PAR MILIA LANGEVIN, technicienne juridique et ME GENESIS R. DIAZ
SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
J.A.F-R et Frimasco inc., TAT, 2 août 2023, (déc. Julie Ladouceur)
Décision disponible ici
Le plaignant occupe l’emploi de charpentier-menuisier pour l’entreprise Frimasco inc. (ci-après désigné comme « l’Employeur »), lorsqu’il pose le pied sur des débris situés au sol et s’inflige une blessure au genou gauche reconnue par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après, la Commission) comme étant une lésion professionnelle.
Dans les faits, une divergence d’opinions subsiste entre le docteur désigné par l’Employeur et le professionnel de la santé qui a charge. Le Bureau d’évaluation médicale conclut finalement que le diagnostic à retenir est celui proposé par le professionnel de l’Employeur, soit, « entorse bénigne sans instabilité au compartiment médian du genou gauche ». Le travailleur ne remet pas en cause ce diagnostic, mais demande que le diagnostic qu’il soumet plus haut ait été rendu symptomatique ou aggravé par l’évènement à l’origine de la lésion professionnelle.
Le travailleur réclame maintenant à ce que le diagnostic d’aggravation d’une déchirure du ménisque interne du genou gauche soit reconnu comme étant en relation avec la lésion professionnelle avec une atteinte permanente de 3% et des limitations fonctionnelles. Ce sont les questions auxquelles le Tribunal devra répondre.
Le Tribunal accorde une valeur prépondérante à l’opinion du docteur de l’Employeur, puisqu’elle est appuyée sur la preuve factuelle et médicale administrée. Pour ces motifs, il conclut que le diagnostic de déchirure du ménisque interne du genou gauche n’est donc pas aggravé ou devenu symptomatique par le fait accident et donc, il n’y a pas lieu de se prononcer sur les séquelles fonctionnelles.
La contestation du travailleur est rejetée.
Le cabinet RBD représentait le demandeur dans ce dossier.
CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal et Bouchard, 2023 QCTA 212
Décision disponible sur SOQUIJ
La plainte déposée par la plaignante, une directrice des soins infirmiers dans un centre hospitalier, à l’encontre de son congédiement est précédemment accueillie par le présent Tribunal. En effet, celui-ci a déclaré que la décision de l’employeur de congédier la plaignante ne respectait pas les exigences de la bonne foi et de l’équité prévues au Code civil du Québec et qu’elle était abusive et déraisonnable.
Au terme de cette décision arbitrale, les parties ne sont pas parvenues à s’entendre sur le quantum des dommages, notamment en ce qui a trait aux pertes de rémunération, à l’indemnité de fin d’emploi, aux dommages moraux et aux honoraires extrajudiciaires.
Ayant mandaté une firme d’expert-comptable pour effectuer le rapport d’expertise concernant les pertes de rémunération, l’arbitre adhère à la conclusion que les pertes totales nettes s’élèvent à 157 481$.
La plaignante demande une indemnité de fin d’emploi de douze (12) mois pour compenser la perte de son salaire. L’employeur s’y oppose puisqu’il soutient que la plaignante a refusé un emploi équivalent à celui qu’elle occupait avant son congédiement. L’arbitre conclut que l’offre d’emploi de l’employeur n’était pas une mesure réparatrice appropriée, toutefois, une indemnité équivalente à quatre (4) mois est suffisante. Un montant de 57 121$ est accordé.
Le Tribunal accorde 10 000$ à la plaignante pour des dommages moraux, cette dernière alléguant avoir subi un choc nerveux en raison de son congédiement. Il refuse cependant d’accorder une indemnité qui compenserait les honoraires extrajudiciaires puisque le Règlement prévoit explicitement que « chaque partie doit assumer ses propres frais » et qu’il n’y a aucune preuve d’abus de procédure en l’espèce.
L’indemnité totale accordée à la plaignante s’élève à 210 320$.
POLICIERS ET POLICIÈRES
L. et M. c. Hillinger, CQ, 500-80-044015-239, 20 juillet 2023, (déc. Éric Couture, J.C.Q.)
Décision disponible ici
Les appelants sont des membres du Service de police de la Ville de Montréal ayant été reconnu coupables par le Comité de déontologie policière (ci-après, le Comité) d’avoir dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québecpour avoir posé des actes fondés sur la race, l’origine ethnique, la couleur et/ou le sexe. Les policiers reçoivent respectivement des suspensions sans traitement de dix (10) et quinze (15) jours.
À la suite de ces décisions sur culpabilité et sanction, les policiers appelants produisent une déclaration d’appel à la Cour du Québec. En réponse à cette demande, la Commissaire à la déontologie policière (ci-après, la Commissaire), dépose une demande en rejet d’appel.
Essentiellement, les policiers soumettent que le Comité aurait commis 23 erreurs dans sa décision de première instance.
La Commissaire, pour sa part, suggère que l’appel est voué à l’échec et abusif puisque chaque moyen d’appel présenté n’a pas de chance raisonnable de succès.
Le Tribunal conclut que bien qu’il soit d’avis que la déclaration d’appel souffre, de manière générale, d’un manque de précision et de détails, plusieurs des moyens soulevés étant vagues, génériques et/ou abstraits, ceci ne fait pas en sorte que la demande d’appel n’a pas de chance de réussite et soit vouée à l’échec.
Pour ces motifs, le Tribunal ne peut pas, à ce stade des procédures, conclure que la déclaration d’appel est dilatoire et qu’elle n’a aucune chance raisonnable de succès. La demande en rejet d’appel est donc rejetée.
Le cabinet RBD représentait les appelants dans ce dossier.
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
G. et Ambulances Demers inc., 2023 QCTAT 2744
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jxswq>
La plaignante occupe l’emploi de technicienne ambulancière chez l’employeur lorsqu’elle subit un accident du travail résultant en une entorse et une contusion aux rhomboïdes et au grand dorsal droit. Alors qu’elle se trouvait dans le véhicule ambulancier, une patiente lui donne un coup de pied au thorax qui la fait atterrir dans les armoires en métal de l’ambulance.
Dans les mois qui suivent l’accident, la professionnelle de la santé qui a charge de la plaignante pose les diagnostics de syndrome de stress post-traumatique avec anxiété et de trouble de panique. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après, la Commission) refuse toutefois de reconnaitre la relation entre ces diagnostics et le fait accidentel.
Le Tribunal conclut que la preuve factuelle prépondérante démontre l’existence d’une relation causale entre la manifestation de la condition psychologique de la travailleuse dans les jours qui suivent l’évènement à l’origine de l’accident de travail. Les diagnostics de syndrome de stress post-traumatique avec anxiété et de trouble panique sont donc une conséquence de l’accident de travail.
Pour ces motifs, la contestation de la travailleuse est accueillie.
POMPIERS ET POMPIÈRES
Syndicat des pompiers et pompières du Québec, section locale Morin-Heights, TA, 28 juillet 2023, (déc. Me André G. Lavoie)
Décision disponible ici
Le Syndicat conteste par grief les décisions de l’employeur de procéder à la suspension et au congédiement d’un salarié. De plus, la partie syndicale soulève un moyen préliminaire à l’arbitrage quant au respect de la procédure disciplinaire, comme prescrit aux termes de la convention collective. En effet, il est reconnu par les parties que les délais prescrits aux articles 7.01 et 7.02 de la convention collective applicable n’ont pas été respectés par l’employeur au moment d’imposer les mesures disciplinaires au plaignant.
Le Tribunal doit donc décider si le non-respect par l’employeur des délais prévus à la convention collective pour procéder à la comparution disciplinaire du salarié et pour l’informer de son congédiement rend le processus disciplinaire ainsi que les mesures disciplinaires imposées invalides.
Le syndicat est d’avis que les articles en litiges sont des conditions de fond qui établissent les obligations de l’employeur en matière disciplinaire. Ainsi, le non-respect des délais entrainerait l’annulation ab initio des mesures imposées.
Le Tribunal est d’avis qu’en l’absence de stipulation expresse, le contexte et la portée des articles 7.01 et 7.02 de la convention collective ne permettent pas de dégager une intention des parties de convenir qu’il s’agit de délais de rigueur. Également, rien dans la preuve ne permet de conclure que les retards ont eu pour effet de priver le plaignant de déposer, en temps utile, les griefs contestant les mesures imposées par l’employeur ou de le priver d’une défense pleine et entière ou même de son droit d’être entendu.
Pour ces motifs, le moyen préliminaire de la partie syndicale est rejeté.
Le cabinet RBD représentait le Syndicat dans ce dossier.
ARTISTES
Rien à signaler.
SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
Côté c. R., 2023 QCCA 988
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jzf7l>
Dans cette affaire, l’appelant se pourvoit à l’encontre d’un jugement interlocutoire refusant à son avocat une demande de réouverture d’enquête au stade de la détermination de la peine pour établir l’existence de motifs raisonnables de croire que l’aptitude de son client était en jeu. L’appelant a été condamné à une peine de cinq ans d’emprisonnement.
La Cour estime que les motifs invoqués par la juge de première instance, dont l’absence de mandat donné à l’avocat de la défense pour formuler cette demande, ne s’avèrent pas fondés. La Cour n’est pas d’avis que la jurisprudence reconnait le droit à un accusé, au stade de la peine, d’avoir accès au régime prévu à la partie XX.1 « Des troubles mentaux », du Code criminel. Toutefois, si un juge de la Cour du Québec possède des motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant l’état mental du délinquant est nécessaire pour déterminer son aptitude à recevoir une peine, les articles 721 et 723 du Code lui confèrent le droit de requérir un rapport comportant un volet principal sur son état de santé mental de la nature d’une évaluation psychiatrique. Cette approche assure la protection des droits fondamentaux d’un inculpé atteint de troubles mentaux au stade de la détermination de la peine.
En l’espèce, le tribunal aurait dû rouvrir l’enquête pour permettre une audition formelle afin de vérifier les allégations du procureur de la défense relatives à l’inaptitude de son client. On ne s’attend pas d’un inculpé inapte qu’il soit capable de communiquer efficacement avec son avocat aux fins de lui confier un mandat de cette nature. L’obligation impartie d’un juge de voir au respect des droits fondamentaux de l’appelant rendait inutile de s’interroger sur le mandat donné à son avocat, la question de l’inaptitude pouvant être soulevée d’office.
L’appel est accueilli en partie. La Cour annule la peine d’emprisonnement de cinq ans et ordonne le retour du dossier en première instance pour que soit déterminée l’aptitude de l’appelant à recevoir sa peine.
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