Dans la sentence arbitrale Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec inc. (APIGQ) et Gouvernement du Québec (Direction des relations professionnelles et de la négociation du Secrétariat du Conseil du trésor et al., 2024 QCTA 306, (a. Valérie Korozs), il est question d’abus de droit de l’employeur dans la mise en place des obligations négociées dans une convention collective. Effectivement, les parties ont convenu que la notion de semaine de travail régulière passera de 35 à 37.5 heures par semaine. Les salariés en poste pourront alors choisir de passer au nouvel horaire ou conserver l’ancienne formule. Les salariés optant pour la nouvelle formule bénéficieront d’une majoration de leur échelle salariale de 1 %.
Constatant que l’employeur n’a pas respecté ses obligations en termes de majoration des salaires, le syndicat dépose des griefs collectifs. Selon la prétention de l’employeur quant au fond de l’affaire, des obstacles de programmation l’ont empêché de s’acquitter de ses obligations.
Au début de l’audience, l’employeur oppose deux moyens préliminaires. Selon sa prétention, les remèdes recherchés par le syndicat dans la rédaction des griefs n’incluent pas de dommages pour le syndicat à titre d’agent négociateur. De plus, l’employeur s’oppose aux dommages-intérêts réclamés qui seraient en contravention avec une clause négociée dans la convention collective qui interdit à un arbitre d’octroyer des dommages-intérêts.
D’abord, le Tribunal rejette la prétention de l’employeur quant à la portée des griefs. Il rappelle que lors de l’analyse des remèdes recherchés, il ne faut pas s’en tenir au sens strict des termes utilisés dans la rédaction des griefs. Il faut plutôt se concentrer sur la recherche de l’intention du plaignant et faire primer celle-ci sur le texte même. Le Tribunal conclut que les remèdes concernant des dommages pour le syndicat s’inscrivent dans une suite logique de la mésentente et ne constituent pas un amendement illégal au grief.
Par la suite, le Tribunal conclut qu’il a compétence afin d’octroyer des dommages-intérêts dans les circonstances de ce dossier. Effectivement, la clause prévue dans la convention collective n’est pas applicable en présence d’un abus de droit qui concerne des dispositions d’ordre public.
Sur le fond de l’affaire, le Tribunal conclut que l’employeur n’a pas agi de façon prudente et diligente afin de remplir ses obligations. Il y a eu un abus de droit de la part de celui-ci. Effectivement, l’employeur prend des engagements sans pour autant s’assurer du réalisme de ceux-ci. Les enjeux de programmation étaient prévisibles et l’estimation du délai de paiement a été faite à l’aveuglette sans prendre en compte la complexité des opérations reliées à la paye à mettre en œuvre dans les circonstances.
Les griefs sont accueillis. Le Tribunal ordonne le paiement aux salariés des intérêts et de l’indemnité additionnelle sur les sommes payées en retard.
Le Tribunal ordonne également le paiement au syndicat la somme de 5024, 41$ à titre de dommages compensatoires et de 10 000$ à titre de dommages moraux. L’arbitre conclut en effet que le syndicat a dû porter le fardeau de gérer la saga des systèmes informatiques auprès des salariés concernés, bien qu’évidemment, il n’ait aucun contrôle sur la situation, et ce, considérant que le gouvernement s’en est remis au syndicat pour prendre en charge les communications avec les salariés pour les tenir informés de la situation et afin de tenter de réduire les mécontentements. Ces responsabilités incombaient pourtant à l’employeur. Le syndicat a dû combler le vide en consacrant temps et argent. Les membres se sont sentis floués par la situation et les plaintes ont afflué à l’encontre du syndicat en raison de la violation de la convention collective par l’employeur.
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