PAR SHARLIE LAFRANCE, STAGIAIRE EN DROIT, ET ME GENESIS R. DIAZ
SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Le Syndicat des chauffeurs d’autobus, opérateurs de métro et employés de services connexes au transport de la STM, section locale 1983-SCFP et La Société de Transport de Montréal, 2023 CanLII 96494 (QC SAT)
Décision disponible ici : <https://canlii.ca/t/k0q85>
Dans cette décision, le syndicat reproche à l’employeur de modifier unilatéralement la procédure du choix de travail effectué par les employés pour la liste générale en contraignant les employés à consulter les documents requis de manière virtuelle. Cette liste offre, une fois par année, la possibilité au chauffeur d’autobus de changer de centre de transport, en plus de pouvoir choisir ses vacances annuelles et ses jours fériés. Selon le syndicat, l’employeur aurait violé une lettre d’entente entre les parties prévoyant expressément la formation d’un comité consultatif sur le choix de travail par voie électronique. Le syndicat soulève subsidiairement l’usage abusif des droits de direction de l’employeur.
Chaque année, les chauffeurs étaient appelés dans une salle, par ordre d’ancienneté, pour faire leurs choix. Les offres et assignations étaient affichées et un délégué syndical était présent sur place pour pouvoir conseiller les employés. Toutefois, l’employeur a annoncé que dorénavant, il n’y aurait plus d’affichage sur papier. Les chauffeurs devront donc se rendre dans la salle où seront installés des terminaux ou bornes informatiques pour pouvoir consulter de manière virtuelle les informations qui étaient auparavant disponibles sur papier.
Le Tribunal doit donc répondre aux questions suivantes : la lettre d’entente entre les parties restreint-elle le droit de l’employeur de procéder à l’implantation d’un régime électronique de choix de travail ? Dans le cas contraire, est-ce que la décision de l’employeur constitue un exercice abusif et déraisonnable de son droit de gérance ou de direction ?
La lettre d’entente ne prévoit pas la manière et le support sur lequel l’affichage des listes d’affectation doit être effectué. Toutefois, celle-ci prévoit la consultation entre les parties afin de collaborer à l’implantation du système, ce que l’employeur invoque comme étant fait, avis partagé par le Tribunal. La première question doit recevoir une réponse négative.
De plus, la décision de l’employeur ne constitue pas un exercice abusif et déraisonnable de son droit de gérance ou de direction. Le fardeau de preuve incombant au syndicat, celui-ci ne s’en n’est pas acquitté. La décision de l’employeur d’implanter ces changements ne répond donc pas à la définition d’abus de droit.
Le grief est rejeté.
Syndicat des travailleuses et travailleurs des résidences et centres d’hébergement privés de la Montérégie – CSN et Résidence Salaberry, 2023 QCTA 429
Disponible sur SOQUIJ
La plaignante est préposée aux bénéficiaires à la Résidence Salaberry, résidence pour personnes âgées. En janvier 2021, une éclosion de plusieurs cas de COVID-19 a lieu à la résidence et la plaignante ne se présente pas pour ses quarts de travail du 7, 8 et 9 janvier 2021. Effectivement, celle-ci attend le résultat de son test de dépistage, comme demandé par les directives gouvernementales. La plaignante ne s’est toutefois pas présentée au travail le 10 janvier, suivant la réception de son résultat négatif. L’employeur procède donc à son congédiement en raison de ses absences.
Le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas commis de faute en ne se présentant pas au travail. En effet, il est non contesté qu’un salarié peut s’absenter du travail sans en avoir avisé son employeur pour motif valable. En l’espèce, la personne qui effectue le test de dépistage mentionne à la plaignante de rester en isolement jusqu’à la réception de son résultat négatif, et ce, suivant les directives de la Santé publique. De plus, la plaignante a avisé la directrice générale, qu’elle serait absente du travail tant qu’elle n’aurait pas reçu le résultat.
Le congédiement était donc une mesure exagérée. Toutefois, le fait que la plaignante se soit absentée du travail le 10 janvier 2021 après avoir appris que son test était négatif commande nécessairement une sanction plus légère selon le Tribunal.
Finalement, la question de savoir si l’employeur devait prendre en considération le certificat médical de la plaignante dans la décision d’une mesure disciplinaire doit recevoir une réponse positive par le Tribunal. En effet, l’employeur a congédié la plaignante avant même de recevoir le certificat médical de celle-ci. Puisque le Tribunal conclut que la salariée n’a pas commis de faute, la deuxième conclusion sur la procédure n’a pas à être traitée.
Le grief est accueilli.
D. et Commission scolaire Lester-B.-Pearson, 2023 QCTAT 3461
Décision disponible ici : <https://canlii.ca/t/jzght>
La travailleuse est enseignante en soins de santé pour l’employeur, la Commission scolaire Lester-B.-Pearson. Le 4 août 2020, elle dépose une réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et la sécurité du travail (ci-après « CNESST ») pour lésion professionnelle. En effet, celle-ci ne peut plus bouger son bras en raison de douleurs à l’épaule gauche, qui, selon elle, sont attribuables à son poste de travail mal adapté. En effet, depuis la déclaration d’urgence sanitaire en mars 2020, la travailleuse devait travailler à partir d’un poste de travail non adapté à son domicile. La CNESST refuse la réclamation de la travailleuse et donc, celle-ci conteste la décision devant le Tribunal administratif du travail.
La présomption de l’article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après « Latmp ») facilitant la démonstration que le travailleur est victime d’une lésion professionnelle ne trouve pas application en l’espèce selon le Tribunal. La travailleuse n’était pas au travail lors de l’apparition de la blessure. En effet, les douleurs sont apparues au réveil de la travailleuse et non pas lorsqu’elle effectuait sa prestation de travail. Pour satisfaire le Tribunal, la travailleuse devait donc prouver qu’elle avait subi un accident du travail suivant la définition prévue à l’article 2 de la Latmp, c’est-à-dire « un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail et qui entraine pour elle une lésion professionnelle ».
Le Tribunal doit donc décider s’il existe une relation médicale en un événement imprévu et soudain ainsi que l’apparition d’une tendinopathie avec bursite chronique de la coiffe des rotateurs. Bien que cette situation puisse s’apparenter à un événement imprévu et soudain, la preuve ne permet pas de reconnaitre de relation entre le diagnostic retenu ainsi que l’événement imprévu et soudain. Le tribunal déclare alors que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle et donc, que celle-ci n’a pas droit aux prestations prévues dans la Latmp.
La contestation de la travailleuse est rejetée.
POLICIERS ET POLICIÈRES
Commissaire à la déontologie policière c. Denis, 2023 QCCDP 35
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jwv1k>
Dans la présente affaire, le Comité à la déontologie policière doit sanctionner un policier qui a dérogé à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec, pour avoir fouillé le plaignant sans droit lors d’une détention pour fin d’enquête, à la suite d’une demande d’assistance auprès d’un suspect de vol de véhicules. Dans son jugement sur le fond, le Comité a conclu que la détention pour fin d’enquête et le menottage du plaignant étaient justifiés compte tenu des circonstances de l’intervention et de la réaction de celui-ci. En revanche, en procédant à la fouille sommaire, à la recherche d’objets pouvant servir à voler l’intérieur d’un véhicule alors que sa collègue s’était préalablement assurée que les véhicules du périmètre n’avaient pas été l’objet, le Comité a jugé que l’agent cité s’est placé au-dessus de l’autorité de la loi et des tribunaux.
Le tribunal souligne que les circonstances de la fouille se trouvent au bas de l’échelle de la gravité. Il est d’avis que le policier n’a pas agi avec malice, que la fouille a été peu envahissante, brève et qu’elle s’est exécutée de façon respectueuse. Le Comité retient les arguments de la partie policière et considère qu’en l’espèce une sanction d’un blâme correspond tant aux objectifs d’imposition de la sanction qu’à la gravité du comportement dérogatoire.
Un blâme est imposé pour avoir dérogé à l’article 7 du Code.
ARTISTES
Union des artistes (UDA), 2023 QCTAT 4508
Décision disponible ici : < https://canlii.ca/t/k0p2f>
L’Union des artistes (ci-après « UDA ») demande au Tribunal de la reconnaitre pour représenter le secteur de négociation incluant « tous les coordonnateurs d’intimité œuvrant dans le domaine du film, à l’exclusion des personnes occupant cette fonction dans le cadre d’une production faite et exécutée en anglais et destinée principalement à un public de langue anglaise ». Au moment du dépôt de sa demande, aucune autre association ne représente ce secteur de négociation. Il est donc question de déterminer si l’UDA constitue l’association la plus représentative des artistes visés par le secteur concerné.
L’UDA est une association reconnue en vertu de la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d’art et de la scène (ci-après « LSA »). Elle est donc soumise aux conditions prévues aux articles 9, 10 et 11 de la LSA afin d’obtenir la reconnaissance du Tribunal. Entre autres, l’association, ici, l’UDA, doit être un syndicat professionnel ou une association en plus d’être la plus représentative des artistes du secteur précis. L’association doit aussi adopter des règlements qui établissent certaines conditions,
L’article 16 de la LSA prévoit aussi qu’un avis de l’intention de l’association de procéder à la détermination de la représentativité doit être publié dans deux quotidiens au Québec, ce à quoi l’Association s’est conformée en publiant ledit avis dans Le Devoir et The Gazette en date du 30 juin 2023.
En l’espèce, le Tribunal arrive à la conclusion que l’UDA constitue l’association la plus représentative du secteur de négociation préalablement mentionné et lui accorde la reconnaissance demandée. Justement, plusieurs éléments indiquaient que l’UDA satisfaisait le critère de la représentativité, notamment puisqu’aucune autre association ne représente ce secteur de négociation et, puisque l’UDA compte parmi ses membres des coordonnateurs d’intimé ayant travaillé sur une cinquantaine de productions depuis les dernières années.
La demande est accordée.
SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
Levac c. R., 2023 QCCA 1090
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jzz7g>
L’appelant se pourvoit contre le verdict l’ayant déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles sur la plaignante, madame K.K. Au moment des évènements, l’appelant était policier dans la localité de Kangirsuk. L’accusation résulte d’un usage de la force à la suite d’une arrestation. La Cour est donc appelée à déterminer si le juge de première instance a erré en concluant que l’appelant ne pouvait bénéficier de l’immunité prévue à l’article 25 du Code criminel.
Avant l’intervention policière qui fait l’objet du pourvoi, l’appelant a reçu un appel de la plaignante afin d’obtenir de l’assistance policière pour expulser de son domicile sa sœur, fortement intoxiquée. Il accepte d’aller la rencontrer tout en lui mentionnant qu’il allait profiter de l’occasion pour lui parler d’un autre dossier dans lequel elle est suspecte de communications harcelantes ayant eu lieu quelques jours avant, selon la plainte au dossier. Sur les lieux, l’appelant est entré dans la maison de K.K. et s’est approché de celle-ci pour lui manifester son intention de l’arrêter. Frustrée par cette intervention la plaignante a lancé des manteaux au sol, ce que l’appelant a interprété comme une résistance à son arrestation. À la vue de ce geste, il est intervenu pour amener la plaignante au sol. Tout en ayant un genou dans son dos, il l’a menotté et arrêté pour avoir résisté à son arrestation. Suivant cette intervention, la plaignante a subi une blessure à son bras.
Selon la Cour, même si l’on peut convenir de l’intérêt des policiers de prendre contact avec la plaignante pour s’assurer de sa sécurité et de la fin des troubles occasionnés par sa sœur, l’intervention, quant à elle, ne pouvait servir de prétexte pour arrêter l’occupante d’une maison d’habitation pour un crime prétendument commis, plusieurs jours plus tôt. La présence des policiers s’est faite sans mandat d’entrée alors qu’il n’existait aucun indice objectivement identifiable suggérant une situation susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des occupants, compte tenu du départ de la sœur de K.K. et que les policiers étaient au courant de ce fait. En l’absence de toute urgence, l’appelant n’avait pas le droit de pénétrer dans le domicile de la plaignante, sans l’obtention préalable d’un mandat. En l’espèce, les conditions d’application de l’article 25 du Code criminel sont manquantes. Par conséquent, l’appelant n’était pas légalement autorisé à agir et il ne détenait aucun motif raisonnable et probable pour procéder à l’arrestation de la plaignante, madame K.K. L’intervention illégale de l’appelant a causé des lésions corporelles.
La Cour d’appel est d’avis que la preuve autorisait le juge d’instance à conclure à la commission de l’infraction de voies de fait causant des lésions.
L’appel est rejeté.
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