Dans la décision Syndicat des travailleuses et travailleurs de Safran – CSN c. Safran Systèmes d’atterrissage Canada inc., 2024 QCTAT 4588, (j.a. Erick Waddell), le Tribunal administratif du travail est saisi de plaintes en vertu des articles 12, 14 et 15 du Code du travail (ci-après, « Code ») déposées par le plaignant, un salarié chez l’employeur et le syndicat.
Le plaignant allègue avoir subi une mesure de représailles de la part de l’employeur. En effet, il reçoit un avis verbal le sommant de ne plus porter sur les lieux du travail un chandail aux couleurs du syndicat, sous peine de mesures disciplinaires plus sévères. Pour sa part, le syndicat reproche à l’employeur d’entraver ses activités en appliquant des mesures de représailles envers les salariés qu’il représente parce qu’ils portent ce chandail.
L’employeur est plutôt d’avis que le syndicat ne démontre pas qu’il entrave ses activités, puisque l’interdiction de porter le chandail en cause dans son établissement est conforme à leur entente prise dans le cadre du retour au travail des salariés à la suite d’une grève. En effet, à la suite d’une entente de principe intervenue entre le syndicat et l’employeur, ceux-ci conviennent d’un protocole de retour au travail stipulant l’interdiction de tout moyen de visibilité tel que, « vêtement, accessoire ou autre item référant directement au conflit de travail et à la grève »[1] à l’intérieur de l’établissement de l’employeur.
Dans les faits, à la suite du retour au travail, certains salariés arborent un chandail aux couleurs du syndicat. L’employeur souligne au président du syndicat que le port du chandail doit cesser conformément à l’entente, mais celui-ci répond que le chandail n’est pas visé par le protocole puisqu’il ne s’agit pas d’un vêtement référant au conflit de travail et à la grève, mais simplement d’un chandail permettant au groupe de salariés d’exprimer leur allégeance syndicale, chandail qui a notamment été conçu bien avant le conflit de travail et la grève.
Le Tribunal doit ainsi décider si, en interdisant le port du chandail syndical, l’employeur a entravé les activités du syndicat et si l’avis verbal remis au plaignant résulte d’une autre cause juste et suffisante étrangère à l’exercice du droit d’association prévu au Code.
Le Tribunal partage l’opinion du syndicat selon laquelle le chandail va bien au-delà du conflit de travail et de la grève ayant eu lieu chez l’employeur. En effet, il s’agit plutôt d’un vêtement porté par des salariés qui désirent exprimer, à leur façon, qu’ils appartiennent à une association syndicale. Le protocole de retour au travail n’est donc pas en cause. Ainsi, en empêchant les membres du syndicat d’utiliser ce moyen inoffensif et respectueux pour exprimer leur appartenance syndicale, l’employeur entrave les activités du syndicat et compromet l’exercice de la liberté syndicale.
Quant à la mesure de représailles alléguée par le plaignant, le Tribunal rappelle qu’en cas de sanction disciplinaire imposée de façon concomitante à l’exercice d’un droit découlant du Code, celle-ci est présumée avoir été prise à l’encontre du salarié visé à cause de l’exercice de ce droit. En l’espèce, le Tribunal est d’avis que les faits mis en preuve démontrent que l’employeur utilise le prétexte de l’interdiction prévue au protocole de retour au travail pour empêcher l’exercice d’un droit prévu par le Code par le plaignant, soit de pouvoir exprimer son allégeance syndicale en arborant un chandail à l’effigie du syndicat.
Le Tribunal conclut que, par ses actions, l’employeur a entravé les activités du syndicat et qu’il ne démontre pas que l’interdiction du port du chandail à l’effigie du syndicat résulte d’une autre cause juste et suffisante qui est étrangère à l’exercice du droit d’association prévu au Code par le plaignant.
Pour ces motifs, les plaintes sont accueillies et il est ordonné à l’employeur de cesser ces mesures de représailles à l’égard du plaignant, ainsi que de cesser l’entrave aux activités du syndicat en interdisant le port du chandail à l’effigie du syndicat. L’employeur est condamné à payer 2 000$ à titre de dommages moraux et 5 000 $ à titre de dommages punitifs en raison de ces contraventions au Code.
Text