Merci de vous inscrire à notre infolettre.
Infolettre
Si vous souhaitez recevoir de nos nouvelles, il suffit d’entrer votre adresse courriel dans la boîte ci-contre.
Veuillez remplir les champs correctement.

L’abus du droit de gérance et la reconnaissance d’une lésion professionnelle

Me Laurence Lorion

 

Votre patron vous impose un suivi serré, contrôle quotidiennement la qualité de votre travail et vous évalue continuellement. À bout, vous vous présentez chez le médecin qui vous diagnostique un trouble d’adaptation et un arrêt de travail. Ce diagnostic peut-il être reconnu à titre de lésion professionnelle au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ?

Pour que la CNESST reconnaisse qu’il s’agit d’une lésion professionnelle, il vous faut faire la preuve de la survenance d’un événement imprévu et soudain. Comme l’indique le Tribunal administratif du travail dans la décision S.B. et Compagnie A 2019 QCTAT 2444, «   en matière de lésion psychologique, la notion d’événement imprévu et soudain peut se traduire par une série d’événements bénins ou banals qui, par leur superposition ou juxtaposition, s’assimilent à un tel événement »[1].

Ainsi, il vous faut démontrer que cette série d’événements banals débordent du cadre normal du travail. Le caractère anormal de cette série d’événement doit être de nature objective et ne pas uniquement être le fruit de votre perception. En d’autres mots, est-ce qu’une personne raisonnable aurait eu les mêmes craintes et les mêmes réactions que vous dans les circonstances[2]?

En tant qu’employé, il faut s’attendre à ce que notre employeur exerce un certain contrôle sur notre travail allant même jusqu’à pouvoir nous discipliner. D’ailleurs, les tribunaux reconnaissent que l’employeur puisse commettre des erreurs dans l’exercice de son droit de gérance et même puisse l’exercer de façon assez ferme sans conclure à de l’abus[3].

Il n’est question d’abus du droit de gérance seulement lorsque l’employeur exerce son contrôle de façon abusive, déraisonnable ou encore discriminatoire.  Pour pouvoir déterminer si l’employeur abuse de son droit de gérance, la CNESST doit « […] apprécier si les gestes ou actes posés par celui-ci :

  •      sont en lien et justifiés avec le fonctionnement de l’entreprise;
  •      s’ils sont justes et équitables compte tenu des circonstances;
  •      et si un employeur raisonnable et compétent aurait agi de la même façon »[4].

 

Il a déjà été reconnu comme étant l’exercice abusif du droit de gérance « une surveillance exagérée, un langage injurieux, une attitude humiliante ou des mesures, en fait, qui ne sont pas respectueuses du travailleur ou discriminatoires »[5].  

Dans ce type de réclamation, la CNESST va également évaluer et considérer l’attitude de l’employé. Par exemple, il peut arriver qu’un employé intransigeant engendre des réactions négatives qui contribuent à un climat de travail malsain[6].

Même après avoir démontré la présence d’un événement imprévu et soudain, il vous faut également faire la preuve d’une relation causale entre le diagnostic posé par votre médecin et l’événement imprévu et soudain. Malheureusement, il ne suffit pas que votre médecin statue sur cette relation causale pour rencontrer votre fardeau de preuve.

En définitive, ce type de dossiers s’avère complexe et il peut parfois être ardu de démontrer la présence d’un événement imprévu et soudain au sens de la loi.

.

_________________________

[1] Par. 13.

[2]M.B. et Compagnie A, 2010 QCCLP 1361, par. 120.

[3] Union canadienne des Moniales Saint-Ursule (Province de Québec) et Mag Magny 2015 QCCLP 12777, par. 24.

[4] Théroux et Sécurité des incendies de Montréal, 2011 QCCLP 540 (CanLII), par. 72.

[5] Denis et Gaspé (Ville de), 2003 CanLII 87433 (QC CLP), par. 31.

[6] Charron et Sonaca Canada inc.2013 QCCLP 7417 (CanLII), par. 65.