SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
3183441 Canada inc. c. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), 2022 QCCA 808
Dans cette affaire, l’appelante se voit forcée de mettre fin à l’exploitation de son commerce d’alimentation à la suite d’une inondation causée par un refoulement d’égout découlant de précipitations et d’une crue des eaux exceptionnelles. Suivant cet évènement fortuit, elle met à pied une quarantaine d’employés. Elle ne leur a pas donné de préavis de fin d’emploi ni payé d’indemnité en tenant lieu. Elle les avise tout de même qu’elle les rappellera au travail dès qu’il sera possible de rouvrir le commerce. Elle a par ailleurs résilié son bail le 28 septembre 2017, à l’issue de l’impasse avec le propriétaire du local quant aux travaux requis pour remettre les lieux en état. Toutefois, elle ne leur donnera pas de nouvelle par la suite. La Commission des normes de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) lui reproche alors de ne jamais avoir donné l’avis de licenciement collectif au ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (le ministre) tel que le prévoit l’article 84.0.4 LNT.
Au soutien de son appel, l’appelante avance qu’elle n’y était pas tenue puisque le licenciement découlait d’une force majeure, soit l’inondation. Elle soutient au surplus que l’inaction du propriétaire de la bâtisse, face à la remise en état des lieux, constitue également un évènement imprévu qui l’exemptait de donner l’avis prévu à l’article 84.0.4 LNT.
Or, selon la Cour d’appel, le juge de première instance n’a pas commis d’erreur dans ses conclusions. L’appelante devait envoyer l’avis de licenciement collectif au ministre prévu à l’article 84.0.4 LNT et s’y conformer. Le fait que la mise à pied des employés ait été causée au départ par l’inondation, ce qui constitue une force majeure, ne la relevait pas pour autant de son obligation de donner l’avis de licenciement collectif au ministre en vertu de l’article 84.0.4 LNT. Toujours selon cet article, cette force majeure ne la libérait pas de son obligation de donner l’avis; elle devait plutôt le donner dès qu’il lui était possible de le faire. Or, elle n’a pas donné tel avis au ministre. Selon la preuve produite en première instance, il appert que l’appelante savait que les travaux de remise en état ne seraient pas exécutés avant l’échéance du délai de six mois à compter de la mise à pied temporaire des employés, de manière à lui permettre de rouvrir son commerce et de rappeler ses employés au travail. Dès lors, rien ne l’empêchait d’envoyer l’avis de licenciement collectif au ministre.
L’appelante se voit condamnée au versement des indemnités prévues à l’article 84.0.13 LNT et l’appel est rejeté.
Unifor, section locale 530 et Compagnie WestRock du Canada inc. (Jean-François Denis et grief collectif), 2022 QCTA 262
Disponible sur SOQUIJ
La partie syndicale soumet au tribunal d’arbitrage (ci-après Tribunal) que les dispositions de la convention collective ne respectent point les obligations que la loi créée quant au droit de congé en cas de maladie ou pour obligations familiales que prévoit la Loi sur les normes du travail (ci-après LNT) en ce qui a trait à l’obligation de l’employeur de rémunérer les deux premières journées prises annuellement pour l’un ou l’autre de ces motifs.
L’arbitre Robert Côté rappelle, d’abord, les enseignements de la Cour d’appel du Québec en matière d’interprétation de convention collective selon lesquels toute comparaison entre les normes impératives prévues à la LNT et le texte de convention collective se fait disposition par disposition et non l’une avec l’ensemble des dispositions de l’autre. En d’autres termes, on ne saurait comparer une condition d’une certaine nature avec une norme d’une autre nature, non plus que l’on pourrait comparer globalement l’ensemble d’une convention collective avec l’ensemble des normes édictées par la LNT. Il faut comparer des choses comparables, de même nature et ayant le même objet. Ainsi, les congés non déterminés dans la convention collective ne sont pas de même nature que les congés prévus à la LNT en cas de maladie ou pour des raisons d’ordre familiales ou parentales. Les congés non déterminés sont plutôt assimilables à ceux accordés à titre de vacances. D’autant que les congés non déterminés sont conditionnels à l’approbation de l’employeur alors que le droit aux congés pour maladie ou obligation familiale existe dès lors que la condition invoquée est remplie.
Selon le Tribunal, le congé négocié à l’avantage des salariés au même titre qu’un congé férié ou de vacances bien qu’au-delà des normes minimales établies par la LNT, ne peut être transformé en un congé pour maladie ou obligation parentale. Ils ne sont pas de même nature. Un employeur ne peut satisfaire à l’obligation de rémunérer les deux premiers congés pour maladie ou obligations familiales en réduisant le nombre de congés payés à titre de congés annuels ou congés fériés et chômés, à moins, qu’une disposition de la convention collective ne le permette ce qui n’est pas le cas selon les faits de cette affaire.
Le grief est accueilli.
POLICIERS ET POLICIÈRES
Moreault c. Ville de Québec, 2022 QCCA 865
Dans cette affaire, l’appelante fait appel d’un jugement de la Cour supérieure rendu le 8 juin 2020, lequel rejette une action collective alléguant des comportements fautifs de la part de policiers de la Ville de Québec (ci-après SPVQ). Les évènements à l’étude se sont déroulés lors d’une manifestation le 24 mars 2015 à 21 h 00 devant l’Assemblée nationale dans le but de dénoncer les mesures d’austérité du Gouvernement.
Au soutien de son appel, l’appelante prétend, en premier lieu, que les policiers auraient dû émettre un avis à la foule demandant la remise d’un itinéraire et qu’ils auraient dû informer les manifestants qu’une manifestation statique serait tolérée. Ensuite, elle plaide que le délai de dispersion offert par les policiers était déraisonnable. Elle dénonce aussi le temps requis pour la parade d’identification alors que la température extérieure était basse et le fait que les constats d’infraction auraient pu être remis par la poste. Finalement, elle avance que le juge a erré en omettant de considérer l’utilisation des mesures moins attentatoires à leurs droits par les policiers.
Selon les magistrats, les points soulevés par l’appelante peuvent être résumés par la question suivante : le juge de première instance a-t-il commis une erreur manifeste et déterminante en concluant à l’absence de faute commise par le SPVQ ?
De l’avis de la Cour, l’appelante n’a pas réussi à faire la démonstration d’une erreur de cette nature. D’abord, selon l’opinion de la Cour, il n’incombe pas au SPVQ de fournir un avis à la foule demandant la remise d’un itinéraire et d’informer qu’une manifestation statique sera tolérée. L’obligation de fournir un itinéraire revient avant tout aux manifestants d’autant qu’un grand nombre d’entre eux avaient connaissance de cette obligation. Quant à la nécessité de communiquer un avis aux manifestants qu’une manifestation statique sera tolérée, les juges de la Cour d’appel partagent l’opinion de la Cour supérieure selon laquelle les bénéfices de tels avis sur les droits et libertés des manifestants seraient plutôt théoriques. L’absence d’un tel avis ne peut constituer une faute de la part du SPVQ. Par ailleurs, la Cour d’appel avance que l’émission de nombreux avis de déclaration de manifestation illégale suffit à informer adéquatement que les manifestants doivent se disperser.
Les juges de la Cour d’appel estiment, également, que la Cour supérieure a conclu avec raison quant à l’absence de faute du SPVQ lors de la procédure d’arrestations. D’une part, le délai de 26 minutes entre le premier avis de manifestation illégale et le premier avis d’arrestation ne leur apparait pas démesuré. Bien que la température frôlât le zéro degré Celsius ce jour-là, ils soumettent qu’on peut croire que les manifestants prévoyaient être à l’extérieure durant une bonne période et donc qu’ils avaient adapté leurs habillements en conséquence. Le magistrat rappelle aussi que les constats d’infraction n’ont pas à être remis par la poste puisque l’article 157 du Code de procédure pénale prévoit expressément que la signification du constat peut se faire lors de la perpétration de l’infraction. Par ailleurs, rejetant une fois de plus les prétentions de l’appelante, la Cour met en lumière que l’erreur ne doit pas être confondue avec la faute. Ainsi, le fait d’encercler un groupe de manifestants par erreur n’est pas une faute en soi.
Relativement aux prétentions de l’appelante selon lesquels les policiers ont omis de considérer des mesures moins attentatoires à leurs droits et du caractère abusif des fouilles, la Cour est d’avis que les policiers ont agi en policier raisonnable. D’une part, plusieurs avis de dispersion ont été donnés par les policiers, et ce, en vain. La manifestation suivant son cours en dépit des avis. D’autre part, une fois la manifestation déclarée illégale, les policiers peuvent faire des arrestations et, en l’espèce, les magistrats sont d’avis que les manœuvres d’encerclement étaient la seule façon d’effectuer les arrestations compte tenu du comportement de la foule. La formation de trois juges expose, en surcroît, que lors d’arrestations légales, les policiers peuvent procéder à des fouilles accessoires aux arrestations dans la mesure où ses fouilles répondent à un objectif valable soit la sécurité des policiers dans un contexte de manifestation ayant présenté une certaine confrontation.
L’appel est rejeté.
Fontaine, 2022 QCTAT 2865, 17 juin 2022 (j.a Marie-Ève Legault)
Le demandeur, un policier, prétend que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail a erré en établissant la présence d’une atteinte permanente à son ouïe en utilisant l’audiogramme le plus contemporain à sa retraite. Selon lui, la Commission aurait dû se baser sur l’audiogramme qui est contemporain à la reconnaissance de sa maladie professionnelle. Le travailleur réclame au Tribunal de corriger la décision de la Commission et de lui de reconnaitre une atteinte permanente de 54% en se basant sur les conclusions du deuxième audiogramme.
Le contexte de cette affaire peut se résumer comme suit: le demandeur exerçait l’emploi de policier dans le cadre duquel il a dû à faire de l’écoute électronique et des exercices de tir jusqu’à sa retraite en 1994. En 2000, un premier audiogramme est réalisé établissant que le travailleur est atteint de surdité professionnelle. À cette époque, on lui reconnait une atteinte permanente de 17%. Le 25 novembre 2019, le travailleur produit une réclamation pour une surdité professionnelle et effectue un nouvel audiogramme dont les résultats confirment une aggravation de l’atteinte du travailleur, maintenant, à 54%.
Le Tribunal appelé à décider de quel audiogramme doit être utilisé afin de déterminer l’atteinte permanente dont résulte la surdité professionnelle du policier retraité.
Le juge administratif amorce sa décision en rejetant les prétentions du travailleur selon que c’est l’audiogramme contemporain à l’admissibilité de la réclamation du travailleur qui doit être utilisé afin de déterminer l’atteinte permanente d’une surdité professionnelle. Le décideur adhère plutôt à la position majoritairement retenue en jurisprudence selon laquelle l’audiogramme qui doit être pris en considération pour évaluer les dommages causés par une exposition professionnelle au bruit est celui qui est le plus contemporain à l’exposition du bruit excessif. En bref, cette position jurisprudentielle commande que l’évolution de l’atteinte cesse lorsque le travailleur est retiré du milieu d’exposition. En conséquence, toute détérioration de l’atteinte auditive postérieure à l’exposition professionnelle ne peut être reconnue en lien avec la lésion professionnelle. Le Tribunal rappelle que l’esprit de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles est d’indemniser la surdité du travailleur reliée à l’exposition professionnelle et non la perte auditive causée par le vieillissement.
Sur ce dernier point, le Tribunal émet, toutefois, une remarque importante soit que dans la présente affaire aucune preuve n’a été présentée selon laquelle la détérioration de l’audition du travailleur postérieure au début de sa retraite résulte de l’exposition professionnelle et non du simple vieillissement du travailleur. Il est donc judicieux d’affirmer qu’en présence d’une telle preuve, le Tribunal pourra admettre l’aggravation attestée par un deuxième audiogramme.
La contestation du travailleur est rejetée.
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
Rien à signaler.
POMPIERS ET POMPIÈRES
Syndicat des pompiers et pompières du Québec, section locale de Blainville et Ville de Blainville, 2022 QCTA (Me Joëlle L’heureux), 27 juin 2022.
Disponible sur demande.
L’employeur met fin à l’emploi du plaignant invoquant la clause de fin d’emploi pour absence de plus de 24 mois prévue à la convention collective. Le plaignant est pompier pour la Ville de Blainville. L’arrêt de travail du plaignant débute en mai 2017. Au cours de l’année 2018, le médecin traitant de l’époque détermine des limitations fonctionnelles. Conséquemment, l’employeur amorce un processus d’accommodement se soldant par un échec au terme de deux rencontres. Le lien d’emploi est maintenu dans l’intervalle. Au printemps 2019, un nouveau médecin traitant considère le plaignant apte au travail, sans aucune limitation fonctionnelle. Face à cette nouvelle information médicale, l’employeur procède à une contre-expertise. Le mandat est confié à la Dre Hamel qui confirme que l’examen musculosquelettique est normal. Toutefois, elle détermine des limitations fonctionnelles préventives. Ces limitations sont en lien avec une description de tâches fournies par l’employeur et concernent des risques de récidive.
En juillet 2019, le syndicat dépose un grief pour contester la décision de l’employeur de ne pas réintégrer le plaignant suite à la contre-expertise du Dre Hamel. En novembre 2019, l’employeur met fin à l’emploi du plaignant. Un second grief est déposé.
L’arbitre doit répondre à deux questions : 1) Est-ce que l’employeur pouvait arriver à la conclusion que le plaignant n’était plus apte à effectuer son emploi de pompier en avril 2019 au moment de la contre-expertise 2) Est-ce que l’employeur a respecté son obligation d’accommodement?
Le tribunal détermine que l’employeur n’a pas respecté ses obligations légales. À partir d’avril 2019, l’employeur devait prendre acte de l’amélioration de l’état de santé du plaignant, confirmée par la contre-expertise du Dre Hamel. De cette information médicale, l’employeur devait procéder à un nouvel exercice d’accommodement. Qui plus est, l’employeur a fourni des informations inexactes à la Dre Hamel en ne rapportant pas que les tâches effectuées par le plaignant avant son arrêt de travail consistaient essentiellement à conduire l’auto-pompe.
[118] L’employeur a tout simplement ignoré la portion du rapport où la Dre Hamel confirme l’examen normal et que le plaignant pourrait probablement reprendre son travail. En retenant uniquement certaines parties du rapport d’expertise, pour en exclure d’autres, l’employeur a agi de façon arbitraire et déraisonnable.
[119] L’évolution de la condition physique du plaignant, qui était bien documentée, l’obligeait à reprendre à nouveau l’analyse de la capacité de ce dernier à réintégrer son poste. Le contraire signifierait que cette amélioration importante ne serait pas prise en considération dans la détermination de la capacité du plaignant à retourner à son emploi, ce qui est déraisonnable.
L’arbitre rejette aussi l’argument de l’employeur sur le risque de rechute et récidive, en ce qu’il n’est pas individualisé à la réalité du plaignant. Le tribunal annule la fin d’emploi et oblige l’employeur à reprendre le processus d’accommodement.
Félicitations à Me Julien David Hobson pour son travail dans le dossier!
ARTISTES
Viens et Atelier de couture Dominique Dubé inc., 2022 QCTAT 2863
La plaignante occupe un emploi de costumière pour le compte de l’employeur, Atelier de Couture Dominique Dubé inc., lorsqu’elle présente une réclamation pour lésion professionnelle en aout 2017 en raison d’une vive douleur au niveau du poignet droit conséquente au travail de couture réalisé. On lui diagnostique alors une ténosynovite de De Quervain droite. Elle nécessite alors une chirurgie au cours du plan de traitements. Lors de sa consolidation, la travailleuse se voit surprise d’apprendre que le chirurgien traitant n’a spécifié qu’une seule limitation fonctionnelle. Stupéfaite, elle entreprend des démarches auprès de ce dernier afin de prendre en main la situation. Entretemps, la Commission rend une décision sur la capacité de la plaignante à reprendre son emploi prélésionnel. Peu de temps après, le chirurgien traitant de la plaignante produit un second rapport sur lequel il ajoute de nouvelles limitations fonctionnelles.
La Commission refuse de considérer ce dernier document.
Le Tribunal administratif du Travail doit se prononcer sur le rapport devant être retenu afin d’analyser la question de capacité et sur la capacité de la plaignante d’accomplir son emploi de costumière à la suite de sa lésion professionnelle.
Le Tribunal est d’avis qu’une erreur matérielle manifeste, comme une erreur d’écriture ou un changement d’opinion fondé sur une évolution inattendue de la pathologie du travailleur, sont généralement reconnus comme étant des situations pouvant donner lieu à un second rapport du médecin qui a charge. Confrontée aux faits de l’affaire, la juge administrative conclut qu’il est apparent que le second rapport doive être considéré puisqu’il ne s’agit que d’une correction découlant d’une erreur d’omission du médecin traitant. Rien ne laisse croire au Tribunal que la plaignante tente d’introduire un rapport de complaisance.
Sur la question de la capacité de la plaignante à exécuter son emploi prélésionnel, l’instance arrive à l’évidence que l’emploi évalué nécessite d’épingler ou de coudre avec la main droite. Il appert de la preuve que Mme Viens réalise environ 75 % du travail de couture à la machine, procède à de l’épinglage environ 15 % de son temps et exécute des travaux de couture fine ou à la main le reste du temps. D’ailleurs, elle explique qu’avant de coudre à la machine, les tissus doivent être stabilisés avec des épingles, puis ces dernières doivent être retirées par la suite, tâches qui lui causent beaucoup de douleurs. Elle le fait avec sa main droite puisque c’est sa dominance. Les mouvements que nécessite la fonction de la plaignante entrent directement en conflit avec la limitation émise par son médecin traitant. Elle ne dispose donc pas de la capacité à réintégrer son emploi prélésionnel.
Le Tribunal accueille la contestation de la plaignante.
SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
Élizée c. R., 2022 QCCA 852
L’appelant était soumis à une période de surveillance de longue durée qui devait prendre fin en avril 2023. Il a présenté une requête à la Cour supérieure en vue d’obtenir la réduction de sa période de surveillance, laquelle a été rejetée. Selon les motifs de la juge, l’appelant ne s’est pas déchargé du fardeau de démontrer « qu’il n’y avait plus un risque élevé de récidive et de ce fait, qu’il n’était plus une menace pour la collectivité ». L’appel porte donc sur le la démonstration que doit faire un délinquant soumis à une surveillance de longue durée qui demande de réduire la période de surveillance ou d’y mettre fin selon l’article 753.2(3) C.cr.
De l’avis de la cour, la juge n’a pas appliqué le bon critère. Le fardeau qui incombe à un délinquant à l’article 753.2(3) C.cr. est celui de convaincre qu’il ne présente plus un risque élevé de commettre des sévices graves à la personne ou une infraction visée à l’alinéa 753.1(2)a) C.cr. Par ailleurs, selon le paragraphe 753.2(3) C.cr., il suffit que le risque de récidive ne soit plus considéré comme « élevé ». Il n’a pas à prouver qu’il ne présente plus aucun risque ou qu’il n’est plus possible qu’il récidive. Cette interprétation découle de la nature exceptionnelle de l’ordonnance de surveillance de longue durée et de l’objectif même du régime qui consiste à assurer la protection, tout en respectant les principes de modération dans le recours aux peines privatives de liberté. En l’espèce, l’appelant présentait un risque faible de récidive et par conséquent n’était plus une menace pour la collectivité. La Cour estime également que l’appréciation de la preuve du risque de récidive est entachée d’erreurs. La juge d’instance a refusé de nuancer les résultats des évaluations d’expertises récentes et a accordé un poids indu à des rapports d’expertises datant de plus de 10 ans sans égard au cheminement de l’appelant. Bien qu’elle ne soit pas liée par les évaluations du risque de récidive effectuées par les experts, il ne lui était pas loisible de substituer sa propre pondération des résultats des tests cliniques à la leur, sans autre appui dans la preuve. Enfin, elle n’a pas expliqué pourquoi elle rejetait les évaluations du risque de récidive faible effectuées par les experts, ce qui démontre qu’elle a mal interprété la preuve d’expertise de telle manière que sa conclusion en a été affectée.
L’appel est accueilli. Vu l’ensemble de la preuve, la Cour propose de mettre fin à la période de surveillance.
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