Dans quelles circonstances une enquête de harcèlement psychologique peut-elle devenir un abus d’autorité de la part de l’employeur et constituer du harcèlement psychologique à l’endroit de la personne visée par cette enquête?
Dans la décision Syndicat du personnel enseignant du campus de Saint-Lawrence et Cégep Champlain – St. Lawrence, 2024 QCTA 180 (arbitre Me Julie Blouin) – disponible sur SOQUIJ, les griefs déposés à l’encontre de l’Employeur pour harcèlement psychologique, conduite abusive et processus d’enquête vicié sont accueillis.
La plaignante, une enseignante au Cégep Saint-Lawrence (ci-après, « l’Employeur »), siège comme membre représentante des enseignants au Conseil d’établissement du Cégep. Des difficultés sont vécues dans les différents comités de gouvernance. Une firme externe ainsi que la Direction des enquêtes du ministère de l’Enseignement supérieur sont mandatées afin d’examiner les pratiques de gouvernance et le climat organisationnel.
Dans le cadre de ces enquêtes, la plaignante sera rencontrée à plusieurs reprises, et notamment à titre d’employée du Cégep à la suite d’une plainte de harcèlement psychologique et de « mobbing » du comité de direction à son endroit.
C’est dans ce contexte que la plaignante déposera trois (3) griefs. Le premier grief reproche à l’Employeur de ne pas lui fournir un milieu de travail sain et lui reproche d’exercer à son égard du harcèlement psychologique. Le deuxième grief dénonce le comportement abusif de l’Employeur en ce qui a trait à l’enquête. Finalement, le troisième grief conteste le processus d’enquête ainsi que les délais encourus et reproche à l’Employeur d’avoir entretenu le doute et la confusion à l’égard de la nature des plaintes portées à son endroit.
Le Tribunal conclut que l’enquête injustifiée lancée par l’Employeur relativement à la plaignante, de même que la manière abusive selon laquelle elle a été conduite, constitue une conduite grave et vexatoire qui a porté atteinte à sa dignité et à son intégrité et qui a suscité un milieu de travail néfaste pour elle.
En effet, il ressort de la preuve qu’aucune allégation précise ne visait la plaignante au moment du dépôt de la plainte en question de l’Employeur quant au harcèlement psychologique et au « mobbing ». En l’espèce, le Tribunal s’explique mal comment et pourquoi la plaignante a été identifiée comme présumée harceleuse, amorçant ainsi une enquête sans savoir précisément qui était à l’origine des reproches et quels étaient ces derniers.
Également, le Tribunal conclut que le mécanisme de plainte a été utilisé incorrectement, puisqu’en l’absence de plaintes officielles ou d’allégations sérieuses, le processus n’aurait pas dû être lancé et franchir le seuil de recevabilité.
Finalement, il ressort que l’employeur a commis un abus d’autorité en identifiant la plaignante comme présumée harceleuse et en permettant que l’enquête pour harcèlement soit menée. Le processus d’enquête est également jugé déraisonnable, la plaignante ayant été informée de la nature des accusations et de leur source qu’après deux mois (2) mois du début de l’enquête.
Pour ces motifs, les griefs sont accueillis.
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