtes indépendantes fondamentalement de la compétence du Commissaire, car le Code détermine les devoirs et normes de conduite des policiers dans leurs rapports avec le public dans l’exercice de leurs fonctions et vise la protection du public.
La requête est rejetée. Les déclarations ont été validement obtenues.
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
Rien à signaler.
POMPIERS ET POMPIÈRES
Rien à signaler.
ARTISTES
Rien à signaler.
SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
Martel. c. R., 2023 QCCA 205
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jvgz3>
L’appelant se pourvoit contre un jugement le déclarant coupable d’avoir proféré des menaces de causer la mort. En appel, il plaide que le juge a erré en le déclarant coupable en l’absence d’une preuve de l’intention requise à l’article 264.1 C.cr. Il allègue également que le juge a erré en omettant de motiver sa décision à l’égard de la troisième accusation, soit d’avoir eu en sa possession une arme à feu sans permis.
Les faits ont lieu pendant la pandémie, en 2020. L’appelant a sollicité le programme d’aide aux employés offert par son employeur, car il craint l’obligation du port du masque dans les lieux publics. Il entretient une conversation téléphonique, enregistrée, avec l’agente de première ligne d’une durée de seize minutes. Au cours de cet appel, il verbalise ses appréhensions et fait référence à une tuerie en Nouvelle-Écosse en mentionnant : « il y en a qui vont passer avant moi parce que c’est certain que je ne vivrai pas ça ». D’autres appels ont lieu et finalement, la directrice du PAE communique avec les policiers, lesquels arrêtent l’appelant.
La Cour est d’avis que le juge de première instance a commis une erreur dans son analyse de la mens rea requise pour cette infraction. Il a erré en écartant les explications données par l’appelant lors du troisième appel au PAE où il offre des explications. Plutôt que de tenir compte de celles-ci, le juge a considéré qu’il était trop tard pour exprimer des regrets. En l’espèce, l’appelant n’appelait pas au PAE pour menacer qui que ce soit, il cherchait de l’aide. Les circonstances dans lesquelles les paroles ont été prononcées revêtent de la plus grande importance. Il ne faut pas faire en sorte que les personnes qui cherchent de l’aide évitent de le faire par peur que leurs paroles soient mal interprétées. Le deuxième moyen d’appel est rejeté.
L’appel est accueilli en partie. La Cour acquitte l’appelant de l’accusation d’avoir sciemment proféré des menaces.
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