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Veille juridique du 30 juin 2020

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

Uber Technologies inc. c. Heller, 2020 CSC 16

https://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2020/2020csc16/2020csc16.pdf

La compagnie Uber frappe un second mur devant la Cour suprême concernant ses dispositions en matière d’arbitrage. Cette importante décision vient favoriser la protection des droits des chauffeurs de Uber. 

Les faits de l’affaire sont les suivants : M. Heller offre des services de livraison de nourriture à Toronto en utilisant les applications d’Uber. Afin de devenir chauffeur, M. Heller a dû accepter les conditions de l’entente de service standardisée de Uber. Suivant les conditions de cette entente, il avait l’obligation de résoudre tout différend avec la compagnie Uber au moyen d’une médiation et d’un arbitrage aux Pays-Bas. Une telle exigence a bien sûr pour effet de créer d’importantes embuches pour l’entrepreneur indépendant qui souhaite faire valoir ses droits. Il faut savoir que les procédures exigent le paiement de frais administratifs et le dépôt initial de 14 500$ US, en plus d’honoraires et d’autres frais de participation. Il a été mis en preuve que ces frais correspondent à la majeure partie du revenu annuel de Heller. M. Heller plaide que la clause d’arbitrage est inique et donc nulle. La Cour d’appel conclut que la clause d’arbitrage est effectivement inique, compte tenu de l’inégalité du pouvoir de négociation entre les parties et du coût prohibitif de l’arbitre. La Compagnie Uber se pourvoit en appel de la décision devant la Cour suprême.

La Cour suprême réaffirme la décision de la Cour d’appel de l’Ontario. Le plus haut tribunal du pays invalide le mécanisme d’arbitrage prévu dans le contrat entre Uber et ses chauffeurs. Les motifs de la Cour sont les suivants :

  • Les juges majoritaires concluent que la clause d’arbitrage est illégale parce qu’elle est inique. Cette notion de l’iniquité d’un contrat provient de la Common law et est applicable lorsqu’un profond déséquilibre dans le rapport de force des parties contractantes mène à un contrat dit « imprudent ». Les juges déterminent que c’est le cas en l’espèce étant donné que les coûts et les modalités de l’arbitre rendent le recours impraticable pour M. Heller.
  • Le juge Brown conclut comme la majorité que la clause d’arbitrage est nulle, mais il estime plutôt que la nullité de la clause provient du déni de justice qu’elle engendre et du principe de la primauté du droit. En effet, une clause qui prétend donner un recours en arbitrage, mais qui en réalité la rend impraticable en imposant des contraintes excessives est contraire à l’ordre public.
  • Il y a lieu de mentionner la dissidence de la juge Côté qui estime quant à elle que le pourvoi devrait être accueilli à la condition qu’Uber avance les frais pour initier l’arbitrage. Le principe de la liberté contractuelle doit amener les tribunaux de droit commun à respecter la volonté des parties de régler leurs différends en arbitrage. Selon la juge, aucune exception ne devrait être créée à la règle du renvoi automatique devant le tribunal d’arbitrage.

Au final, cette affaire est une grande victoire pour les entrepreneurs indépendants et vient leur offrir une protection contre des clauses contractuelles démesurées alors que leur pouvoir de négociation face à leur cocontractant est limité. Cela dit, la Cour suprême ne se prononce pas sur la question d’intérêt à savoir si les chauffeurs d’Uber sont des salariés ou des entrepreneurs indépendants.

Un article plus détaillé suivra sur les questions soulevées par cet arrêt. 

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Syndicat de l’enseignement de la région de Québec et Commission scolaire des Premières-Seigneuries (grief syndical), 2020 QCTA 232
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/FD9EEC4965CE5B277867D719C337E85D?source=EXPTRAV

Dans cette affaire, l’arbitre doit se prononcer sur une potentielle violation par l’employeur du droit à la liberté d’association de ses salariés. Le litige se déroule dans le contexte où les enseignantes et les enseignants du syndicat ont participé à quatre journées de grève à l’automne 2015. Le directeur général de la Commission scolaire, après consultation auprès d’instances internes de gestion, mais à l’exception du syndicat ou de ses membres, a décidé que trois des quatre journées de grève seraient reprises à l’occasion de journées pédagogiques de réserve. Au final, l’employeur a révisé sa décision et elle vise uniquement deux jours pédagogiques. La décision de l’employeur se base sur un article d’une entente locale qui prévoit que l’employeur peut utiliser trois journées pédagogiques sur le total de vingt pour une année scolaire, afin de compenser la fermeture des écoles pour certains motifs. Le syndicat conteste cette utilisation par l’employeur et allègue que cette décision contrevient à la liberté d’association garantie par les Chartes de droits.

L’arbitre conclut que l’employeur ne pouvait avoir recours à l’alinéa e) de l’article 8.4.02 de l’entente locale afin de remplacer les deux jours de grève par le recours à deux journées pédagogiques. L’article était rédigé comme suit : « le calendrier prévoit […] une réserve de trois jours pour compenser les journées de fermeture, notamment la fermeture pour force majeure, évènements imprévus ou autres. ». Selon l’arbitre, la règle ejusdem generis s’applique en l’espèce, car le terme général « autres » est précédé de 2 expressions spécifiques qui ont certaines caractéristiques en commun. Par conséquent, le terme « autres » se restreint à désigner des réalités du même genre que celles assimilées à des cas de force majeure ou à des événements imprévus. Or, tel n’est pas le cas des journées de grève. 

Concernant les prétentions syndicales sur la violation du droit à la liberté d’association par l’employeur, l’arbitre conclut que l’allégation de violation de la liberté d’association ne peut être retenue, car la décision contestée n’a pas altéré la capacité future du syndicat de représenter ses membres au point de constituer une ingérence substantielle dans les négociations ou les relations de travail à venir entre les parties au sens de la jurisprudence en la matière. L’arbitre retient également que rien dans la preuve n’établit que l’équilibre du rapport de force entre les parties a été perturbé par la décision de l’employeur.

Grief accueilli, mais l’argument syndical selon lequel l’employeur aurait violé le droit à la liberté d’association est rejeté.

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Les avocats et notaires de l’État québécois (LANEQ) c. Agence du revenu du Québec (Patrick Jacques), 2020 QCTA 208
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/AB04F228B617103AE2A871A5DAFCF1E5?source=EXPTRAV

Un avocat plaideur à la Direction des poursuites pénales de l’Agence du revenu du Québec conteste la durée du relevé provisoire de son emploi ainsi que son congédiement, il demande sa réintégration. L’employeur met fin à l’emploi du salarié en raison de son omission de l’avoir informé dans le cadre du processus d’embauche qu’il avait été déclaré coupable par le Comité de discipline du Barreau d’avoir commis un acte dérogatoire à la dignité de la profession, soit d’avoir participer à la confection d’une preuve qu’il savait être fausse en demandant à sa secrétaire d’assermenter les déclarations solennelles de deux personnes absentes.

L’arbitre adopte une approche civiliste et conclut après son analyse de la preuve que l’employeur a prouvé que le salarié a omis de divulguer une information pertinente au moment de son embauche et avant même son entrée en fonction. De l’avis de l’arbitre, cette information était importante, car il y avait un lien avec la nature de faute commise et les tâches et les responsabilités qu’un avocat plaideur doit assumer, manquement qui est de nature à nourrir des doutes sur sa probité et celle du système de justice dans lequel l’avocat poursuivant est un acteur important. Selon l’arbitre, le silence du salarié a vicié le processus d’embauche, le consentement de l’employeur est fondé sur une erreur excusable ce qui a pour conséquence d’affecter la validité du contrat de travail. Selon l’arbitre, le contrat de travail est nul ab initio. Dans les circonstances, la fin d’emploi est justifiée et donc elle se déclare sans compétence afin de faire preuve de clémence.

Grief rejeté.

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POLICIERS ET POLICIÈRES

Commissaire à la déontologie policière c. Annie Généreux, Comité de déontologie policière, 25 juin 2020.
Sur demande seulement.

Dans cette affaire, une policière, l’agente Généreux, est citée devant le Comité de déontologie policière pour avoir pénétré sans droit dans la résidence du plaignant et pour avoir saisi sans droit des biens se trouvant à l’intérieur commettant ainsi des actes dérogatoires à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec.

 Les faits sont brièvement les suivants : les policiers localisent un véhicule à la suite d’un appel d’un citoyen qui mentionne la présence de deux hommes intoxiqués et d’une femme qui semble inconsciente dans le coffre du véhicule. Lorsque les agents arrivent au véhicule, ils constatent la présence d’un homme qui semble intoxiqué et d’une femme mal en point dans le coffre du véhicule. L’homme mentionne que la femme est la conjointe de son ami qui est entré chez lui pour quelques secondes et qu’il va revenir afin de s’occuper de sa femme. Le prétendu conjoint de la femme, M. Robitaille, sort de l’appartement situé à quelques mètres du véhicule, la policière lui dit de ne pas bouger et qu’il est détenu pour les fins d’une enquête en rapport avec l’état de santé de la dame. La policière trouve des stupéfiants dans la voiture en essayant de s’occuper de la dame, elle annonce cela à M. Robitaille qui tente alors de fuir les policiers en entrant dans son appartement. Alors que la porte est entrouverte, les policiers poussent sur celle-ci et réussissent à faire sortir M. Robitaille. L’agente Généreux à ce moment n’a vu aucune drogue dans l’appartement. Les policiers procèdent ensuite à l’arrestation de M. Robitaille. L’agente Généreux retourne ensuite dans l’appartement. Elle témoigne qu’elle voulait sécuriser les lieux et s’assurer que M. Robitaille ne s’était pas départi d’un objet en le lançant par terre, elle voulait également s’assurer qu’il n’y avait pas une autre personne dans l’appartement qui pouvait être de connivence avec M. Robitaille pour un crime qui aurait pu être commis auprès de la dame inerte dans la camionnette. Elle n’a rien vu le long du corridor de l’appartement. Cependant au bout du corridor elle a vu qu’il y avait des objets, notamment du matériel pour les stupéfiants partout, par terre, sur un divan, des couteaux de boucher ainsi que des sachets vides. Elle réalise qu’il s’agit d’un « crack house ». L’agente saisit ce qu’il y a sur la table du salon, soit la drogue visible.

Le Commissaire reproche à l’agente sa deuxième entrée dans l’appartement, soit après qu’elle eut arrêté M. Robitaille. Selon la preuve présentée, le Comité de déontologie estime que l’agente Généreux est entrée une deuxième fois dans l’appartement à la recherche d’un ou plusieurs objets dont M. Robitaille aurait pu se départir lors de sa fuite. Pour le Comité, cela constitue une perquisition sans mandat et donc la policière devait invoquer l’urgence de la situation rendant difficilement réalisable l’obtention d’un mandat afin de pénétrer dans l’appartement. Selon le Comité l’agente ne se trouvait dans aucune situation d’urgence telle que définie par la Cour suprême dans l’arrêt Paterson. Par ailleurs, le Comité tient compte du fait qu’il aurait été très facile pour la policière de demander et d’obtenir un télémandat. Selon le Comité, l’agente a violé une règle de droit claire qu’elle connaissait ou était réputée connaître. De l’avis du Comité, la violation de cette règle ne peut s’expliquer autrement que par l’incompétence grossière.

Citations accueillies.

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TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Fédération des employés du préhospitalier du Québec (FPHQ) et Services Préhospitaliers Paraxion inc., 2020 CanLII 41776
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020canlii41776/2020canlii41776.pdf

La Fédération des employés du préhospitalier (ci-après : « FPHQ » ) dépose une requête en vertu de l’article 25 du Code du travail afin de représenter chez l’employeur : « Toutes les techniciennes et tous les techniciens ambulanciers paramédics salariés au sens du Code du travail de Services Préhospitaliers Paraxion inc. établissement visé 7, rue Poulin, Baie-Trinité (Québec). »

Le Tribunal administratif du travail accrédite la FPHQ.


POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.


ARTISTES

Conseil du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs (CQGCR) et Association des producteurs publicitaires (APP), 2020 QCTAT 2385 (CanLii)
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat2385/2020qctat2385.pdf

Le Conseil du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs (ci-après : « CQGCR », association d’artistes reconnue qui, dans le domaine du film publicitaire, représente les directeurs et concepteurs artistiques, présente deux demandes devant le Tribunal administratif du travail de reconnaissance dans des secteurs de négociation qui visent des artistes dans le milieu du domaine du film publicitaire, soit l’enregistrement d’annonces publicitaires audiovisuelles.

Première requête

Le CQGCR demande une reconnaissance pour un autre secteur de négociation regroupant les artistes ayant les fonctions de 1er assistant-réalisateur, 2e assistant-réalisation, 3e assistant-réalisateur, directeur de lieu de tournage et assistant-directeur de lieu de tournage. Le recours se base sur l’article 14 (2) de la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma (ci-après : « LSA »). Les artistes visés par le secteur de négociation recherché par le CQGCR sont regroupés au sein d’un secteur général et c’est l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (ci-après : « AQTIS ») qui représente ce secteur créé par la Loi de 2009 modifiant la LSA. Il réunit tous les artistes qui occupaient une fonction visée par une entente collective conclue en 2007. La demande du CQGCR vise donc à scinder ce secteur.

Les questions en litige sont les suivantes : peut-on retirer les fonctions visées du secteur quasi général pour former une autre section de négociation dans la mesure où il serait approprié ? La modification du secteur de négociation quasi général est-elle justifiée dans les circonstances ?

A) La liberté d’association

Le Tribunal rappelle qu’il n’est pas toujours favorable de morceler une unité de négociation lorsqu’elle est toujours appropriée. La jurisprudence en matière d’accréditation exige la démonstration d’une situation exceptionnelle rendant la scission nécessaire pour des motifs sérieux et suffisants. Le CQGCR indique que cette jurisprudence doit être écartée afin de favoriser la liberté d’association des artistes. Selon le Tribunal, il n’y a aucune preuve que cela est la volonté des artistes et donc que leur liberté d’association est en cause. Selon le Tribunal faute de preuve, la stabilité des relations entre les parties et la paix industrielle militent en faveur du maintien du secteur actuel.

B)Les changements dans la représentation des artistes dans d’autres secteurs

Le Tribunal se demande ensuite si la modification du secteur de négociation quasi général est justifiée dans les circonstances ? La jurisprudence reconnaît que des changements affectant l’entreprise visée par l’accréditation peuvent justifier le fractionnement de l’unité de négociation. Selon le CQGCR, le nombre de contrats octroyés en publicité est insuffisant pour permettre aux artistes visés de dégager un revenu décent, ils doivent donc travailler aussi dans d’autres secteurs du domaine du film, lesquels sont majoritairement représentés par le CQGCR. En conséquence, ils assument le coût des cotisations syndicales de l’AQTIS dans le domaine de la publicité et l’autre pour le CQGCR dans le domaine du film. Pour l’éviter, plusieurs renoncent à travailler dans le domaine de la publicité ce qui provoque une pénurie de main-d’œuvre.

Selon le Tribunal, la position du CQGCR repose sur l’hypothèse que les artistes qui occupent les fonctions visées du nouveau secteur seront représentés par lui, tout comme le sont, pour le moment, la majorité des autres secteurs de négociation regroupant les fonctions recherchées dans le domaine du film. Qu’adviendra-t-il si ce n’est pas le cas? Faudra-t-il en conclure que le secteur ne sera plus approprié? Et si, au terme d’un prochain maraudage dans cinq ans, les artistes d’un des secteurs choisissent un autre représentant, devra-t-on procéder à un autre redécoupage? Selon le Tribunal, cela mènerait à une instabilité et donc le changement de représentants des artistes dans d’autres secteurs à son avis n’est pas pertinent.

C) L’absence de communauté d’intérêts entre les titulaires des fonctions visées et les autres artistes du secteur

Le CQGCR allègue qu’une même fonction devrait être représentée par une seule association, indécemment du secteur de production. Ainsi les assistants-réalisateurs du domaine publicitaire ne seraient pas isolés de ceux qui travaillent en film, d’autant que leurs tâches et leurs conditions de travail sont similaires. Le Tribunal écarte cet argument, car de son avis elle se base sur la même prémisse que celle discutée dans le point précédent et doit donc également être écartée pour les mêmes raisons.

Le Tribunal est donc d’avis qu’il n’y a pas lieu de créer un autre secteur pour les fonctions visées par la demande qui sont déjà incluses au sein du secteur quasi général. La preuve ne démontre pas qu’il s’agit de la volonté des personnes concernées ni l’existence de motifs valables ou sérieux de modifier la situation actuelle.

Deuxième requête

Le CQGCR présente une seconde requête afin de représenter la fonction de dessinateur de productions audiovisuelles de type film publicitaire. Cette fonction n’est pas représentée par une association d’artistes à ce jour. Bien que le Tribunal juge que l’emploi d’un dessinateur est peu fréquent en publicité ce qui n’est certes pas idéal pour établir un rapport de force, il considère qu’il est préférable de reconnaître le caractère approprié de ce petit secteur plutôt que de priver les dessinateurs de leur droit de s’associer. Il conclut qu’il y a lieu de définir un nouveau secteur de négociation regroupant les dessinateurs en publicité et poursuivre sur le caractère représentatif de celui-ci pour le représenter.

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SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

R. c. Li, 2020 CSC 12
https://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2020/2020csc12/2020csc12.html?autocompleteStr=2020%20CSC%2012&autocompletePos=1

Dans cette décision rendue oralement et séance tenante par la Cour suprême du Canada, le plus haut tribunal du pays réitère les principes énoncés deux semaines auparavant dans l’arrêt Ahmad concernant la provocation policière.

La juge Martin, rédigeant pour un banc unanime, reprend donc les enseignements voulant que, lors d’une enquête policière portant sur une opération de vente de stupéfiants par téléphone, les agents se doivent de posséder « des soupçons raisonnables concernant la personne ou le numéro de téléphone en question ou encore une combinaison des deux, avant de pouvoir demander à acheter de la drogue de la personne qui répond au téléphone ».

Le tribunal encourage les agents de la paix à consigner dans un relevé prévu à cet effet les mesures de vérifications entreprises pour s’assurer de la fiabilité des informations reçues. Le type de stupéfiants, les informations nominales telles que les immatriculations ou les noms des personnes impliquées et les lieux où se déroulent normalement les transactions sont autant d’éléments qui permettront au ministère public d’utiliser la preuve recueillie et d’éviter qu’elle tombe dans la catégorie de la provocation.

Ville de Montréal c. Charles (C.M., 2020-06-01), 2020 QCCM 70, SOQUIJ AZ-51689839
https://www.canlii.org/fr/qc/qccm/doc/2020/2020qccm70/2020qccm70.html?autocompleteStr=2020%20QCCM%2070&autocompletePos=1

Dans un dossier d’infraction pénale, l’accusé est acquitté en raison du profilage racial et de la détention arbitraire dont il a été victime. Les policiers patrouillaient en après-midi dans un secteur résidentiel et commercial du quartier Notre-Dame-de-Grâce où serait survenue une tentative de meurtre une semaine auparavant. Leur attention est attirée par un véhicule immatriculé au Nouveau-Brunswick. Après vérifications dans les bases de données, l’âge du conducteur ne correspond pas à l’âge du propriétaire du véhicule. Les agents vont suivre l’accusé et observer un comportement qu’ils considèrent suspect, pour finalement l’intercepter. Une discussion s’ensuivra lors de laquelle l’accusé verbalisera sa frustration aux policiers qui le détiendront et lui émettront un constat d’infraction pour entrave au travail des policiers. Après vérifications supplémentaires, les agents réaliseront qu’ils avaient fait une erreur dans leur première recherche et que le véhicule était bel et bien la propriété de l’accusé.

Le juge ne retient pas de motif valable pour l’interception du véhicule, ni en vertu du Code de la sécurité routière, ni en vertu des pouvoirs conférés en matière criminelle et conclut par preuve circonstancielle au profilage racial comme seule explication possible. Le juge distinguera aussi un individu en fuite d’un individu qui éviterait les policiers en indiquant qu’il n’est pas logique de croire qu’un individu qui évite la police a nécessairement quelque chose à cacher et devient donc suspect. Dans le contexte des relations entre le SPVM et la communauté afro-américaine de Montréal, il peut y avoir bien des raisons pour une personne d’éviter la police, dont l’accumulation de vérifications de routine.

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Dussault c. R. (C.A., 2020-06-08), 2020 QCCA 746
https://www.canlii.org/en/qc/qcca/doc/2020/2020qcca746/2020qcca746.html?autocompleteStr=2020%20QCCA%20746&autocompletePos=1

La Cour d’appel du Québec ordonne un nouveau procès dans une affaire de meurtre en raison du manquement des policiers à leur obligation de mettre en place l’exercice du droit à l’assistance effective d’un avocat prévu à l’article 10 b) de la Charte canadienne des droits et libertés. La déclaration incriminante obtenue de l’accusé doit être exclue.

Suite à son arrestation, l’accusé communique par téléphone avec son avocat. Ce dernier indique aux enquêteurs que, vu la gravité des accusations, il se déplacera en personne au poste de police pour conseiller son client. Suite à une discussion, les policiers décident d’informer l’avocat qu’il ne lui sera pas permis de communiquer avec son client puisque le droit à l’avocat a déjà été exercé par téléphone. L’avocat indiquera ne pas avoir complété ses conseils et indique qu’il se présentera tout de même. Les policiers vont alors consulter une procureur-conseil qui le confortera dans leur position.

Bien que le droit à l’avocat ne soit pas absolu ou continu, le tribunal conclut de la preuve présentée que l’exercice du droit à l’avocat n’était pas complet et que les policiers ont failli à leur obligation de mise en place de l’exercice de ce droit constitutionnel. Selon le tribunal, les policiers ont, de façon délibérée et concertée, pris des mesures pour empêcher l’accusé d’exercer son droit constitutionnel alors qu’ils avaient toutes les informations en main pour leur permettre de prendre la bonne décision. Plus particulièrement, en réponse à l’accusé qui demandait si son avocat était arrivé au poste, les policiers ont répondu par la négative alors qu’ils savaient qu’il était bel et bien là.

La cour adopte une interprétation téléologique de l’exercice du droit à l’avocat qui tient compte principalement de l’objectif à atteindre, soit l’obtention de conseils juridiques. Le tribunal rejette l’interprétation formaliste et étroite proposée par le ministère public.

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