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Crise sanitaire du COVID-19 : un nouveau regard sur la LSST ?

Me Julien David Hobson

Depuis le début de la crise sanitaire actuelle, les médias ont beaucoup insisté sur la lutte féroce que se livrent les états pour sécuriser l’approvisionnement d’équipements de protection individuelle. Ils ont aussi rapporté les difficultés des différents acteurs à s’approvisionner en solutions hydroalcooliques et en masques de protection.

La crise sanitaire actuelle a fait exploser la demande de moyens de protection divers et la possibilité d’une pénurie a été évoquée à plusieurs reprises par les autorités.

Dans ce contexte, plusieurs ordres professionnels œuvrant dans le milieu de la santé ont émis un énoncé de position en lien avec une pénurie d’équipements de protection individuelle pendant la crise sanitaire COVID-19.

Cet énoncé affirme qu’en situation de pandémie et de pénurie d’équipements de protection individuelle, les soignants ne sont pas obligés par leurs codes de déontologie de prendre le risque d’une contamination pour intervenir auprès d’un patient susceptible de transmettre le COVID-19[1].

À la lumière de cet énoncé, la question qui peut maintenant se poser est la suivant :

Est-ce que les principes qui se dégagent de l’énoncé sont transposables aux obligations de l’employeur et des travailleurs en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST)?

D’abord, il est important de souligner que les ordres professionnels qui sont à l’origine de l’énoncé de position se prononcent sur les obligations déontologiques de leurs membres dans un contexte de protection du public.

Nécessairement, ils sont bien placés pour identifier les risques et dangers d’un travail étant donné qu’ils bénéficient d’une vision globale d’une profession.

Toutefois, l’énoncé n’a pas pour objectif de se prononcer sur les obligations de leurs membres en lien avec leurs contrats de travail ni celles qui leur incombent en vertu de la LSST.

Ainsi, les principes qui se dégagent de l’énoncé ne peuvent pas directement être transposés au contexte de la LSST.

Il faut se rappeler que les obligations inhérentes à la LSST demeurent les mêmes. Ces obligations sont les suivantes :

Elles reposent en premier lieu sur les épaules de l’employeur. L’employeur doit fournir un milieu de travail sain et sans danger pour la santé et la sécurité des travailleurs. Ses obligations sont prévues à l’article 51 de la LSST. En tout temps, l’employeur doit être proactif pour éliminer les dangers. Si l’employeur est incapable d’éliminer à la source les dangers du milieu du travail, il doit mettre à la disposition des travailleurs des équipements de protection individuels ou collectifs[2].

Les obligations qui incombent aux travailleurs sont quant à elles énumérées à l’article 49 de la LSST. Notamment, Ils doivent collaborer avec l’employeur pour assurer leur sécurité et celles de leurs collègues, ils participent à l’identification des risques et dangers, ils prennent les moyens nécessaires pour se protéger et évidement, ils portent les équipements de protection fourni par l’employeur.

La pénurie de moyens de protection appréhendée ne permet pas de conclure par automatisme qu’un employeur ne respecte pas ses obligations prévues à la LSST ou qu’un travailleur est justifié d’exercer un droit de refus. Ces éléments relèvent de la compétence exclusive de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) qui examine chaque situation au cas par cas.

Tout dépend du milieu de travail, des circonstances, de la science et des normes de santé publique. Le risque de contamination au COVID-19 est nécessairement plus élevé en certains milieux que d’autres.

En somme, en matière de santé et sécurité au travail, il incombe strictement à la CNESST d’évaluer les risques et dangers en fonction de données objectives. La CNESST doit s’assurer que l’employeur a respecté les règles de l’art en semblable matière et qu’il a fait tout ce qui est humainement logique et raisonnable de faire. Il s’agit là d’une obligation de moyen et non de résultat[3].  

En conclusion, une pénurie de moyens de protection entraîne nécessairement des changements dans l’organisation et les méthodes de travail pour minimiser les risques auxquels les travailleurs font face.

Or, pour l’instant, ces changements continuent à être évalués au cas par cas par la LSST pour chaque milieu de travail en fonction de données objectives et des obligations prévues par la Loi.

Chose certaine, la crise sanitaire actuelle soulève plusieurs questions qui, on peut l’espérer, entraîneront des modifications législatives permettant à l’État et aux employeurs d’améliorer les façons de faire afin d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs et de la population en contexte de crise.

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[1] Disponible en ligne : http://www.cmq.org/publications-pdf/p-1-2020-04-23-fr-penurie-d-equipements-de-protection-individuelle-pendant-la-pandemie-de-covid-19-enonce-de-position.pdf?t=1587686400040

 

[2] Hotel-Dieu de Montréal et Syndicat National des employés de l’Hôtel-Dieu (17 avril 1990) C.A.L.P (Me Réal Brassard)

 

[3] Association accréditée SPGQ et CNESST, 2020 QCTAT 1789