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Veille juridique du 31 mars 2020

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Lessard et Syndicat des employés municipaux de Beauce (CSD), 2020 QCTAT 200

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat200/2020qctat200.pdf

Dans la présente affaire, le Tribunal administratif du travail est saisi d’une plainte pour violation du devoir de juste représentation syndicale, une obligation qui incombe à toutes les associations de salariés en vertu de l’article 47.2 du Code du travail. Le plaignant prétend que le Syndicat l’a mal représenté dans le cadre du processus disciplinaire qui s’est conclu par l’imposition d’une suspension sans solde de cinq jours en raison d’une récidive pour ses mauvais comportements au travail. Préalablement à cette mesure disciplinaire, le plaignant s’était vu imposer d’autres mesures disciplinaires par son Employeur pour divers manquements professionnels et son attitude envers ses collègues. Après avoir déposé un grief pour contester la dernière mesure disciplinaire imposée, le Syndicat le retire, évaluant que les chances de succès de celui-ci sont faibles dans les circonstances. Au soutien de ces prétentions, le plaignant reproche d’une part au Syndicat de ne pas avoir fait d’enquête approfondie quant aux fautes alléguées par son Employeur, rendant ainsi sa décision de retirer son grief arbitraire. D’autre part, il soutient être victime de représailles, car cette décision était motivée par les récentes activités de maraudage qu’il avait fait contre le Syndicat. Pour sa part, le Syndicat conteste vivement ces allégations, et réplique avoir pris tous les moyens nécessaires afin de défendre les intérêts du plaignant, et ce en tenant compte également des autres membres.

D’entrée de jeu, le Tribunal rappelle les principes juridiques applicables en l’espèce. Concernant le caractère arbitraire d’une action syndicale, le Tribunal mentionne ceci :

[14] Dans l’arrêt Noël c. Société d’Énergie de la Baie James, la Cour suprême définit ainsi ces manquements :

[50] Se reliant étroitement, les concepts d’arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L’élément de l’arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée possible. On devrait aussi tenir compte des ressources de l’association, ainsi que des intérêts de l’ensemble de l’unité de négociation. L’association jouit donc d’une discrétion importante quant à la forme et à l’intensité des démarches qu’elle entreprendra dans un cas particulier.

Puis, il précise que « le droit de déposer un grief et de le déférer à l’arbitrage n’est pas un droit absolu. Cette discrétion qui appartient au Syndicat doit être exercée de façon objective et honnête après une étude sérieuse du dossier en tenant compte des conséquences pour le salarié et des intérêts légitimes du Syndicat. »

Le Tribunal conclut qu’à tout moment dans le processus disciplinaire, le plaignant fut accompagné objectivement par son conseiller syndical, lequel l’a soutenu et lui a prodigué de sages conseils. Il est d’avis que plusieurs reproches faits au Syndicat se fondent sur les perceptions subjectives du plaignant, et qu’elles ne peuvent démontrer le caractère arbitraire de ses actions ou sa mauvaise foi.

Ensuite, bien que l’enquête du Syndicat concernant les fautes alléguées par l’Employeur semble sommaire en l’espèce, cela est insuffisant pour la qualifier d’arbitraire. Le Tribunal précise qu’il ne suffit pas de se dire insatisfait du travail de son Syndicat, encore faut-il en faire la preuve.

Quant à la discrétion du Syndicat de retirer le grief, le Tribunal conclut qu’elle a été exercée à la suite d’un examen sérieux. Il précise que son analyse des chances de succès du grief était judicieuse et raisonnable, considérant que la décision avait été prise par le bureau syndical, suite aux recommandations au Syndicat local, et ce à la lumière de la jurisprudence pertinente et en tenant compte raisonnablement des circonstances de l’affaire.

Finalement, il met en évidence que l’intérêt individuel du plaignant s’opposait à l’intérêt collectif, et affirme que le Syndicat était justifié dans ces circonstances de ne pas avoir exigé de l’Employeur l’application stricte de la convention collective qui prévoyait la divulgation des noms des personnes ayant porté plainte contre le plaignant. Ce faisant, il agissait légitimement afin de préserver l’intégrité du milieu de travail.

La plainte est rejetée.

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POLICIERS  

L’Association des policiers et policières de Sherbrooke c. Ville de Sherbrooke

Décision disponible sur demande

L’Association des policiers et policières de Sherbrooke (ci-après « l’Association ») dépose un grief dans la présente affaire au nom des policiers membres du service des pièces à conviction de l’Employeur. Il demande qu’en contexte que surcroît de travail, le premier et le deuxième remplaçant de la titulaire du poste d’agent aux pièces à conviction (ci-après « l’APC » puisse revendiquer ce surplus de travail en exclusivité, conformément aux dispositions de la convention collective. Quant à l’Employeur, il prétend plutôt qu’aucune disposition conventionnelle ne le contraint ainsi et que même s’il en avait l’obligation, l’Association n’a pas réussi à démontrer qu’un tel surcroît a eu lieu au sein du service des pièces à conviction pendant la période en cause.

Le grief fut déposé dans le contexte suivant : à la suite d’une réorganisation des tâches dévolues aux policiers enquêteurs ayant pour objectif de confier le travail relié à la « gestion des drogues » aux policiers membres du service des pièces à conviction, ces derniers constatent que leur charge de travail s’est par le fait même accentuée. Il constate également un retard dans certaines tâches du service, notamment les tâches de type « PR » liées à la destruction ou à la restitution des pièces à conviction après un processus judiciaire, qu’ils attribuent aux opérations de « pesée des drogues » qui leur ont été dévolues. Ils remarquent que le nombre d’heures supplémentaires effectuées au cours de la période en cause a considérablement augmenté. Au cours de cette période, une salariée enceinte fut réaffectée au service des pièces à conviction. Le mandat qui lui a été confié était relatif au traitement des « PR » en attente, notamment dans le but de les diminuer. Selon l’Association, c’est ce travail qui revient au premier et au deuxième répondant puisqu’il s’agit de travail en surcroît.

La première étape de l’analyse du Tribunal consiste à déterminer si l’Employeur était tenu de faire exécuter le surcroît de travail au poste d’APC, par le premier ou le deuxième remplaçant, en supposant que ce surcroît de travail soit avéré. Ce n’est que dans l’affirmative que le Tribunal doit se pencher sur l’existence dudit surcroît de travail pendant la période pertinente au grief.

Au soutien de sa prétention, l’Association invoque le texte de l’annexe B-1 de la convention collective, intitulé « Processus de sélection pour combler certains postes d’agents », et plus précisément la première phrase de l’alinéa iii) du paragraphe c) qui va comme suit :

« Le candidat retenu a l’obligation de remplacer les absences du salarié détenteur du poste et d’accepter tout surcroît de travail offert par la Direction du service. »

D’abord, le Tribunal est d’avis qu’en utilisant les termes choisis par les parties comme intitulé de l’annexe B-1, les parties n’ont pas « écrit pour rien dire ». Elle ajoute que la revendication de l’Association selon laquelle le premier ou le deuxième remplaçant devrait être appelé à exécuter le surcroît de travail, alors que la titulaire du poste d’APC occupe toujours son poste, revête un objectif différent de celui visé par l’annexe B-1. Celui-ci vise plutôt les situations qui nécessitent un remplacement au poste de l’APC puisqu’il est vacant ou que son titulaire est absente du travail. Puis, le Tribunal ne retient pas l’argument syndical selon lequel l’obligation imposée au « candidat retenu » d’accepter tout surcroît de travail offert par l’Employeur entraîne l’obligation inverse pour celui-ci d’assigner un employé additionnel aux tâches de l’APC en tel contexte de surcroît. Il interprète plutôt la première phrase à l’alinéa iii) du paragraphe c) comme étant une obligation pour le candidat retenu, et non une obligation pour l’employeur.

Ainsi, le Tribunal conclut qu’aucune disposition de la convention collective intervenue entre les parties n’imposait à l’Employeur l’obligation de faire appel exclusivement au premier et au deuxième répondant en cas de surcroît de travail au poste d’APC. En conséquence, outre qu’il émet quelques commentaires relatifs à l’existence d’un surcroît de travail, le Tribunal considère qu’il n’est pas nécessaire qu’il se prononce à ce sujet.

Le grief est rejeté.

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Deschesnes c. Procureure générale du Québec, 2020 QCCS 921

https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2020/2020qccs921/2020qccs921.pdf

Dans la présente affaire, la Cour supérieure tranche un litige ayant pris naissance à la suite de la destitution du Directeur de la Sûreté du Québec au cours de son mandat, et ce sans qu’une enquête ait été effectuée par le ministre de la Sécurité publique. Le demandeur plaide avoir été victime d’une destitution illégale, alors que la défenderesse prétend qu’il s’agit d’un simple remplacement et non d’une destitution.

Les questions en litige de la présente affaire sont les suivantes :

1- Un directeur général de la Sûreté du Québec peut-il être remplacé avant la fin de son mandat et donc privé de sa charge malgré les dispositions particulières de la Loi sur la Police?

2- Un directeur général de la SQ, faisant ensuite l’objet d’accusations criminelles, a-t-il le droit à l’assistance judiciaire et au plein traitement durant l’instance?

3- Le défendeur a-t-il droit d’être compensé pour recevoir le demi-solde du traitement dont il a été privé?

La cour répond par la négative à la première question. L’alinéa 3 de l’article 58 de la Loi sur la police prévoit expressément que « le directeur général ne peut être destitué que sur recommandation du ministre, après enquête menée par celui-ci ou par la personne qu’il désigne. » La destitution du demandeur est donc illégale.

Quant à la deuxième question, la Cour y répond par l’affirmative. Elle se fonde sur le Décret no 323-2008 concernant la rémunération et les conditions relatives à l’exercice des fonctions des officiers de la SQ, communément appelé  » Décret des officiers », pour conclure ainsi, lequel prévoit une assistance judiciaire dans le cas où les actes à la base des accusations criminelles ont été commis « par le fait » ou « à l’occasion » des fonctions. Considérant que le demandeur fût accusé de vol, de fraude et d’abus de confiance pour avoir avantagé ses deux coaccusés avec des fonds de la Sûreté du Québec, la Cour est d’avis qu’il remplit ces précédents critères.

Quant à la troisième question, la Cour est d’avis qu’effectivement, le demandeur doit être compensé puisqu’il aurait dû recevoir son plein salaire pendant l’instance criminelle, incluant l’appel. Cela est conforme aux enseignements de l’arrêt Cabiakman de la Cour suprême du Canada qui énonce qu’une suspension en matière de relations de travail doit généralement être avec traitement, sauf exceptionnellement.

Finalement, la Cour accorde au demandeur une indemnité de 25 000 $ à titre de dommages moraux pour le stress que lui a causé l’épuisement de ses ressources financières, alors qu’il devrait payer ses frais judiciaires en ne recevant que la moitié de son salaire, ainsi que pour la honte vécue par sa destitution médiatisée. Elle refuse toutefois de lui accorder des dommages punitifs en l’absence d’une preuve d’une atteinte illicite intentionnelle.

Demande accueillie.

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POMPIERS

 

Succession de Bourret et Ville de Québec, 2020 QCTAT 867

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat867/2020qctat867.pdf

La succession de Monsieur Bourret, un pompier œuvrant pour la Ville de Québec au moment de son décès, dépose une réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après « CNESST ») afin de faire reconnaître sa maladie pulmonaire, l’amiantose, à titre de lésion professionnelle. Le Comité spécial des présidents (ci-après le « CSP ») entérine la décision rendue par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles qui conclut à une exposition insuffisante à l’amiante, mais retient plutôt le tabagisme important du défunt comme étant la cause immédiate de son cancer pulmonaire. Étant liée par décision du CSP, la CNESST refuse la réclamation.

Le Tribunal doit d’abord se prononcer à l’égard de la présomption prévue à l’article 29 de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles (ci-après LATMP). L’application de cette présomption exempterait le travailleur de faire la preuve de la relation entre la maladie et son travail.

Selon l’annexe 1 de la LATMP, dans le cas de maladie pulmonaire causée par l’amiante, les diagnostics prévus sont ceux d’amiantose, de cancer du poumon ou de mésothéliome causé par l’amiante (premier volet de l’analyse). Dans le cas où l’une de ces maladies est en cause, le Tribunal doit par la suite déterminer si le travail de pompier du travailleur impliquait une exposition à la fibre d’amiante (deuxième volet de l’analyse). Ainsi, le Tribunal doit d’abord se pencher sur le diagnostic du travailleur. Après une analyse de la preuve médicale qui lui est soumise, le Tribunal retient comme diagnostic celui de cancer du poumon et écarte celui allégué par la réclamante, soit celui d’amiantose. Quant au deuxième volet de son analyse, le Tribunal est d’avis qu’il ressort de la preuve factuelle et médicale, de façon prépondérante, que c’est le cas. Il réitère, selon la jurisprudence applicable en la matière, qu’au stade de l’application de la présomption, la preuve d’une exposition significative ou dépassant la norme règlementaire n’a pas à être faite. En conséquence, le Tribunal présume à l’existence d’une maladie professionnelle pulmonaire.

Toutefois, le Tribunal conclut qu’en l’espèce, il y a lieu de renverser la présomption. En se fondant sur le dossier médical du travailleur ainsi que sur la littérature médicale de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en Sécurité du travail (IRSST), laquelle met en évidence l’insuffisance des données étudiées pour confirmer ou infirmer une quelconque relation causale entre le cancer pulmonaire et la profession de pompier, le Tribunal conclut que le cancer pulmonaire diagnostiqué chez le travailleur n’est pas dû à son travail de pompier, mais plutôt à son tabagisme important.

Réclamation rejetée.

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PARAMÉDICS

Rien à signaler.

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ARTISTES

 

Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son, 2020 QCTAT 234

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat234/2020qctat234.pdf

Le Tribunal est saisi de deux demandes préliminaires dans le cadre du dépôt de plusieurs demandes de reconnaissance déposées en vertu de la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma. Le Conseil du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs (ci-après « le CQGCR ») demande au Tribunal de rejeter sommairement trois de ces demandes déposées par l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (ci-après « l’AQTIS ») au motif qu’elles sont prématurées, frivoles et qu’elles n’ont aucune chance raisonnable de succès. Pour sa part, l’AQTIS elle plaide l’absence de frivolité de ses demandes, et ajoute qu’il existe un flou concernant la période de maraudage et qu’il ne peut exister qu’un seul délai selon la Loi.

Quant au premier argument du CQGCR, le Tribunal est d’avis qu’effectivement les demandes de reconnaissance sont prématurées puisqu’elles n’ont pas été demandées dans les trois mois précédents le cinquième anniversaire de la prise d’effet de la reconnaissance, en l’espèce le 29 février 2016, tel que le requiert l’article 14 paragraphe 2 de la Loi. Selon le Tribunal, la Loi est claire, non ambiguë et n’a pas à être interprétée.

Ensuite, concernant le second argument du CQGCR, le Tribunal doit l’écarter. Celui-ci n’est pas lié par le résultat d’un sondage démontrant que la majorité des artistes membres du CQGCR ne désirent pas être représentés par l’AQTIS, S’il y faisait droit, il abdiquerait son pouvoir d’enquête au profit de l’une des parties.

Finalement, il rejette l’argument de l’AQTIS selon lequel le dépôt d’une demande de reconnaissance pour un secteur défini par la Loi empêche tout autre dépôt de toute demande pour ce même secteur, qu’elle soit ou non en conflit avec la première demande, au-delà du délai de 20 jours de la date de l’avis du Tribunal. En l’espèce, les demandes de reconnaissance déposées par le CQGCR pour la fonction de chef dessinateur l’ont été en champs libre, puisque celles déposées par l’AQTIS visaient des fonctions différentes, et n’étaient donc pas concurrentes.

Moyen préliminaire du CQGCR accueilli en partie. Moyen préliminaire de l’AQTIS rejeté.

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SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

Deslauriers c. R., 500-10-006539-173 (arrêt rendu le 26 mars 2020)

Décision disponible sur demande

Appel du sergent Éric Deslauriers de la Sûreté du Québec à l’encontre de la décision le déclarant coupable d’homicide involontaire coupable par acte illégal, soit d’avoir intentionnellement déchargé son arme à feu sans se soucier de la vie ou de la sécurité d’autrui et de négligence criminelle causant la mort. Les évènements à l’origine des accusations portées contre l’appelant se sont produits alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions de sergent, sur le point d’intercepter le conducteur d’un véhicule volé.

Le 22 janvier 2014, au début de son quart de travail, l’appelant reçoit l’information qu’un véhicule volé Mazda RX-8 aurait été aperçu à la polyvalente de Sainte-Adèle. Il se rend dans le stationnement de la polyvalente sur l’heure du midi et croise le véhicule volé conduit par un jeune homme, qui dépose deux jeunes filles à la polyvalente. L’appelant demande aussitôt du renfort et positionne son véhicule patrouille de façon à bloquer la sortie du stationnement au véhicule volé. L’appelant sort de son véhicule patrouille et une fois les deux jeunes filles éloignées, il dégaine son arme de service et la tient de ses deux mains, à 45 degrés vers le sol. Il est à noter que pour la suite des évènements, l’appelant est en profond désaccord avec les faits retenus par la juge de première instance.

Le conducteur du véhicule volé fait vrombir le moteur du véhicule de trois à quatre reprises en regardant le sergent d’un air narquois. Sa vitre côté conducteur est baissée. L’appelant demande au conducteur de lever les mains en l’air, ce qu’il fait pour les rabaisser aussitôt. L’appelant réitère à nouveau au conducteur de lever les mains en l’air à deux reprises. À la deuxième occasion, le conducteur passe ses mains par la vitre baissée. Croyant qu’il coopère, l’appelant s’avance vers le véhicule et constate que les roues sont tournées dans sa direction. Alors que l’appelant se trouve à une quinzaine de pieds du véhicule volé, le jeune conducteur appuie à fond sur l’accélérateur. Craignant pour sa vie, l’appelant fait feu en sa direction à deux reprises. Le délai entre les deux coups de feu est très court et correspond au temps d’appuyer sur la détente (par. 43). Le premier coup de feu atteint le conducteur au coude gauche et le second, mortel, au cou. Le véhicule frôle l’appelant et termine sa course dans un banc de neige. L’appelant porte immédiatement secours au conducteur, en vain.

Au terme d’un procès de deux semaines, la juge Joëlle Roy déclare le sergent Deslauriers coupable d’homicide involontaire coupable et de négligence criminelle causant la mort. Elle ordonne l’arrêt des procédures sur le deuxième chef en application de la règle interdisant les condamnations multiples. Elle lui impose une peine de quatre ans d’emprisonnement, soit la peine minimale pour l’infraction d’homicide involontaire coupable.

L’arrêt rendu par la majorité de la Cour d’appel (les juges Chamberland et Schrager)

Le juge Jacques Chamberland, avec l’accord du juge Mark Schrager, dénote des erreurs commises par la juge de première instance dans son refus d’ordonner la divulgation de la preuve, dans son appréciation de la preuve et dans son rejet du témoignage de l’expert. Ces erreurs justifient d’annuler la déclaration de culpabilité sur le premier chef et l’arrêt des procédures sur le second chef et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.

a) La juge a erré en droit en refusant la divulgation de la preuve

Dans le but de préparer sa défense, le sergent Deslauriers demande à obtenir les documents en lien avec trois enquêtes criminelles impliquant le conducteur (introduction par effraction dans un commerce en avril 2013, homicide en février 2012 et vol en octobre 2012). La juge de première instance refuse cette demande, puisqu’elle estime que les éléments recherchés n’ont pas de pertinence probable en raison du fait que le sergent Deslauriers ne connaissait pas l’identité du conducteur qu’il s’apprêtait à interpeller. Le juge Chamberland estime que la juge a commis une erreur à ce niveau. En effet, le comportement du conducteur face au sergent alors qu’il était au volant d’un véhicule volé était au cœur de l’analyse pour évaluer le caractère justifié ou non de l’action posée par le policier, tant sous l’angle de la défense de justification que sous celui de la légitime défense.

b) La juge a erré dans son appréciation de la preuve

Le juge Chamberland estime que la juge de première instance a tiré des conclusions de fait déraisonnables qui sont incompatibles avec la preuve. Par exemple, sur la question cruciale de savoir à quel moment l’appelant a mis le conducteur en joue ou, encore, celle de savoir si le véhicule fonce sur lui, ou non.

c) La juge a erré en rejetant le témoignage de l’expert

La juge de première instance rejette le témoignage de l’expert en disant qu’il n’est pas pertinent et qu’il est partial. Le juge Chamberland conclut d’abord que la juge s’est trompée en concluant qu’il n’était pas pertinent d’évaluer si le policier avait agi conformément aux enseignements prodigués dans les écoles de police. En effet, afin d’évaluer si la conduite de l’appelant constitue un écart marqué du comportement du policier raisonnable, la juge devait considérer ce qui est enseigné aux policiers en matière d’emploi de la force car un policier raisonnable respecte ces enseignements dans l’exercice de ses fonctions.

d) La dissidence de la juge en chef Hesler

Sur le moyen d’appel relatif à la divulgation de la preuve, la juge Hesler estime qu’il n’existe aucune possibilité́ que les dossiers réclamés par l’appelant aient pu aider sa défense, sauf en colorant les faits : le premier critère du test de l’arrêt O’Connor n’était donc pas satisfait. Pour le second moyen d’appel fondé sur l’appréciation de la preuve, la juge Hesler invoque essentiellement le devoir de déférence des cours d’appel sur les questions de crédibilité et ne décèle pas d’erreur déraisonnable. Finalement, sur la question du rejet du témoignage de l’expert entendu en défense, la juge en chef se fonde encore une fois sur l’obligation de déférence et cette conclusion relevait, selon elle, de l’exercice discrétionnaire de la juge de première instance. Elle rappelle que la question de l’utilisation raisonnable de la force ne relevait pas du témoignage d’expert, mais bien de l’appréciation de la juge d’instance.

Appel accueilli. Ordonnance de nouveau procès. La juge en chef Duval Hesler est dissidente.

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R. c. Chung, 2020 CSC 8

https://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2020/2020csc8/2020csc8.pdf

Dans cet arrêt, la Cour suprême revient sur l’interprétation et l’application du critère de la mens rea de la conduite dangereuse.

Les faits ayant donné lieu à l’évènement remontent à 2015 lorsque l’appelant a conduit son véhicule à une vitesse presque trois fois supérieure à la limite autorisée en direction d’une intersection importante à Vancouver et il est entré en collision avec un véhicule qui effectuait un virage à gauche. La personne conduisant ce dernier véhicule est décédée sur les lieux de l’accident. En première instance, l’appelant est acquitté car le juge du procès a un doute raisonnable sur le fait que son comportement satisfasse à l’intention criminelle requise, soit l’écart marqué du comportement d’une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. Il conclut que le caractère momentané du comportement de l’appelant en faisant de l’excès de vitesse « ne suffi[sait] pas à satisfaire à l’élément de la faute criminelle ». La Cour d’appel de la Colombie-Britannique accueille l’appel du ministère public et rétabli la déclaration de culpabilité. L’appelant se pourvoit devant la Cour suprême.

D’abord, la Cour suprême précise que le ministère public ne peut interjeter appel sur une question de droit seulement. Un lien doit pouvoir être établi entre l’erreur susceptible d’appel et une question de droit, plutôt qu’une question sur la manière d’apprécier la preuve et de vérifier si celle‑ci satisfait à la norme de preuve (par.10).

Pour la Cour suprême, il s’agit ici d’une erreur de droit et il existe un lien entre cette erreur et la question de droit. En effet, un excès de vitesse momentané à lui seul peut clairement établir la mens rea de la conduite dangereuse lorsque, eu égard à toutes les circonstances, il permet de conclure que la façon de conduire résultait d’un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’aurait respectée une personne raisonnable dans la même situation (par. 19). De plus, le juge du procès a erré en omettant de se demander si une personne raisonnable aurait prévu le risque et agi de la même façon que la personne accusée (par. 24). D’abord, la Cour suprême précise que le ministère public ne peut interjeter appel sur une question de droit seulement. Un lien doit pouvoir être établi entre l’erreur susceptible d’appel et une question de droit, plutôt qu’une question sur la manière d’apprécier la preuve et de vérifier si celle‑ci satisfait à la norme de preuve (par.10).

La juge Karakatsanis, dans ses motifs dissidents, aurait accueilli l’appel et rétabli le verdict d’acquittement. Pour elle, l’appréciation d’un comportement routier et sa vitesse ne constitue pas uniquement une question de droit (par. 38). Pour elle, la décision du juge du procès de prononcer un acquittement en présence d’un doute quant à la conduite de l’appelant par rapport au critère de l’écart marqué du comportement d’un personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances ne se pose pas dans un appel du ministère public (par. 42).

Appel rejeté, déclaration de culpabilité maintenue.

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Nadeau c. R., 2020 QCCA 445

https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2020/2020qcca445/2020qcca445.pdf

Pourvoi de l’appelant à l’encontre d’une décision le déclarant coupable d’entreposage négligent d’armes à feu, de possession d’armes et de dispositifs prohibés ainsi que de possession d’une arme à feu prohibée chargée ou avec des munitions facilement accessibles. L’appelant se pourvoit également contre le jugement sur la détermination de la peine, l’enjoignant à purger une peine de 17 mois et 22 jours d’emprisonnement.

L’appel des déclarations de culpabilité concerne uniquement l’admissibilité de la preuve obtenue lors de l’exécution de deux mandats de perquisition dans la résidence de l’appelant.

 En avril 2012, l’agence américaine ATF (Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosive) ouvre une enquête à l’endroit d’un présumé trafiquant d’armes à feu et de dispositifs prohibés s’identifiant sous le pseudonyme « Palladium ». L’opération policière subséquente mène à l’arrestation de David Thériault, un militaire canadien. Dans le téléphone cellulaire de monsieur Thériault, on retrouve comme contact le nom de l’appelant et dans les notes, on retrouve des commandes faites par l’appelant à monsieur Thériault. Le 9 avril 2013, le juge de paix René de la Sablonnière, j.c.q., décerne deux mandats de perquisition visant la résidence de l’appelant en vertu des articles 487 et 117.04 C.cr.

En appel, l’appelant soutient que le juge a erré en concluant à l’existence de motifs raisonnables et probables de trouver des armes illégales dans sa résidence en l’absence de preuve contemporaine qu’il en possédait, et en l’absence de preuve qu’il les gardait chez lui.

La Cour d’appel rejette ce moyen d’appel et rappelle que l’écoulement du temps est un facteur à considérer, certes, mais le seul fait que les renseignements contenus dans la dénonciation ne soient pas récents ne signifie pas qu’ils sont périmés, surtout dans le cas d’infractions de possession d’armes à feu et de dispositifs prohibés, des biens qui ne sont ni consommables ni périssables (par. 25).

Toutefois, la Cour d’appel accueille le pourvoi sur la détermination de la peine. La Cour est d’avis que le juge a commis une erreur de principe en ne considérant nulle part dans ses motifs la possibilité de rendre une ordonnance d’emprisonnement dans la collectivité. Bien qu’il ait mentionné le principe de la modération, il ne l’a pas réellement appliqué. Ainsi, la Cour substitue une peine de 17 mois et 22 jours d’emprisonnement dans la collectivité à la peine d’emprisonnement ferme.

Appel accueilli en partie.

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R c. Fontaine, 2020 QCCQ 1232

https://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2020/2020qccq1232/2020qccq1232.pdf

La demande de remise présentée par le ministère public d’un procès fixé au 31 mars 2020 en raison de la pandémie de COVID-19 est rejetée. En effet, le juge Pierre Lortie estime qu’il s’agit d’une affaire urgente puisque l’accusé est détenu depuis le 17 février 2020 et que le procès peut se dérouler par visioconférence, avec les mesures sanitaires préventives nécessaires.

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