Controverse jurisprudentielle concernant l’application des critères de l’arrêt Costco

29 octobre 2024

Dans l’arrêt Syndicat de l’enseignement de la région de la Mitis c. Centre de services scolaire des Monts-et-Marées, 2024 QCCA 1280 (J.C.A. Robert M. Mainville, Stéphane Sansfaçon et Sophie Lavallée), la Cour d’appel doit décider du bien-fondé d’un jugement de la Cour supérieure, qui rejette le pourvoi en contrôle judiciaire porté contre une sentence arbitrale ayant rejeté le grief contestant le renvoi d’une salariée.

Celle-ci est enseignante au primaire. Alors qu’elle s’occupe pour la première fois d’une classe intercycle de trois niveaux, composée d’élèves de quatrième, cinquième et sixième année, plusieurs problèmes surgissent. On lui reproche notamment de ne pas assurer un climat de classe propice à l’apprentissage, de ne pas utiliser les outils pédagogiques adéquats, de tenir des activités inappropriées en classe, de faire de l’intimidation à l’endroit de certains élèves et d’utiliser les réseaux sociaux à des fins personnelles pendant les heures de classe. Elle fait l’objet d’une suspension avec solde à compter du 22 février 2017. À la suite d’une enquête, elle est congédiée le 29 mars suivant.

L’arbitre rejette le grief contestant le congédiement. Il est d’avis que l’employeur a mis à la porte une employée incapable d’accomplir convenablement sa prestation de travail, et qu’il s’agit donc d’un congédiement administratif. Puisque le congédiement respectait les critères de l’arrêt Costco[1], le tribunal d’arbitrage le juge valide. Enfin, il déclare inadmissible en preuve un rapport d’expertise soumis par le Syndicat de l’enseignement de la région de la Mitis (ci-après, le « Syndicat »).

La Cour supérieure rejette le pourvoi en contrôle judiciaire de cette sentence arbitrale. Selon elle, les questions soulevées par le syndicat sont au cœur de la compétence d’un arbitre de griefs. La Cour conclut que les décisions de l’arbitre sur ces points sont raisonnables.

Le syndicat soutient que le jugement de la Cour supérieure doit être infirmé puisque la qualification du congédiement par l’arbitre était déraisonnable. Il reproche également à l’arbitre d’avoir conclu que le congédiement était valide et d’avoir déclaré irrecevable un rapport d’expertise.

D’abord, au sujet de la qualification de la mesure, le syndicat plaide que la mesure n’est pas purement administrative : elle serait de nature mixte, à la fois disciplinaire et administrative. Il juge que l’arbitre a excédé sa compétence en qualifiant erronément le congédiement de mesure administrative et en se méprenant, en conséquence, sur la portée de ses pouvoirs.

La Cour d’appel précise que les arbitres tranchent le plus souvent la question de la nature du congédiement en concluant qu’il est essentiellement de nature disciplinaire, ou à l’inverse, essentiellement de nature administrative. En l’espèce, bien que certains manquements puissent à l’origine être perçus comme de nature disciplinaire, la réaction de la salariée face aux reproches de l’employeur a dévié la qualification de la mesure. Il est apparu clair aux yeux de l’employeur que la salariée dénotait une incapacité à prendre conscience de ses lacunes et difficultés et qu’elle n’était pas en mesure d’améliorer de façon significative ses pratiques pédagogiques. Le processus de renvoi a pris une tournure non disciplinaire lorsque l’incapacité s’est ajoutée aux motifs de renvoi lors de la séance du conseil des commissaires du 28 mars 2017. La Cour d’appel conclut que la qualification du congédiement par l’arbitre fait partie du spectre des issues raisonnables. La Cour supérieure s’est bien dirigée en droit en rejetant les arguments du syndicat.

Ensuite, concernant la validité du congédiement, le syndicat plaide que l’employeur n’a pas respecté le cinquième critère de l’arrêt Costco. En effet, il prétend que la salariée n’a pas été prévenue du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part. À ce sujet, l’arbitre a considéré que l’enseignante devait forcément savoir que le défaut d’amélioration pouvait mener à sa fin d’emploi. Ce faisant, le congédiement ne pouvait être invalidé pour ce motif. L’arbitre souscrit au courant arbitral selon lequel les critères énoncés dans l’arrêt Costco doivent servir comme guide pour évaluer la conduite de l’employeur et doivent ainsi être analysés de manière globale et contextuelle.

Le syndicat reproche à l’arbitre de s’être écarté du courant arbitral majoritaire suivant lequel les critères de l’arrêt Costco sont des conditions obligatoires de validité de la mesure administrative. Or, tel que le souligne la Cour d’appel, le fait que l’arbitre s’écarte de ce courant majoritaire ne rend pas sa sentence déraisonnable. En effet, la Cour déjà statué qu’une controverse jurisprudentielle ne constitue pas en soi un motif d’intervention judiciaire[2].

Finalement, la Cour d’appel rejette la prétention du syndicat selon laquelle la décision de l’arbitre de refuser de recevoir en preuve le rapport d’expertise d’une orthopédagogue, et ce, malgré sa pertinence, allait à l’encontre de la règle audi alteram partem.

L’appel est rejeté.

Text

Notes de bas de page

[1]

Costco Wholesale Canada Ltd. c. Laplante2005 QCCA 788.

[2]

Commission scolaire Kativik c. Association des employés du Nord québécois, 2019 QCCA 961.

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