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Veille juridique du 4 octobre 2022

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Whissell c. Tribunal administratif du travail du Québec, 2022 QCCS 1113

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jnjlr>

La travailleuse chute au travail. Selon les médecins, les blessures proviennent d’un accident de voiture antérieur. Après avoir épuisé tous ses recours auprès de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), elle dépose une demande à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) qui la refuse au motif qu’elle est hors délai. Le Tribunal administratif du travail (TAT) refuse de relever la travailleuse de cette omission, en l’absence de motif raisonnable. La travailleuse dépose un pourvoi en contrôle judiciaire alléguant le caractère déraisonnable de cette décision du TAT.

Le juge de la Cour supérieure mentionne que cette décision est en effet déraisonnable, car elle omet de considérer certaines contraintes juridiques et factuelles déterminantes, à savoir l’objet de la loi et l’incidence de la décision sur la travailleuse.

D’abord, la Cour est d’avis que la décision ne tient pas compte de l’objet de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), qui est l’indemnisation : « Pour être qualifiée de raisonnable, l’analyse doit tenir compte de l’intention du législateur ».  De plus, la Cour souligne que la décision du TAT se démarque de décisions internes du TAT.

Ensuite, le juge précise que, bénéficiant d’un pouvoir discrétionnaire dans le contexte d’un régime public d’indemnisation, le TAT doit procéder à une interprétation large et libérale de ses règles en vue d’assurer l’accomplissement de son objet. En l’espèce, la décision du TAT a pour effet de priver indéfiniment la travailleuse de toute indemnisation. Ainsi, le juge de la Cour supérieure mentionne que:

[46] Dans ce contexte et analysée dans son ensemble, la décision dépasse le périmètre décisionnel administratif limité notamment par une logique favorisant d’indemnisation. Elle est en conséquence déraisonnable.

Par conséquent, le pourvoi en contrôle judiciaire est accueilli.

 

 

Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3647 et Municipalité régionale de comté des Appalaches (Jacinthe Bélanger et un autre), 2022 QCTA 388

Disponible sur Soquij.

Deux travailleurs n’ont pas travaillé le nombre d’heures prévues à leur semaine normale de travail au cours des deux semaines précédant les jours fériés du temps des Fêtes. L’employeur prétend que ses droits de direction lui permettent de s’inspirer de l’article 62 de la Loi sur les normes du travail (LNT) pour justifier de leur payer les jours fériés au proratadu salaire gagné au cours des quatre semaines précédentes.

L’arbitre mentionne que la disposition de la convention collective en cause est claire et ne requiert par d’interprétation : le terme « payé » contenu dans la mention « jour férié et payé » équivaut à l’obtention de sa rémunération en fonction des taux fixés par la convention collective. De plus, non seulement la convention est silencieuse quant à la formule de paiement utilisée par l’employeur, mais elle offre une rémunération plus avantageuse que la LNT. Par conséquent, les droits de direction de l’employeur doivent s’exercer en conformité de la convention collective. L’employeur devait alors verser leur salaire basé sur leur semaine normale de travail.

Le Tribunal accueille le grief.

 

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

Lauzon et Ville de Mirabel, 2022 QCTAT 4384

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/js6qv>

Le travailleur subit une entorse à la cheville droite due à une chute dans le stationnement glacé de son employeur et ce, quelques minutes avant le début de son quart de travail. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) refuse la réclamation du travailleur qui conteste cette décision devant le Tribunal administratif du travail (TAT).

Le juge administratif détermine que la preuve prépondérante, dont les éléments contemporains corroborent le témoignage du travailleur, suffit à établir qu’il a subi un accident du travail survenant à l’occasion de son travail. Par ailleurs, le juge rejette l’argument de l’employeur à l’effet que l’arrivée hâtive du travailleur pour se vêtir de son uniforme complet fait partie de sa sphère d’activité personnelle.

La contestation du travailleur est accueillie.

Félicitations à Me Béatrice Proulx pour son travail dans ce dossier !

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Rien à signaler.

 

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Chartrand c. Ville de Sainte-Thérèse, 2022 QCTAT 4287

Disponible : <https://canlii.ca/t/js33s>

L’employeur congédie le salarié, qui occupe la fonction de président syndical de sa section locale depuis 1998, à la suite d’une suspension administrative avec solde. Pour les motifs énoncés ci-dessous, le syndicat dépose une plainte en vertu de l’article 15 du Code du travail ainsi qu’une plainte en vertu de l’article 12 du Code du travail.

    1. La plainte en vertu de l’article 15 du Code du travail

Premièrement, l’employeur suspend le salarié au motif qu’il a violé une clause de confidentialité contenue à une entente impliquant les mêmes parties. Toutefois, le juge administratif considère que le fait que le salarié ait mentionné qu’il avait gagné un grief antérieur similaire, sans mention de son contenu, ne viole pas la clause de confidentialité. Pour en venir à cette conclusion, le juge s’appuie sur l’immunité relative reconnue aux personnes qui exercent des fonctions syndicales, sur le fait qu’il bénéficie d’une grande liberté d’expression et d’action et sur le fait qu’il soit normal que le salarié s’appuie sur des règlements précédents pour tenter d’influencer les représentants de l’employeur. L’employeur n’a pas le droit d’empêcher le salarié de représenter ses membres pour une problématique similaire. Subsidiairement, le juge évoque le délai excessif et injustifié de cin1 (5) mois entre le manquement allégué et l’imposition de la suspension par l’employeur.

Deuxièmement, l’employeur suspend le salarié en raison d’un échange de courriels indigne. Le juge estime que le courriel irrespectueux ne justifie pas la suspension octroyée, considérant l’immunité reconnue aux personnes qui exercent des fonctions syndicales. Par conséquent, l’employeur ne peut se transformer en censeur et imposer au salarié les expressions ou les mots qu’il entend utiliser dans ses courriels aux représentants de l’employeur à titre de président du syndicat.

Troisièmement, l’employeur congédie le salarié pour des demandes de libérations syndicales qu’il estime frauduleuses. Le juge considère que le congédiement du salarié repose sur une interprétation des dispositions pertinentes de la convention collective sur les libérations syndicales. Les libérations syndicales ne peuvent servir d’un motif de congédiement lorsqu’il existe un débat d’interprétation entre les parties sur lesdites libérations syndicales. Ce débat d’interprétation peut se régler en marge de comités de relations de travail et non par la voie disciplinaire. Le juge détermine que le statut du salarié en tant que président syndical ne peut constituer un facteur aggravant dans un tel contexte. Le juge conclut que l’employeur a échoué à prouver une autre cause juste et suffisante sur laquelle reposerait le congédiement.

Par conséquent, le juge considère que les motifs allégués constituent des prétextes et que les mesures disciplinaires ont été imposées en raison des fonctions syndicales du salarié.

    1. La plainte en vertu de l’article 12 du Code du travail

Le syndicat parvient à démontrer le comportement antisyndical de l’employeur qui cherche à entraver ses activités pour les raisons suivantes :

[103] La Ville cherche à s’immiscer dans la gestion des activités syndicales en contrôlant la manière dont le plaignant communique avec les représentants du service d’incendie, en voulant contrôler les arguments avancés par ce dernier afin de faire valoir son point et en contrôlant, sans demander d’explication et sans requérir la tenue d’un comité de relations du travail, la manière dont la banque d’heures pour libérations syndicales est utilisée.

[104] De plus, en mettant fin à l’emploi du président du syndicat, alors qu’une nouvelle organisation du travail est à mettre en place à la suite d’une longue période de négociation et ayant nécessité la nomination d’un conseil de règlement des différends, le syndicat se retrouve avec une diminution de ses ressources vis-à-vis la charge de travail à accomplir. Il en est nécessairement affaibli et cela compromet l’équilibre nécessaire entre les parties dans le cadre des relations de travail.

Les deux plaintes déposées par le syndicat en vertu des articles 15 et 12 du Code du travail sont accueillies.

Félicitations à Me Julien David Hobson pour son travail dans ce dossier !

 

 

Association des pompiers et pompières de Gatineau c. Ville de Gatineau, 2022 CanLII 87765 (QC SAT)

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/js3dm>

Le syndicat dépose un grief pour contester la réintégration tardive du salarié en date du 29 janvier 2021. Il est d’avis que la réintégration au travail au terme de l’invalidité devait avoir lieu plutôt le 15 janvier 2021 avec la rémunération habituelle afférente. Dans les faits, le 13 janvier, le médecin traitant émet un billet médical pour autoriser le retour au travail à compter du 15 janvier suivant. Or, l’employeur ne permet pas ce retour à la date indiquée au motif que le billet médical n’est pas suffisamment clair et décide d’attendre les conclusions de son médecin expert. Il ne verse pas de rémunération durant ces journées. Le 18 janvier 2021, le médecin expert communique à l’employeur son rapport d’expertise, lequel est d’accord avec le retour au travail du salarié pourvu que les limitations fonctionnelles soient respectées.

L’arbitre conclut que le billet médical du médecin traitant comporte effectivement des ambiguïtés puisqu’il ne répond pas à toutes les questions qui se posent. Notamment, le médecin ne se prononce pas sur la nature du retour au travail, à savoir à temps complet ou en retour progressif. Il y a également absence de mention quant aux limitations fonctionnelles. L’employeur était donc en droit de ne pas réintégrer le salarié au 15 janvier 2021. Toutefois, la preuve démontre que la conduite de l’employeur a été déraisonnable à compter de la réception du rapport d’expertise le 18 janvier 2021. Le délai de dix jours entre cette réception et la réintégration avec la rémunération afférente est déraisonnable. Ce faisant, le salarié était apte à revenir au travail le 19 janvier 2021 et il a droit à la rémunération à compter de cette date.

Le grief est partiellement accueilli.

 

 


 

ARTISTES

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

Mentor c. R., 2022 QCCA 1270

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/js14p>

Dans cette affaire, l’appelant a été reconnu coupable sous un (1) chef d’accusation d’agression sexuelle et il s’est vu imposer une peine d’emprisonnement de 30 mois. Alors qu’il se trouvait dans une fête, l’appelant a eu trois relations sexuelles avec une amie, la plaignante, alors que celle-ci était dans un état d’intoxication avancé.  La Cour rejette tous les moyens d’appel de l’appelant et confirme la peine d’incarcération imposée par la juge du procès.

L’appelant prétend d’abord que la juge a omis de tenir compte de son témoignage quant à la preuve de l’absence de consentement subjectif. Sur ce moyen d’appel, la Cour conclut que les motifs fournis par la juge sur l’absence de consentement à l’étape de l’actus reus, pris dans leur contexte et dans leur ensemble, sont intelligibles et ne recèlent aucune erreur révisable. Bien que la juge ne se soit pas demandé si le comportement attribué à la plaignante pouvait susciter un doute raisonnable quant à l’absence de consentement à l’étape de l’actus reus, la preuve examinée globalement ne laisse aucun doute raisonnable quant à l’absence de consentement subjectif. La plaignante n’avait pas la capacité de consentir aux activités.

Ensuite, l’appelant prétend que la juge aurait commis une erreur en affirmant que le consentement doit être extériorisé. Même si la Cour convient qu’à l’étape de l’actus reus, la communication ou l’extériorisation du consentement n’est pas une exigence requise, l’erreur de droit commise par la juge ne cause aucun tort important à l’appelant, pas plus qu’elle ne constitue une erreur judiciaire grave au sens du sous alinéa 686 (1)b)(iii) C.cr.

Quant aux moyens d’appel visant la peine, l’appelant soutient que la juge aurait commis une erreur de principe en reconnaissant à titre de circonstance aggravante l’abus de la confiance de la plaignante au sens du sous-alinéa 718.2 a) (iii) C.cr, alors que la relation entre celle-ci et l’appelant était de nature amicale. Selon l’appelant : « Interpréter cette disposition législative comme visant toute relation amicale lui conférerait une portée trop large et brouillerait la nécessaire distinction entre des infractions au sujet desquelles le délinquant profite de la vulnérabilité d’une personne et celles relevant d’une relation amicale d’égal à égal ». La Cour d’appel n’est pas de cet avis : l’acception de l’abus de confiance retenue par le plus haut tribunal du pays est large et n’impose aucun rapport de dépendance ou relation de fiduciaire. C’est le contexte qui détermine s’il y a eu abus de confiance selon la preuve administrée devant le juge au procès. En l’espèce, selon la Cour, la juge n’a commis aucune erreur en retenant cette circonstance aggravante :

[99]      On peut certes affirmer sans se tromper que la plaignante était dans une situation de confiance par rapport à l’appelant lorsqu’elle décide d’aller s’étendre sur le canapé au début de la nuit du 24 janvier 2016. Amis depuis plusieurs années, la plaignante avait catégoriquement tracé la ligne à ne pas franchir dans cette relation d’amitié : elle ne voulait pas, malgré l’insistance de l’appelant, avoir de rapports sexuels avec lui, ayant en outre toujours repoussé ses avances. La soirée du 23 janvier 2013 n’avait rien changé à cette volonté clairement exprimée par la plaignante. L’appelant le savait. Il connaissait également l’état de santé de la plaignante et sa vulnérabilité du moment, elle qui était sous médication et qui avait pris la décision de quitter son emploi pour aller se ressourcer pendant quelques mois dans un autre pays. La plaignante n’avait donc aucune raison de se méfier de son ami.

[100]    Or, au mépris de cette volonté et de cette vulnérabilité, l’appelant agresse sexuellement la plaignante à trois reprises au cours de cette nuit du 24 janvier 2016. Il a donc tiré profit de cette confiance et en a abusé, il n’y a pas d’autres mots pour décrire la situation.

Finalement, la Cour juge que la peine d’incarcération de 30 mois n’est pas manifestement non indiquée.

Appel de la déclaration de culpabilité rejeté. Appel de la peine rejeté.