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La plainte en harcèlement psychologique : Aux frontières du recours

Béatrice Proulx, étudiante en droit

 

Décision sous étude:  Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 500 et HDS Retail North America (Dorval)

 

Inna Gritsienko (ci-après « la plaignante ») est à l’emploi de HDS Retail North America, une entreprise qui exploite un café-boutique au sein de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. La plaignante est également à l’emploi d’un bureau de change à l’aéroport, opéré par l’entreprise ICE. Elle travaille donc concomitamment pour ces deux employeurs distincts à temps partiel. Par le biais d’un grief déposé contre HDS Retail North America, elle se plaint d’être victime de harcèlement psychologique relativement à des propos à caractère sexuel la ridiculisant. Ces moqueries sont à la fois tenues par des employés des comptoirs de compagnies aériennes diverses, des représentants de l’employeur et de l’aéroport, des clients, ainsi que par les passagers circulant devant ses deux postes de travail respectifs. Après certains incidents, la plaignante requière l’aide des services de sécurité de l’aéroport, lesquels se démontrent peu coopératifs.

L’employeur soulève un moyen préliminaire devant le tribunal d’arbitrage de grief, présidé par Me Jean-Yves Brière, dans lequel il conteste certaines des allégations de harcèlement dont il demande le retrait du litige.

Le Syndicat plaide que la notion d’harcèlement psychologique intervient dès que l’employé s’en dit victime dans son milieu de travail, conformément à l’article 81.19 de la Loi sur les normes du travail (ci-après « L.n.t. »). En l’espèce, la plaignante travaille à l’aéroport de Montréal. Ainsi, nonobstant les personnes visées par les allégations et peu importe où elle se trouvait au moment des événements, il existe une connexité réelle avec le travail.

Quant à lui, l’employeur déclare ne point être responsable des fautes alléguées dans les plaintes formulées à l’encontre d’individus qui ne sont pas ses employés.

Le tribunal doit donc circonscrire l’étendue de l’obligation qui incombe à l’employeur de garantir un milieu de travail exempt d’harcèlement psychologique, alors que la plainte est formulée à l’endroit d’un employeur qui est un tiers à l’égard de certains faits.

 

Analyse

D’entrée de jeu, le tribunal précise que l’obligation qui incombe à l’employeur d’assurer un milieu de travail exempt d’harcèlement psychologique n’en est pas une de résultat. À ce sujet, l’interprétation que font les tribunaux de l’expression « milieu de travail » est large et constitue le cœur du litige à l’étude. L’arbitre réitère les enseignements de l’auteure Nathalie-Anne Béliveau en indiquant de quoi est réellement composé un milieu de travail. Il est possible de compartimenter cette notion en trois volets distincts.

Bien évidemment, le milieu de travail englobe prima facie le lieu physique où l’employé fourni sa prestation de travail, mais également tout autre endroit où il exécute ses fonctions littéralement.

Le milieu de travail comprend subsidiairement tout autre endroit où l’employé est amené à évoluer dans le cadre des activités reliées à son travail. En effet, la pierre angulaire réside dans l’existence d’un lien de rattachement suffisant avec l’emploi concerné. Le salarié se trouve au surplus protégé contre tout harcèlement qui pourrait avoir cours en dehors des heures et du lieu de travail réguliers, tant que le critère du lien de rattachement est rempli.

Enfin, le milieu de travail se définit par les personnes qui le composent. Au-delà des salariés et des représentants de l’employeur, la jurisprudence reconnait qu’un tiers sur qui l’employeur possède un pouvoir de contrôle fait partie du milieu de travail. Ce serait notamment le cas des clients, des fournisseurs, des visiteurs ou des simples usagers.

En somme, ce ne sont pas tous les événements survenus sur les lieux de travail au sens large qui donnent ouverture à une plainte en harcèlement psychologique : seuls ceux qui présentent un lien suffisant par rapport à l’exercice des activités sont protégés par l’article 81.19 L.n.t.

 

Conclusion

L’arbitre Jean-Yves Brière accueille partiellement le moyen de l’employeur. L’arbitre autorise la mise en preuve des propos formulés sur les lieux physiques de la boutique par les représentants de l’aéroport, les agents de sécurité, les représentants de compagnies aériennes et les clients. L’employeur possède théoriquement un contrôle sur eux, sauf en ce qui concerne les allégations de passagers tenues à l’extérieur de la boutique.

À défaut de preuve suffisante du lien entre les allégations de la plaignante et son emploi chez HDS Retail North America, l’arbitre ordonne cependant de faire abstraction de tous les événements survenus au comptoir ICE. En effet, l’employeur HDS Retail North America ne détient aucune forme d’autorité sur quiconque lorsque la plaignante travaille au bureau de change. 

Il ressort de cette décision que la notion de milieu de travail peut donner lieu à interprétation. Il est donc important d’être en mesure de démontrer que chacune des allégations contenues dans un tel recours soit conforme à la définition décrite par la jurisprudence.

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