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Veille juridique du 8 janvier 2019

DROIT DU TRAVAIL – GÉNÉRAL

Syndicat des travailleuses et travailleurs du CIUSSS du Centre- Ouest-de-l’Île-de-Montréal – CSN et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal (Centre Miriam) (Lawrence Dudevoir) 2018 QCTA 641

https://www.canlii.org/fr/qc/qcsat/doc/2018/2018canlii107607/2018canlii107607.pdf

L’employeur pouvait-il, en décembre 2015, mettre fin à l’emploi du plaignant pour avoir omis de l’informer, lors de son embauche en juillet 2008, posséder un casier judiciaire à la suite d’un plaidoyer de culpabilité́, deux ans plus tôt, à une accusation d’importation de cocaïne ?

Depuis plusieurs années, le plaignant exerce la fonction d’auxiliaire aux services de santé et sociaux (ASSS), un équivalent de préposé aux bénéficiaires, mais exerçant à l’extérieur du centre hospitalier. Le 16 novembre 2015, la responsable des ressources humaines du centre hospitalier reçoit une lettre anonyme par laquelle l’employeur apprend que le plaignant possède un casier judiciaire. À la relecture du formulaire d’embauche, l’employeur se rend compte que la section sur les antécédents criminels n’a jamais été remplie par le plaignant. Celui-ci explique que c’est son agent de probation qui lui a conseillé de ne pas remplir la section et d’ainsi expliquer sa situation lors d’une entrevue formelle. Or, la question ne lui a jamais été posée jusqu’à la réception de la lettre anonyme. Dès le 27 novembre, le plaignant se voit imposer une suspension sans solde pour fins d’enquête et subira un congédiement définitif le 14 décembre 2015.

Le tribunal d’arbitrage en arrive à la conclusion que l’employeur n’a pas fait la preuve du lien entre l’emploi de préposé aux bénéficiaires et l’infraction criminelle, soit l’importation de cocaïne. Ainsi, la Charte québécoise doit recevoir pleine application et l’employeur ne pouvait congédier un salarié pour le seul motif que celui-ci possède un casier judiciaire.

Il est à noter que les évènements dataient de plus de dix ans et qu’il n’y a pas eu de récidive de la part du salarié. Le milieu de travail n’est pas favorable à une quelconque récidive. Finalement, le tribunal ne retient pas l’argument patronal selon lequel un centre hospitalier qui dessert une population vulnérable puisse échapper à l’application de la Charte puisque le centre doit préserver la confiance du public. Bien qu’il est vrai que la confiance du public pèse dans la balance des éléments à considérer, encore faut-il pouvoir rattacher la perte de confiance à l’acte criminel lui-même, et non transposer de manière générale les stigmates associés aux antécédents criminels.

Le tribunal d’arbitrage impose la réintégration du salarié.

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Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec c. Procureure générale du Québec  2018 QCCA 2161
https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2018/2018qcca2161/2018qcca2161.pdf

Le syndicat se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure, rendu le 3 mai 2017, lequel rejette le pourvoi en contrôle judiciaire d’une décision du Tribunal administratif du travail (« TAT ») selon laquelle une grève, devant débuter le 3 juin 2016 au ministère des Relations internationales et de la Francophonie (« MRIF ») et impliquant 151 salariés représentés par le Syndicat des professionnelles et professionnels du Gouvernement du Québec (« l’appelant »), était illégale.

Le 24 mai 2016, l’appelant signifie à l’employeur un avis d’une grève d’une durée illimitée devant débuter le 3 juin suivant et ciblant uniquement les bureaux, délégations et antennes du MRIF et n’impliquant que les 151 professionnels qui y travaillent. En ce sens, le syndicat laisse une grève partielle. Le TAT en arrive à la conclusion que le Code du travail, notamment pas son article 109.01, ne permet pas au syndicat d’agir de la sorte puisque l’accréditation syndicale unique englobe les 17 000 professionnels.

Malgré les développements récents en droit du travail qui ont cristallisé le droit de grève en tant que droit fondamental (Arrêt Saskatchewan), il n’en demeure pas moins pour la Cour d’appel que le droit de grève n’est pas absolu. En présence d’une seule unité d’accréditation, l’avis de grève devait comprendre l’ensemble des travailleurs sans quoi, celle-ci devenait illégale. De plus, la Cour d’appel rejette l’argument selon lequel chaque ministère doit être considéré comme un « établissement » distinct au sens du Code du travail.

Dans cette optique, le tribunal décide que le TAT a rendu une décision raisonnable et qu’ainsi la cour supérieure devait rejeter le pourvoi en contrôle judiciaire.

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Ghantous et Para-Net Buanderie & Nettoyage à sec inc. 2018 QCTAT 5569

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2018/2018qctat5569/2018qctat5569.pdf

Par une décision du 20 décembre 2017, la Commission ( «CNESST» ) confirme la décision qu’elle a rendue le 31 juillet 2017 et déclare que la travailleuse n’est pas admissible au programme Pour une maternité́ sans danger (PMSD) et qu’elle n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

La travailleuse est préposée à la buanderie chez l’employeur. Elle est congédiée le 15 avril 2016. Elle dépose une plainte pour congédiement illégal en vertu de l’article 122 de la Loi sur les normes du travail. Vers le 1er mai 2016, la travailleuse apprend qu’elle est enceinte. Elle accouche le 17 janvier 2017.  Le 12 mai 2017, le Tribunal entérine une entente intervenue entre l’employeur et la travailleuse par laquelle il est convenu que l’employeur réintègre la travailleuse dans tous ses droits et privilèges et que le service continu sera reconnu depuis le 20 avril 2016 et que la fin d’emploi du 15 avril 2016 est annulée. Par conséquent, la plaignante est considérée être au travail en mai 2016 lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte. En raison des tâches qu’elle exerce, il est certain que la plaignante aurait eu droit au retrait préventif. Or, dans les faits, à cette époque, madame Ghantous est congédiée et n’a donc aucun employeur. Ce faisant, elle ne fera pas de demande à la CNESST et ne produira pas le certificat médical requis par le programme Pour une maternité sans danger.

Le tribunal détermine qu’il était impossible pour la plaignante de déposer un certificat médical avant son accouchement en raison de la situation particulière liée à son congédiement. Quoiqu’il soit peu commun d’accepter une réclamation concernant un retrait préventif déposée postérieurement à l’accouchement, la plaignante respectait les conditions d’ouverture au programme et se doit d’être indemnisée. Le tribunal fait droit à la demande de la travailleuse.

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POLICIERS

Fraternité des policiers de Laval et Ville de Laval (François Gélinas)  2018 QCTA 637

https://documents.soquij.qc.ca/resultatFormat.aspx?sGUID=af189274-c5fc-45e8-8dfd-0d7756349a8f

Dans cette affaire, l’arbitre Pierre Fageole doit analyser le comportement d’un policier vis-à-vis l’utilisation d’un système de « Chat » disponible à partir de terminaux véhiculaires. L’employeur reproche à l’agent Gélinas l’utilisation répétitive de sacres ainsi que d’avoir dénigrer l’employeur et ses représentants lors de communication avec d’autres policiers. Le policier se verra donc imposer une suspension sans solde de trois jours. Le tribunal d’arbitrage est saisi d’un grief qui conteste la suspension. L’arbitre résume le tout ainsi :

[6] On y constate d’abord que le plaignant pimente une bonne partie de ses messages d’une abondante quantité de sacres qu’il ne m’apparait pas utile de citer. Je me contenterai de dire que la liturgie et les objets du culte de la religion catholique y font très bonne figure. Le lecteur comprendra.

[7] En outre, le document comprend un certain nombre de messages qui sont qualifiés par la Ville d’impolitesse ou de manque de respect envers l’état-major ou encore, envers les citoyens de la Ville.

Le policier reconnaît d’emblée avoir tenu de tels propos. Il s’agit plutôt de la proportionnalité de la sanction qui est remise en question par la partie syndicale. L’arbitre donne raison à l’employeur. Selon Me Flageole, un policier ne peut pas manquer de respect à ses supérieurs ou des citoyens sur le système de « chat ». La liberté d’expression ne protège pas le salarié dans ce cas précis.

La décision analyse aussi l’état de la jurisprudence concernant l’utilisation marquée de sacres. Alors que le syndicat y voit un « tic verbal », le tribunal s’inspire de plusieurs décisions en déontologie policière afin de qualifier l’acte de sacrer comme étant un manquement disciplinaire.

[64] Au contraire, j’ai plutôt lu plusieurs décisions où le fait pour un policier de sacrer était sanctionné par le Comité de déontologie policière. Il est vrai que dans les décisions du Comité, il s’agit de cas où le policier sacre lors d’une intervention auprès d’un citoyen, ce qui n’est pas le cas du plaignant. Je suis tout de même d’avis que le plaignant, qui a assaisonné ses écrits au moyen d’une bonne partie de l’appareil liturgique, doit être sanctionné de la même manière.

L’arbitre rejette le grief et confirme la suspension imposée.

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POMPIERS

Rien à signaler.

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PARAMÉDICS

Rien à signaler.

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ARTISTES

Syndicat des communications de Radio-Canada (SCRC-FNC/CSN) et Société Radio-Canada 2018 CanLII 122776 (QC SAT)

https://www.canlii.org/fr/qc/qcsat/doc/2018/2018canlii122776/2018canlii122776.pdf

Le présent arbitrage intervient dans un milieu spécialisé, soit celui de la production télévisuelle. Mme Beaudoin est une employée temporaire et a travaillé comme maquilleuse du mois de juillet 2005 jusqu’à son congédiement, le 19 septembre 2009. L’Employeur invoque que la plaignante a manqué à son obligation de civilité, le 11 juillet, à l’occasion des épreuves de natation qui étaient produites en direct de l’île Ste-Hélène. À plus fortes raisons, le choix du congédiement est tributaire d’une longue liste de sanctions disciplinaires à l’endroit de la salariée.

Le 11 juillet 2009, la plaignante, en retard au point de rencontre, manque le véhicule devant la transporter de la tour de Radio-Canada à l’île Ste-Hélène. Refusant de prendre son propre véhicule, l’employeur lui demande de prendre un taxi. Dès son arrivée, et malgré son retard, la travailleuse manque de civilité en démontrant de l’agressivité envers la coiffeuse avec qui elle devait partager un espace commun. Cependant, ce n’est que lorsqu’elle termine ses tâches et quitte sa tente que les choses vont dégénérer.

En sortant à l’extérieur de la tente pendant une forte pluie, le parapluie de la plaignante se brise – celle-ci se trouve alors trempée. Elle ira donc exiger de manière agressive un chandail promotionnel à M. Veillette, le réalisateur-coordonnateur de l’événement. Cet échange aura lieu dans le « mobile » de production pendant une séance de direct. M. Veillette est à ce moment débordé en raison d’une panne dû aux intempéries.

Le tribunal retient la version de l’employeur. Pour l’arbitre, la présence de la plaignante dans un endroit où elle ne devait pas se trouver jumelée à la crise agressive de celle-ci constitue une faute devant être sanctionnée. Qui plus est, le tribunal considère que la plaignante ne s’est jamais repentie d’autant plus que c’est ce même genre de comportement qui a mené à l’imposition de sanctions disciplinaires successives et répétitives. En ce sens, l’employeur a respecté la progression des sanctions.

L’employeur était justifié de mettre fin à l’emploi de Mme Beaudoin.

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DROIT CRIMINEL – GÉNÉRAL

Pronovost c. R. 2018 QCCA 2212

https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2018/2018qcca2212/2018qcca2212.pdf

Le 18 avril 2015 à 2 h 44, deux policiers de la Sûreté du Québec interceptent le véhicule de l’appelant afin de vérifier si son état lui permet de conduire, car sa conduite erratique éveille leurs soupçons. Les policiers demandent à l’appelant de souffler dans l’appareil de détection approuvé. Il échoue. Les policiers l’arrêtent et l’avisent de ses droits. L’appelant est conduit au poste de police où il fournit deux échantillons de son haleine. Le premier est prélevé à 3h23 et révèle un taux d’alcoolémie de 103 milligrammes par 100 millilitres de sang. Le second est prélevé à 3 h 41 et indique la présence de 95 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang.

L’appelant, âgé de 18 ans, est alors titulaire d’un permis de conduire probatoire. Les policiers lui remettent un constat d’infraction en vertu du paragraphe 1 du premier alinéa de l’article 202.2 du Code de la sécurité routière (C.s.r.). Cette disposition interdit au titulaire d’un tel permis de conduire un véhicule routier s’il y a présence d’alcool dans son organisme. L’appelant est ensuite libéré pour comparaître par voie de sommation. Le 27 avril 2015, l’appelant paie l’amende indiquée dans le constat d’infraction. Il est, en conséquence, réputé avoir plaidé coupable à l’infraction prévue par l’article 202.2 C.s.r.

Le 16 juin 2015, des accusations de conduite alors que sa capacité de conduire était affaiblie par l’alcool et de conduite alors que son taux d’alcoolémie dépasse la limite de 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang sont portées contre l’appelant. Puisqu’il a reconnu sa culpabilité à l’égard de l’infraction au C.s.r, celui-ci considère qu’il ne peut être ni jugé ni puni pour une autre infraction concernant les mêmes faits. En ce sens, l’appelant prétend qu’il est jugé deux fois pour les mêmes faits (Res Judicata). La Cour du Québec donne raison à l’appelant sur ce moyen préliminaire. Toutefois, la Cour supérieure infirme le jugement d’où l’intervention de la Cour d’appel dans le dossier.

Pour la Cour d’appel, la règle fondée sur la res judicata vise l’interdiction des déclarations de culpabilité multiples. Elle interdit qu’un accusé soit déclaré coupable de deux infractions lorsque celles-ci comportent des éléments déterminants qui se recoupent et qu’elles visent, dans les faits, un comportement répréhensible essentiellement identique. La res judicata n’empêche toutefois pas que deux verdicts de culpabilité soient prononcés à l’égard d’un seul fait si les infractions reprochées sont essentiellement différentes.

[27] L’infraction pénale prévue à l’article 202.2 C.s.r. n’est pas une manifestation particulière de l’infraction criminelle décrite à l’alinéa 253(1)b) C.cr. et l’élément constitutif de la première infraction ne fait pas partie de la seconde. En effet, conduire avec « quelque présence d’alcool » dans l’organisme n’implique pas que la personne conduise avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite de 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang fixée par l’alinéa 253(1)b) C.cr. Une personne titulaire d’un permis de conduire probatoire qui conduit avec une alcoolémie inférieure à 80 milligrames d’alcool par 100 millilitres de sang contrevient au Code de la sécurité routière, qui prescrit la tolérance zéro en matière d’alcool au volant, mais cette personne ne commet pas l’infraction criminelle prévue à l’alinéa 253 (1)b) C.cr.

[28] La règle interdisant les déclarations de culpabilité multiples ne peut s’appliquer comme la juge de la Cour du Québec l’a décidé dans notre dossier. On peut contrevenir à l’article 202.2 C.s.r. sans engager sa responsabilité criminelle selon l’alinéa 253(1)b) C.cr.

L’appelant devra donc subir son procès en ce qui concerne l’infraction criminelle.

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