La décision FIQ – Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches c. Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches, 2024 QCTAT 1680 concerne une plainte pour entraves aux activités syndicales en raison de l’interprétation erronée de la clause d’urgence contenue aux listes de services essentiels approuvées par le Tribunal administratif du Travail (ci-après, TAT) et du non-respect des horaires de grève en vigueur pour certains jours de grève dans divers établissements du Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches (ci-après, CISSS). Le CISSS a donc empêché certains de ses salariés d’exercer leur droit de grève. En raison de cette entrave, le syndicat réclame des dommages moraux et punitifs.
Les salariés représentés, le personnel en soins infirmiers et cardio-respiratoires, rendent des services essentiels à la population. Ainsi, le 16 juin 2023, le TAT approuve une entente intervenue entre les parties et déclare suffisants la liste des services prévus à la liste des services essentiels à maintenir pendant la grève. En cas de situation urgente, la décision précise que le syndicat doit fournir sans délai, à la demande de l’employeur, les personnes salariées nécessaires pour y faire face.
Des difficultés surviennent pendant les premières journées de grève dans trois établissements du CISSS.
Au niveau de la Centrale info-santé, l’employeur invoque un manque de personnel et ampute sans autre avis, l’horaire de grève de certains salariés. Alors que la durée de grève était de trois heures, le temps de grève est réduit par l’employeur à deux heures ou une heure trente selon les salariés. Par crainte de représailles, les salariés obtempèrent. Des situations similaires se répètent à l’Hôpital de Montmagny et l’Hôpital Hôtel-Dieu de Lévis sur des séquences de grève ayant eu lieu les 8 et 9 novembre 2023 et les 23 et 24 novembre 2023. Lors de l’audience relative à la deuxième séquence de grève, le Tribunal conclut que l’employeur a enfreint la décision du Tribunal relative à la première séquence de grève en empêchant les salariées d’exercer leur droit de grève en faisant défaut de démontrer une situation d’urgence mettant en cause la santé ou la sécurité du public.
Le Tribunal souligne les nombreuses répercussions que les restrictions imposées à l’exercice de la grève ont causées. En effet, la crédibilité du syndicat a été ébranlée du fait que certains salariés ont douté du pouvoir syndical à faire respecter les ententes.
En ce qui concerne la première séquence de grève des 8 et 9 novembre 2023, le TAT n’octroie pas de dommages considérant les circonstances. Le TAT retient que ce sont des gestionnaires inquiets et inexpérimentés qui ont empêché certains salariés d’exercer leur droit de grève sans discussion avec les représentants syndicaux. Il s’agit d’une grande imprudence, mais cette entrave ne justifie pas l’octroi de dommages moraux ou punitifs. De plus, les parties ont pu éclaircir la portée de leur entente de services essentiels grâce à la requête du syndicat visant le respect de ladite entente.
Le TAT raisonne différemment en ce qui concerne la deuxième séquence de grève. Bien que le CISSS avait reconnu que le manque de personnel ou l’augmentation du nombre de patients ne fait pas automatiquement naître une situation d’urgence et que son interprétation de la clause d’urgence était erronée, le CISSS répète le même comportement que lors de la première séquence de grève. L’atteinte à la réputation et à la crédibilité du syndicat a donc été prouvée.
Le Tribunal retient par ailleurs que le CISSS exploite des établissements publics au nom de l’État et a de ce fait, un devoir d’exemplarité en matière de respect des lois, et tout particulièrement, de respect des droits fondamentaux, tel que le droit de grève.
Le TAT accueille les plaintes du syndicat, constate que l’employeur a entravé les activités du syndicat, ordonne à l’employeur de cesser de s’ingérer ou d’entraver les activités du syndicat, ordonne le paiement de 5000$ à titre de dommages moraux dans l’objectif de compenser l’atteinte subie, notamment l’atteinte à la crédibilité et à la réputation du syndicat. De plus, des dommages punitifs d’un montant de 10 000$ sont donc octroyés dans les circonstances de la deuxième séquence de grève afin de dissuader la répétition d’un tel comportement.
Text