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Veille juridique du 8 juin 2021

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

Lecours et Aide et support aux ainés, 2021 QCTAT 1709

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2021/2021qctat1709/2021qctat1709.pdf

La travailleuse, une aide familiale dans une entreprise offrant des services d’aide et de support à domicile pour les aînés, se blesse au dos en 2005. Elle subit une rechute en 2011, laquelle est consolidée en 2013, et en 2015 il y a détérioration de son état. Elle se rend à Cuba en 2015 puis encore en 2016 afin de se faire traiter.

Les rechutes de 2015 et 2016 sont refusées par la CNESST, ce qui est confirmé en révision administrative. La rechute de 2015 est toutefois reconnue par le Tribunal administratif du travail dans une décision de 2017. Le Tribunal reconnait une hernie discale L4-L5 et renvoi le dossier à la CNESST.

Celle-ci demande un suivi médical à la travailleuse, ce qui n’est pas fait puisque l’accès à son médecin de famille s’avère difficile depuis qu’elle habite en Nouvelle-Écosse. À cause de ce défaut, la CNESST suspend le versement de son indemnité de remplacement du revenu. Le versement reprend toutefois lorsque son suivi médical est assuré. La CNESST conclut à une atteinte permanente de 7.20%.

La travailleuse demande d’annuler la suspension du versement de son indemnité, le remboursement des frais encourus lors son séjour à Cuba et elle demande de retenir les conclusions de son médecin quant à son atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles.

Le Tribunal considère que la travailleuse a fourni les renseignements qu’elle avait et que son contexte particulier expliquait pourquoi elle ne pouvait en fournir plus. La preuve ne permet pas de conclure que la travailleuse a refusé ou négligé de fournir les informations demandées. Dans les circonstances, il n’aurait pas dû y avoir suspension du paiement de l’indemnité de remplacement de revenu. La travailleuse a droit à ces versements.

Selon l’article 188 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, un travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à l’assistance médicale requise par son état. Le Tribunal refuse d’emblée sa réclamation quant à sa seconde chirurgie puisqu’aucune lésion professionnelle n’a été reconnue à cette date.

Quant à sa première chirurgie à Cuba, la travailleuse a agi de sa propre initiative. Les soins ne sont ni prescrits ni autorisés par un médecin. De plus, la chirurgie en question est un soin offert dans les hôpitaux canadiens, et au Québec particulièrement. Devant une telle situation, il n’est pas possible de rembourser à la travailleuse plus que le montant établi par la RAMQ. Seuls les services médicaux peuvent être remboursés, ce qui exclut donc les services hospitaliers. Le montant exact doit être déterminé par la CNESST directement.

Bien que l’article 115 de la même loi autorise le remboursement des frais de déplacement et de séjour, ça ne peut être autorisé en l’espèce. L’article 3 du Règlement sur les frais de déplacement et de séjour ne le permet pas. Le choix de se faire soigner à l’extérieur doit être assumé par la travailleuse.

Quant à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles, le Tribunal se fit à l’article 5 du Règlement sur le barème des dommages corporels pour conclure à une atteinte permanente de 7.20%, ce qui correspond à une indemnité pour préjudice corporel de 5 484.97$ plus intérêts.

La preuve démontre également que la travailleuse n’a plus la capacité d’exercer l’emploi convenable déterminé, soit gérante de commerce.

La demande est accueillie en partie.

 

 

Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec inc. c. Agence du revenu du Québec, 2021 QCTAT 2252

https://canlii.ca/t/jfw8p 

Depuis plusieurs années, l’Employeur transmet au Syndicat les renseignements personnels des salariés, ce qui inclut notamment le numéro d’assurance sociale (NAS). Au printemps 2020, l’Employeur a arrêté de transmettre le NAS au Syndicat, mais il a continué de transmettre les autres informations.

Le Syndicat prétend que cette omission de l’Employeur constitue une entrave à ses activités et dépose une plainte en vertu de l’article 12 du Code du travail. Il désire qu’il soit ordonné à l’Employeur de transmettre cette information. L’Employeur prétend quant à lui que le Tribunal n’a pas compétence, que ce serait plutôt à la Commission d’accès à l’information d’en juger, et que ça ne constitue pas une entrave aux activités syndicales.

Le Tribunal conclut qu’il a bel et bien compétence pour entendre l’affaire. En effet, il croit qu’il s’agit avant tout d’une question de relations du travail. Un tel litige est séparé de la question de la conformité à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

La transmission du NAS était autrefois prévue dans la convention collective. Cette obligation est disparue en 2003, mais une disposition transitoire le prévoyait toujours. Cette disposition transitoire n’apparait pas dans la convention collective de 2015. Malgré cela, l’Employeur a continué de le transmettre, puis a arrêté le 4 mai 2020. L’Employeur explique qu’il avait le souci de respecter la protection de ce renseignement personnel et que sa transmission au Syndicat ne satisfaisait pas le critère de nécessité. Sans le consentement clair des salariés, il ne pouvait continuer de transmettre le NAS au Syndicat.

Le Syndicat démontre en preuve que son système informatique utilise le NAS afin de bien identifier chacun des salariés. Les données ne peuvent être mises à jour depuis que l’Employeur a cessé de transmettre ce renseignement. Il serait possible pour le Syndicat de reconfigurer son système afin d’exclure le NAS, mais une refonte en profondeur serait nécessaire. Le Syndicat ne souhaite pas avoir à le faire.

Il ressort de la preuve que, bien que cette information ne fût pas essentielle aux activités du Syndicat, l’Employeur n’a pas donné de préavis raisonnable au Syndicat pour modifier la configuration de son système informatique. L’avis transmis à l’hiver 2020 par l’Employeur était loin d’être assez, surtout qu’il ne contenait aucun échéancier des intentions de l’Employeur.

Le Tribunal conclut que l’entrave de l’Employeur réside dans le manque de préavis raisonnable et non dans l’arrêt de transmission du NAS. Le Syndicat ne possède pas de droit strict de réception de cette information à chaque période de paie.

Le Tribunal ordonne à l’Employeur de produire une mise à jour rétroactive des listes transmises au Syndicat afin d’inclure le NAS. Le NAS devra continuer d’être transmis à chacune des périodes de paie pour une période de 12 mois, soit un délai étant considéré comme suffisant pour la reconfiguration du système informatique du Syndicat.  

La plainte est accueillie en partie

 

 

Syndicat national des employés de garage du Québec inc. et Duval Mercedes-Benz (Jean-Sébastien Roy), 2021 QCTA 253
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/727AC125134233AA836D5811661FEB1B?source=EXPTRAV

L’Employeur a mis fin à l’emploi du salarié, invoquant une disposition de la convention collective indiquant qu’une absence de plus de trois jours sans raison valable justifie un congédiement.

Cette décision est contestée par le Syndicat, lequel prétend que l’Employeur aurait dû tenir compte de la condition médicale du salarié expliquant sa difficulté à respecter la remise des papiers médicaux. Ces papiers ayant été reçus après le congédiement, l’Employeur aurait dû réviser sa décision.

Le salarié s’est absenté du travail d’août 2017 jusqu’à son congédiement en septembre 2018. Certains billets médicaux sont transmis à l’Employeur pendant cette période, et en juin 2018 l’Employeur en demande un autre pour justifier sa prolongation d’absence. Le salarié omet de fournir quelque document médical, malgré les chances additionnelles données par l’Employeur jusqu’en septembre 2018. Une lettre de congédiement est transmise le 27 septembre 2018.

Le Tribunal considère qu’une fois qu’il est établi qu’il a eu absence sans motif, c’est au salarié de démontrer pourquoi il lui était impossible d’agir. Toutefois, il ressort de la preuve que le salarié a travaillé à rénover sa maison pendant plusieurs mois de son absence, qu’il a essayé d’acquérir des entreprises afin de changer de travail, et il reconnait même qu’il n’avait plus l’intention de retourner chez l’Employeur en 2018. Le salarié n’avait pas d’empressement à fournir des billets médicaux à l’Employeur. Il avait la capacité de communiquer et de s’expliquer à l’Employeur, mais il ne l’a pas fait.

Le Tribunal considère qu’il n’a pas à évaluer si la remise tardive de documents peut constituer une raison valable pour modifier la décision de l’Employeur. Ainsi, la décision n’était ni abusive ni arbitraire.

Le grief est rejeté.

 

 

Luccock c. KLF Media inc., 2021 QCTAT 2350

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2021/2021qctat2350/2021qctat2350.pdf

La plaignante conteste un congédiement en représailles de ses droits en vertu de l’article 122 de la Loi sur les normes du travail (LNT) et se plaint que ce congédiement ne fait pas l’objet d’une cause juste et suffisante au sens de l’article 124 de la même loi. La plaignante s’est absentée pour un congé de maternité et un congé parental, mais n’est pas retournée travailler par la suite vu les modifications unilatérales et substantielles à ses tâches et conditions de travail. L’employeur prétend qu’il s’agit plutôt d’un licenciement.

L’article 123.4 de la LNT établit une présomption en faveur du salarié lorsqu’il y a concomitance entre une mesure ou sanction et l’exercice d’un droit prévu par la LNT. Il y a clairement concomitance en l’espèce, permettant l’application de cette présomption pour la plaignante. Sa situation répond également aux conditions imposées par l’article 124 de la LNT, commandant ainsi l’employeur à faire la preuve d’une cause juste et suffisante.

Il ressort de la preuve que l’emploi que la plaignante occupait auparavant est toujours disponible à la fin de son congé parental. Elle souhaitait avoir une augmentation de salaire et une flexibilité de son horaire de travail, mais ses supérieurs ne pouvaient lui donner cela à ce moment-là. La plaignante confirme également pendant son témoignage qu’elle a accepté une autre offre d’emploi à sa date prévue de retour en emploi chez l’employeur.

La preuve ne démontre pas de congédiement. Il n’y a pas non plus de modification substantielle des conditions essentielles de son contrat de travail. La preuve démontre au contraire que l’employeur voulait la voir revenir au travail et qu’il considérait qu’elle occupait une place importante dans l’entreprise. Il ne pouvait cependant pas lui offrir l’avancement professionnel qu’elle recherchait à ce moment.

Les plaintes sont rejetées.

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Rien à signaler.

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Piché et Entreprises Y. Bouchard & Fils inc., 2021 QCTAT 2484

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2021/2021qctat2484/2021qctat2484.pdf

Le travailleur reçoit des injections de Cosentyx afin de traiter son psoriasis, mais ce médicament est également un agent immunomodulateur. Il est retiré du travail le 22 mars 2020 après qu’il a eu informé son employeur d’avoir une condition d’immunosuppression. Son médecin indique dans un certificat médical qu’il ne doit pas être en contact avec une clientèle atteinte de la COVID-19, recommandant ainsi une réaffectation si cela n’est pas possible.

Le travailleur fait une demande de retrait prévention à l’égard d’un contaminant. La CNESST refuse sa demande de retrait préventif pour motif que le travailleur ne présente pas de signes d’altération de son état de santé. La décision ayant été maintenue en révision administrative, le travailleur conteste devant le Tribunal administratif du travail.

Le certificat médical reçu du médecin du travailleur répond aux critères de l’article 33 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST). Le tribunal doit ensuite analyser si la situation du travailleur répond aux critères de l’article 32 LSST : (1) une exposition à un contaminant, (2) l’exposition à ce contaminant comporte des dangers pour le travailleur, et (3) la présence de signes d’altération de l’état de santé du travailleur.

Il est clairement établi que le virus de la COVID-19 constitue un micro-organisme. Cependant, la définition du terme « contaminant » à l’article 1 de la LSST nécessite que ce micro-organisme soit généré par un équipement, une machine, un procédé, un produit, une substance ou une matière dangereuse.

Or, tel n’est pas le cas. Il n’y a rien chez l’employeur qui ne génère le virus. Le législateur a voulu limiter les éléments pouvant constituer des contaminants à ceux résultant des opérations de l’employeur. La présence de la COVID-19 est toutefois complètement étrangère à ses activités. Les autres références à un contaminant dans la loi confirment cette interprétation.

Bien que la première condition pour le retrait préventif ne soit pas remplie, le Tribunal considère pertinent de poursuivre l’analyse quant au danger pour le travailleur. Afin d’évaluer la présence d’un danger, il faut analyser les probabilités que le risque se concrétise et devienne un danger portant atteinte à la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur.

Le Tribunal identifie le danger comme étant les conséquences graves à la suite de la contraction de la maladie, et non la contraction de la COVID-19 même. L’ensemble des différentes preuves médicales ne démontre pas que l’exposition au virus constitue un danger pour le travailleur. La preuve ayant évolué depuis le début de l’affaire et de la pandémie, le Tribunal se doit de prendre tout en compte et non seulement ce qui existait au moment de la demande de retrait préventif.

Le Tribunal décide de ne pas se prononcer quant à la présence de signes d’altération à l’état de santé du travailleur.

Le Tribunal maintient la décision de la CNESST, considérant qu’il n’y a ni présence d’un contaminant ni présence d’un danger justifiant un retrait préventif.

 

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Rien à signaler.

 


 

ARTISTES

Rien à signaler.

 

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

Lalande c. R., 2021 QCCA 915

https://canlii.ca/t/jg75w

Dans cet arrêt, l’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 24 avril 2020 par la Cour du Québec, le condamnant à une peine d’emprisonnement de 9 ans après qu’il eut plaidé coupable à un chef de voies de fait graves.

L’appelant soutient que le juge de première instance a commis une erreur de droit et de principe en insistant indûment sur les facteurs reliés aux objectifs de dissuasion générale et d’exemplarité au détriment des autres facteurs et en imposant une peine s’éloignant de manière marquée et substantielle des peines généralement infligées pour des crimes similaires à des délinquants qui ont essentiellement les mêmes caractéristiques que lui.

Les faits ayant donné lieu à cette affaire sont les suivants. L’appelant et la victime ont formé un couple pendant un peu plus de quatre ans. Peu de temps après leur rupture, l’appelant utilise une clé qu’il a toujours en sa possession pour pénétrer dans le domicile de la victime, autrefois leur domicile commun. Il la surprend en train de faire du ménage et une altercation éclate. Il l’asperge de poivre de Cayenne et lui assène dix-sept coups de couteau, dont certains sont portés à son cou. Elle survit, mais conserve des séquelles importantes de cette agression.

Plusieurs chefs d’accusation sont déposés contre l’appelant. Celui-ci plaide rapidement coupable à un chef de voies de fait graves et à un chef d’introduction par effraction dans une maison d’habitation. Un arrêt conditionnel des procédures est prononcé sur d’autres chefs d’accusation.

Dans l’un et l’autre de ces cas de figure, l’erreur devra toutefois avoir eu une influence sur la peine infligée pour justifier une intervention. Cela étant établi, l’appelant ne nous convainc pas que le juge, en l’espèce, a commis une telle erreur ou a imposé une peine manifestement non indiquée.

Les motifs du juge de première instance démontrent qu’il a bien identifié tant les facteurs aggravants que les facteurs atténuants. La Cour reconnaît qu’il a accordé un poids important à la violence de l’agression et à la sévérité des blessures qu’elle a entraînées, ainsi qu’au lien conjugal qui reliait l’appelant à la victime, mais elle ne peut dire que ce faisant, il n’a pas appliqué les bons principes ou n’a pas tenu compte des faits pertinents.

L’agression a effectivement été très violente. L’exposé conjoint des faits produit au dossier fait état que la victime a été atteinte par la lame d’un couteau au cou, au dos, aux doigts, à une cuisse et à un pied et qu’elle en gardera de nombreuses séquelles. La déclaration de celle-ci permet aussi de comprendre son traumatisme psychologique et les conséquences de celui-ci sur sa vie quotidienne.

L’appel est rejeté.