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Le crime au temps de la COVID-19

Me Félix R. Larose

La pandémie de la COVID-19 présente une situation inédite pour les policiers qui doivent assurer le respect de la sécurité et de la santé publique sur la ligne de front. L’état d’urgence sanitaire décrétée depuis le 13 mars 2020 par le gouvernement québécois amène de nouvelles questions sur la criminalisation de certains comportements liés au virus.

Le premier réflexe est sans doute de tenter le parallèle avec la réflexion juridique entourant la transmission du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ayant fait couler beaucoup d’encre en jurisprudence à travers le pays.

Deux mises en garde s’imposent lors de l’analyse comparée afin d’éviter les écueils. Premièrement, la transmission du VIH s’opère principalement dans un contexte de relations sexuelles et met en cause les concepts entourant le consentement. Lorsqu’une personne infectée omet de divulguer sa séropositivité, elle obtient un consentement vicié qui peut donner ouverture à une accusation d’agression sexuelle aggravée. Ensuite, la Cour suprême enseigne que cette accusation ne tiendra qu’en vertu du risque important de lésions corporelles graves associé au VIH. Entrent en scène les experts.

Dans la situation pandémique que nous connaissons, le danger provient en partie du virus certes, mais en partie aussi de l’incapacité du système de santé publique à traiter correctement une masse critique d’individus tous infectés au même moment. Ajoutons à cela l’épineuse question des facteurs de risque variables et l’on obtient de jolies questions à débattre en salle d’audience.

Heureusement, certains aspects du droit sont plus clairs. Par exemple, il a été reconnu que cracher au visage d’un individu correspond à une infraction de voies de fait. Pour ce qui est des infractions de menace, elles ne requièrent pas qu’une personne soit réellement infectée pour être accusée et l’évaluation du caractère menaçant des propos tiendra compte des circonstances particulières dans lesquelles elles ont été prononcées. 

L’infraction de négligence criminelle présente un intérêt certain. Elle se définit comme un acte – ou une omission d’accomplir une obligation légale – qui démontre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Pour être qualifiée de criminelle, la négligence doit présenter un écart marqué avec le comportement qu’adopterait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. La jurisprudence fait surtout état de cas de négligences causant des lésions corporelles ou la mort, mais la simple négligence sans conséquence constitue une infraction en vertu du Code criminel.

Les difficultés réapparaissent lorsqu’il s’agit de déterminer si des infractions comme les voies de fait ou la négligence criminelle ont entrainé des lésions corporelles ou la mort. Le lien causal, dans une situation de pandémie, est une question litigieuse qui fera sans doute intervenir des experts au moment du procès.

Il n’est pas inutile de rappeler que, bien que le fardeau de l’accusation en droit criminel soit la preuve hors de tout doute raisonnable, les pouvoirs d’arrestations reposent quant à eux sur des motifs raisonnables et probables de croire que l’infraction a été commise.

Soyons clairs : tout geste de négligence criminelle, toute menace ou utilisation de la force mettant en cause la transmission du virus de la COVID-19 pourrait donner lieu à des accusations criminelles. Le non-respect des décrets gouvernementaux pourrait aussi mener à des accusations d’entrave au travail des policiers.

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