Merci de vous inscrire à notre infolettre.
Infolettre
Si vous souhaitez recevoir de nos nouvelles, il suffit d’entrer votre adresse courriel dans la boîte ci-contre.
Veuillez remplir les champs correctement.

Veille juridique du 30 août 2022

 

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec – FIQ c. Comité patronal de négociation du secteur de la santé et des services sociaux (CPNSSS), 2022 QCTAT 3711

https://canlii.ca/t/jrbh7

Plusieurs syndicats, dont la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, déposent une plainte en ingérence et entrave syndicale ainsi qu’en négociation de mauvaise foi à l’égard du gouvernement du Québec. Les syndicats reprochent essentiellement au gouvernement, et aux ministres Dubé et Lebel, d’avoir imposé des conditions de travail dans le milieu de la santé par décret, alors que les parties venaient de conclure de nouvelles conventions collectives.

En 2019, les négociations sont entamées dans le milieu de la santé. Les conventions collectives arrivaient à échéance en mars 2020. Les négociations ne permettent pas d’arriver à une entente avant le début de la pandémie. Les parties syndicales estiment nécessaire un rattrapage salarial pour attirer la main d’œuvre. Le gouvernement considère avoir atteint la capacité de payer des contribuables. Le 13 mars 2020, celui-ci déclare l’état d’urgence en se fondant sur l’article 118 de la Loi sur la santé publique (ci-après : « LSP »). Certaines conditions de travail sont modifiées par un premier arrêté ministériel (2020-007). Les syndicats sont impliqués dans le processus à cette époque. Ce n’est que le 15 juin 2021 qu’une entente de principe est conclue. Les parties syndicales estiment avoir tiré le maximum de la partie patronale. L’entente est ensuite soumise aux votes des différentes associations syndicales sur quelques semaines.

Le 23 septembre 2021, le gouvernement annonce publiquement un investissement d’un milliard de dollars dans le milieu de la santé. Il présente le tout comme une « passerelle » vers la nouvelle convention collective. L’annonce aboutit vers un nouvel arrêté ministériel (2021-071) modifiant les conditions de travail prévues à l’entente de principe signée dans les semaines précédentes. Les syndicats n’en sont pas informés et ne sont pas consultés. Les syndicats tentent en vain de proposer des solutions au gouvernement pour arrimer le décret avec les conventions collectives. Dans cette foulée, le ministre Dubé donne plusieurs entrevues au cours desquelles il mentionne que les représentants syndicaux ne remplissent pas leur fonction. Les syndicats déposent successivement des recours au Tribunal administratif du travail.

Le Gouvernement prétend que le tribunal n’a pas la compétence pour juger de la raisonnabilité des décrets découlant de la LSP.  Qui plus est, la prétention du gouvernement est que les dispositions de la LSP l’emportent sur celle du Code du travail. La juge Bédard répond initialement à la question de compétence institutionnelle :

[190] Pour le Tribunal, la question soulevée par le présent litige n’est pas de savoir si le Gouvernement avait le droit de verser plus d’un milliard de dollars en primes au personnel du secteur de la santé, mais de déterminer si l’établissement de ces primes, de la manière et dans le contexte où elles ont été décidées, entrave l’action syndicale. Cette action consistait jusque-là à négocier de concert avec l’employeur et mettre en place le plus rapidement possible un plan d’organisation du travail prévoyant des conditions de travail de nature à attirer et retenir la main-d’œuvre et à inciter l’occupation de postes à temps complet. Il est aussi demandé de décider si le Gouvernement a négocié de bonne foi. Les deux questions relèvent de la compétence exclusive du Tribunal (article 1 de la LITAT).

Ensuite, la juge administrative traite de l’argument patronal sur la préséance de la LSP sur le Code du travail :

[223] Comme mentionné, le droit à la négociation collective consacré par le Code du travail jouit d’une protection constitutionnelle à titre de partie essentielle du droit d’association. Le Gouvernement ne peut l’écarter sans autre analyse et passer outre aux dispositions de la convention collective qu’il vienne à peine de négocier, s’autorisant de l’arrêté 2021-071 pour appliquer, au lieu de placer, des mesures complètement différentes.

[224] La recherche de solutions pour pallier le manque de personnel pouvait passer par l’implication des syndicats, partenaires sociaux qui auraient pu, notamment grâce à leur connaissance du réseau, contribuer à assurer la cohérence des mesures à prendre. C’est d’ailleurs en ce sens que les associations ont travaillé tout au long de la négociation, ce que semble ignorer le ministre lorsqu’en conférence de presse, il requiert leur aide pour « aller chercher du personnel ».

Le tribunal déclare que le gouvernement a entravé les activités syndicales.

 

 

Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches c. FIQ – Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches, 2022 QCTAT 3568.

https://canlii.ca/t/jr5hr

L’employeur allègue que les salariés, affectés à l’urgence de l’Hôpital de Saint-Georges, ont entrepris une action concertée illégale susceptible de porter préjudice à un service auquel le public a droit en cessant d’administrer les tests aux usagers admis à l’urgence, et répondant aux critères de dépistage, afin de détecter chez ces derniers des bactéries nosocomiales. L’employeur demande une ordonnance visant à faire cesser ces moyens de pression qu’il considère illégaux.

Afin de pouvoir exercer ses pouvoirs de redressement, le Tribunal doit vérifier la présence de trois éléments, soit la présence d’un conflit, d’une action concertée et d’un préjudice ou d’un risque de préjudice à un service auquel la population a droit.

Le conflit est prouvé et la présence d’action concertée est évidente pour le tribunal. Le juge Allard retient que deux moyens de pression sont illégaux. Le fait de ne pas administrer les tests de dépistage entraine une réaction en chaine qui allonge indûment la réception des résultats pour le patient. Le tribunal écrit :

[33] Les usagers ont le droit de recevoir les tests de dépistage dès leur arrivée à l’urgence et en cas de contamination, de recevoir le traitement approprié le plus rapidement possible.

Finalement, le refus d’inscrire les résultats d’un test de la fonction rénale sur le dossier médical de l’usager en radiologie est susceptible de porter préjudice à un service.

Le tribunal accueille la requête de l’employeur.

 

 

Labrie et Service & Construction Mobile ltée, 2022 QCTAT 3064.

https://canlii.ca/t/jq3pg

Le travailleur subit une entorse lombaire le 27 novembre 2017. La réclamation est acceptée par la Commission des normes, de l’équité et de la santé et sécurité au travail (ci-après, « CNESST »). Au mois d’avril 2019, la CNESST rend une décision défavorable au travailleur sur un nouveau diagnostic de trouble d’adaptation avec symptômes anxio-dépressifs. Cette décision de la CNESST est confirmée par le tribunal. Le 18 novembre 2019, le travailleur est consolidé, avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.

En décembre 2020, le travailleur réclame le remboursement de frais relatifs à des traitements de massothérapie, physiothérapie, d’ergothérapie et de psychologie. La CNESST refuse sous deux motifs : la consolidation de l’entorse lombaire et la non-reconnaissance de la lésion psychologique pour les traitements de psychologie.

Le tribunal porte d’abord son attention sur les dispositions visant le droit à l’assistance médicale. La juge administrative ne partage pas l’opinion de la commission sur l’effet de la consolidation sur l’assistance médicale. Le tribunal précise que dans certaines circonstances l’assistance médicale demeure nécessaire malgré la consolidation, notamment afin de maintenir des acquis ou maintenir un certain niveau de confort. Ainsi, le tribunal conclut que les frais de massothérapie et d’ostéopathie ne sont pas assurés par un « professionnel de la santé » et qu’ils ne peuvent donc être remboursés par le régime de la CNESST. Pour les autres traitements, la juge arrive à la conclusion qu’ils n’ont pas été prescrits par un médecin.

Malgré tout, le tribunal accorde le remboursement des frais de psychologie sous l’angle du droit à la réadaptation. Ce droit prévoit le remboursement en lien avec les mesures de réadaptations physiques, sociales et professionnelles. En matière de réadaptation physique, les traitements doivent être prescrits par le médecin qui a charge du travailleur. En revanche, en matière sociale, la législation ne prévoit pas cette exigence. Pour cette raison, le tribunal n’accorde que les remboursements des traitements de psychothérapie.

 

 

Lallier Automobile (Montréal inc.) c. Mercier, 2022 QCCS 2989.

https://canlii.ca/t/jrfqj

Dans ce dossier, l’arbitre Richard Mercier avait donné raison à un salarié qui contestait le fait que l’employeur ait débité sa banque de congés maladie pour le rémunérer pour une absence pour obligation familiale, en vertu des dispositions d’ordre public de la Loi sur les normes du travail (ci-après, « LNT »).

La clause 15.03 de la convention collective prévoyait dix jours de congés sans salaire pour obligations familiales. L’arbitre a analysé les autres clauses de la convention afin de vérifier si elles constituaient un avantage équivalent ou supérieur aux nouvelles normes de la LNT. Il en conclut que les divers congés prévus à l’article 15 (congés de maladies, congés mobiles, etc.) ont une finalité bien différente et ne sont pas des vases communicants permettant de puiser dans l’un et dans l’autre de manière aléatoire. Il détermine qu’un congé pour obligation familiale ne peut être rémunéré à partir de la banque de congés maladie.

L’employeur se pourvoit en contrôle judiciaire de cette décision arbitrale en prétendant que la décision de l’arbitre est déraisonnable puisqu’elle a pour effet d’octroyer à tous les salariés visés par la convention collective deux journées additionnelles de congés payés dès lors qu’ils justifient trois mois de service continu. Selon lui, la convention collective est plus avantageuse que la LNT puisqu’elle prévoit divers types de congés, dont des congés maladie qui peuvent être pris sans formalité particulière.

La Cour supérieure n’est pas de cet avis.  Le fait de conclure que les divers congés prévus à l’article 15 (congés mobiles, jours de maladie, etc.) ne sont pas assimilables aux congés pour obligations familiales est une décision raisonnable. La Cour souligne que les congés prévus à l’article 15 de la convention comportent des modalités d’application particulières et la preuve soumise devant l’arbitre ne démontrait pas que les jours de maladie ou les congés mobiles avaient pour objectif de répondre à des obligations familiales au sens de la « nouvelle » disposition de la LNT. Dans ce contexte, la Cour supérieure juge raisonnable que l’arbitre ait conclu, après analyse des diverses dispositions pertinentes de la convention, que les parties n’avaient pas l’intention de créer un vase communicant entre celles-ci.

L’employeur est également d’avis que l’arbitre a excédé sa compétence en ajoutant les deux congés payés à la convention collective. Or, selon la Cour supérieure, ce que l’arbitre a fait, c’est d’écarter l’article 15.03 et de prévoir que les mesures édictées à l’article 79.7 de la LNT, une disposition d’ordre public, devaient être respecté. La Cour rejette aussi la prétention de l’employeur selon laquelle l’arbitre n’aurait pas choisi la bonne approche interprétative. L’employeur reproche à l’arbitre d’avoir cloisonné chacune des dispositions prévues à l’article 15, de manière chirurgicale, contrairement à la méthode d’interprétation des lois qui commande une approche comparative globale. La Cour supérieure juge, au contraire, que l’approche interprétative utilisée par l’arbitre est conforme au cadre d’analyse développée par la jurisprudence, notamment par la Cour d’appel.

Le pourvoi en contrôle judiciaire est rejeté.

 

 


 

 

POLICIERS ET POLICIÈRES

Fraternité des policiers de Saguenay et Ville de Saguenay, 2022 CanLII 74714 (QC SAT)

https://canlii.ca/t/jrj3r

Suivant une mission en Haïti, un policier de la Ville de Saguenay est rapatrié au Canada à la suite d’allégations d’inconduite en mars 2017. Informé des faits, l’employeur ouvre une procédure disciplinaire en juin 2017. Au terme de l’enquête, le policier reçoit une lettre, le 13 décembre 2017, confirmant la fermeture du dossier disciplinaire sans sanction. En février 2018, le policier transmet une demande pour être retourné en Haïti. En mars 2018, le service de police de Saguenay avise la GRC, responsable de la mission en Haïti, des résultats de son enquête disciplinaire à l’endroit du plaignant. Le directeur de Mission est visiblement contrarié du résultat. Il déplore l’absence de consultation de la part de la Ville de Saguenay.

Après des échanges entre la GRC et le service de police de Saguenay, il est convenu que la GRC allait transmettre de l’information visant à étoffer la preuve disciplinaire à l’égard du policier. Ce n’est qu’en avril 2019 que la GRC transmet un rapport à la Ville de Saguenay. Le 5 septembre 2019, l’employeur relance officiellement l’enquête disciplinaire. Le 3 mars 2020, le plaignant se voir imposer une suspension de douze semaines.

La partie syndicale allègue devant l’arbitre que l’employeur n’a pas respecté les délais prévus à la convention collective et que conséquemment, la mesure imposée doit être annulée. L’article 9.02 mentionne que l’employeur dispose de six mois pour rendre une décision finale suivant le début de la procédure disciplinaire. Dans le cas présent, la mesure est imposée 32 mois après le début de l’enquête.

La partie patronale argumente que la convention collective ne comporte aucune disposition concernant la réouverture d’enquête et qu’à défaut, l’arbitre doit appliquer le règlement de discipline interne. L’arbitre ne partage pas cette position. L’article 9.05 évoque la notion de complément d’enquête et offre une prolongation de soixante jours. L’arbitre écrit :

[75] Je souscris cependant à la proposition syndicale voulant que le processus disciplinaire réactivé en conséquence de la réouverture d’enquête reste assujetti aux clauses 9.02 à 9.05 et au délai maximal pour rendre la décision finale sur la procédure disciplinaire engagée contre le policier. Aucune modalité particulière ne permet une extension ou un sursis lorsque la procédure interrompue pour insuffisance de preuve est réactivée par décision du directeur pour recommencer l’enquête. L’employeur est tenu de mener le processus à terme dans le délai de six mois impartis pour imposer une sanction disciplinaire.

L’arbitre accueille le moyen préliminaire de la Fraternité et annule la suspension imposée.

 

 

Commissaire à la déontologie policière c. Scott-Simard, 2022 QCCDP 39

https://canlii.ca/t/jrltb

Le Commissaire à la déontologie policière reproche au policier cité de ne pas avoir agi avec diligence et discernement lors de l’utilisation d’un fusil irritant à l’endroit de la plaignante lors d’une manifestation en 2015, le tir l’ayant blessée au visage.

Le Comité est d’avis que le policier a utilisé l’arme selon les enseignements reçus et n’a pas manqué de discernement lorsqu’il a tiré. Avant l’évènement du 26 mars 2015, l’agent cité n’a pas été informé d’une contre-indication quant aux zones à viser ni d’une mise en garde quant à une distance minimale à respecter. L’enseignement était basé sur l’efficacité de la contamination et ne tenait pas compte d’une distance minimale, seulement d’une distance maximale d’efficacité. De plus, on ne lui avait jamais communiqué le risque de blessure par l’expulsion des bourres de carton, avant l’évènement de la manifestation ni du risque de brûlure par la combustion de la poudre noire qui serait projetée. La preuve prépondérante et non contredite établit que les documents de formation et les formations de requalification ne faisaient aucune référence à un quelconque risque, sauf une mise en garde générale publiée par le manufacturier pour chacun des irritants chimiques et des fusils. De plus, selon la version policière, la manifestante atteinte n’a jamais été visée par le policier lorsque celui-ci a tiré. Le Comité estime que même en considérant que le policier cité a tiré trop haut ou trop loin, les règles de prudence dans le maniement de l’arme connues au moment de l’évènement ont été respectées et l’agent n’a pas manqué de discernement lorsqu’il a tiré. Enfin, le Comité rappelle que l’obligation relative à l’article 11 du Code doit s’apprécier dans les circonstances particulières de l’évènement et non dans des conditions idéales hors contexte.

Le Comité conclut que le policier n’a pas dérogé à l’article 11 du Code de déontologie des policiers du Québec.

 

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Rien à signaler.

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

 


 

ARTISTES

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

Bachou. c. R., 2022 QCCA 1145

https://canlii.ca/t/jrlp3

L’appelant porte en appel le jugement sur sentence qui lui inflige une peine d’emprisonnement de 6 mois à la suite d’une déclaration de culpabilité d’avoir commis l’infraction d’intimidation d’une personne associée au système judiciaire. Après la remise d’un constat relatif à une infraction routière, l’appelant croise le policier l’ayant intercepté, lui fait un doigt d’honneur en brandissant la contravention et adopte une conduite intimidante et agressive à son endroit. L’appelant est sans antécédent. En appel, il plaide que la peine qui lui a été imposée est excessive.

La Cour estime que le juge a omis de considérer le principe de modération avant d’envisager l’emprisonnement et imposé une peine disproportionnée qui s’écarte de façon marquée et substantielle des peines qui sont habituellement infligées à des délinquants similaires pour des infractions similaires. Le juge d’instance n’a pas considéré pas la possibilité́ de surseoir au prononcé de la peine et d’imposer une probation, comme le suggérait l’appelant. De plus, il accorde une importance démesurée au principe de dissuasion et dénonciation. Selon la Cour, une peine excessive ne saurait être justifiée en raison du besoin distinct de dissuasion spécifique. Bien que ces objectifs doivent être préconisés, l’ensemble des facteurs en l’espèce ne justifiait pas l’infliction d’une peine d’emprisonnement. Par conséquent, le juge a commis des erreurs de principe l’ayant mené à imposer une peine manifestement non indiquée. La peine juste et appropriée est une sentence suspendue assortie de trois ans de probation.

L’appel est accueilli et la peine prononcée en première instance est infirmée.