LA DROGUE AU VOLANT : LES POUVOIRS POLICIERS

11 mai 2020

Me Audray Julien-Béland

 

À l’instar de l’alcool au volant, la conduite avec les capacités affaiblies par la drogue est tout aussi prohibée, et les pouvoirs policiers tous autant encadrés, tant par la législation que par la jurisprudence. Certaines exigences légales doivent être satisfaites afin de donner des pouvoirs d’enquête aux policiers.  

Les épreuves de coordination des mouvements (ECM)

Un policier qui soupçonne que la capacité de conduire[1]  un moyen de transport[2] d’un individu est affaiblie par de la drogue peut lui ordonner de subir immédiatement les épreuves de coordination des mouvements. 

Spécifions qu’une drogue vise autant les substances illicites, que les médicaments sous ordonnance ou en vente libre. Consommer des médicaments et conduire un véhicule alors que ses capacités sont affaiblies peuvent avoir de graves conséquences. Outre la substance, d’autres facteurs peuvent influencer le degré d’affaiblissement tels que la fatigue et le stress.[3]

Les épreuves de coordination des mouvements sont établies par Règlement[4]. Elles peuvent se faire à l’endroit de l’interception. Essentiellement, les épreuves consistent en trois tests de sobriété : 

a) Le test du nystagmus du regard horizontal. Cette épreuve vise à évaluer le mouvement horizontal des yeux et examiner si l’œil produit un nystagmus, c’est-à-dire un mouvement involontaire ou saccadé.

b) Le test connu sous le nom de « marcher et se retourner ». Il vise à évaluer la démarche de l’individu sur une ligne droite, effectuant des pas vers l’avant, le talon touchant aux orteils. 

c) Le test connu sous le nom de « se tenir sur un pied ». Cette épreuve vise à évaluer l’équilibre en effectuant d’autres actions, par exemple, compter à voix haute.

Un policier ne peut contraindre un individu à subir certaines épreuves de coordination des mouvements non prévues par règlement. La détention devient alors illégale et arbitraire. Les motifs du policier fondés sur ces épreuves non règlementées peuvent être déclarés sans fondement et les résultats des tests inadmissibles en preuve.[5]

Le refus d’obtempérer à l’ordre de subir l’épreuve de coordination des mouvements peut entraîner des conséquences pénales, telles qu’une amende minimale de deux mille dollars (2 000$), une interdiction de conduire minimale d’une année et un casier judiciaire. 

 

L’évaluation par l’agent évaluateur

À la suite de ces épreuves, si le policier a des motifs raisonnables de croire que cet individu a conduit un moyen de transport alors que sa capacité de conduire était affaiblie par la drogue, à quelque degré que ce soit, il peut procéder à son arrestation et lui ordonner de se soumettre, dans les meilleurs délais, à une évaluation de reconnaissance de drogues. Ces tests supplémentaires auront lieu au poste de police. 

Cette évaluation vise à déterminer si la capacité de conduire est effectivement affaiblie par la drogue. Elle sera effectuée par un agent évaluateur en reconnaissance de drogues (AERD). 

L’agent évaluateur est un expert certifié et agréé par l’Association internationale des chefs de police. L’évaluation consiste en une série d’examens physiques, notamment les signes cliniques, tonus musculaire, examen des yeux et test d’attention. 

Le refus d’obtempérer à cet ordre peut entraîner des conséquences pénales, telles qu’une amende minimale de deux mille dollars (2 000$), une interdiction de conduire minimale d’une année et un casier judiciaire. 

L’agent évaluateur ne peut insérer des questions amenant le conducteur à s’auto-incriminer, à l’intérieur des tests obligatoires. Il devient alors inéquitable, voire impossible, pour une personne de faire les distinctions entre l’enchaînement des épreuves obligatoires et l’interrogatoire au cours duquel il a le droit de garder le silence. Les réponses à ces questions pourraient constituer une déclaration irrecevable en preuve.[6]

 

L’échantillon d’urine, de salive ou de sang

Une fois l’évaluation terminée et suivant l’ensemble de ses constatations, si l’agent évaluateur considère qu’il a acquis les motifs raisonnables de croire qu’il y a présence de drogue dans l’organisme, il peut ordonner de fournir un échantillon d’urine, de salive ou de sang.[7]

L’échantillon d’urine ou de salive permettra de déceler la présence d’un ou plusieurs types de drogues, alors que l’échantillon de sang vise à déterminer, en plus des types de drogues, la concentration de ces drogues dans le sang.[8]

Le refus d’obtempérer à cet ordre peut entraîner des conséquences pénales, telles qu’une amende minimale de deux mille dollars (2 000$), une interdiction de conduire minimale d’une année et un casier judiciaire. 

En conclusion, ces infractions sont techniques et ont fait l’objet de modifications législatives récentes. Les tribunaux tergiversent toujours sur l’interprétation et l’application de certains aspects légaux de ces infractions, ainsi que sur leur impact direct aux droits constitutionnels des justiciables. Force est de constater que les mécanismes mis en place donnent lieu à de nombreuses réflexions inachevées, qui devront être tranchées par les tribunaux. 

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_____________________________

[1]  Depuis l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions du Code criminel, la conduite s’entend ;

Dans le cas d’un véhicule à moteur : le manipuler ou en avoir la garde et le contrôle;

Dans le cas d’un bateau ou aéronef : le piloter, aider au pilotage ou en avoir la garde et le contrôle;

Dans le cas de matériel ferroviaire : participer au contrôle immédiat de son déplacement ou en avoir la garde et le contrôle.

[2]  « Moyen de transport » : Véhicule à moteur, bateau, aéronef ou matériel ferroviaire.

[3]  R. c. Dontigny, 2018 QCCQ 9061.

[4]  Règlement sur l’évaluation des facultés de conduite (drogue et alcool), DORS/2008-196.

[5]  R. c. Turcotte, 2018 QCCQ 3202.

[6]  R. c. Cyr-Lamy, 2020 QCCQ 258.

[7]  Sous certaines conditions prévues à l’alinéa 320.28(5)b) du Code criminel.

[8]  Parmi les types de drogues suivantes : (1) Dépresseur (2) Inhalant (3) Anesthésique dissociatif (4) Cannabis (5) Stimulant (6) Hallucinogène (7) Analgésique narcotique.

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