Dans la décision Syndicat des travailleuses et travailleurs d’Amazon Montréal – CSN c. Amazon Canada Fulfillment Services, 2024 QCTAT 2716, (j.a. Henrik Ellefsen), le syndicat saisit le Tribunal administratif du travail (ci-après, le « Tribunal ») d’une plainte fondée sur les articles 3, 12 et 13 du Code du travail. Le syndicat reproche à Amazon de s’être ingéré dans sa campagne de syndicalisation au centre de distribution YUL2 et de l’avoir entravée. Il lui reproche aussi d’avoir usé de menaces et d’intimidation afin de dissuader les salariés de signer une carte d’adhésion syndicale.
Concrètement, la preuve révèle qu’Amazon couvrait les espaces fréquentés par les salariés de messages visant à susciter de l’inquiétude et un sentiment antisyndical. Il diffusait ces messages, sur fond de couleurs vives, en boucle sur les écrans réservés aux ressources humaines, dans la cafeteria, dans la salle de repos, et même dans les panneaux d’affichage qui se trouvent dans les salles de toilettes.
Dans l’appréciation de l’impact des interventions de l’Employeur, le Tribunal doit analyser le contexte, le contenu et les conséquences de ces communications qui permettent de tracer la délicate ligne entre l’exercice de la liberté d’expression et les interdictions prévues au Code du travail.
En l’occurrence, le syndicat est en cours de formation, il est au sommet de sa vulnérabilité. Au surplus, il est important de considérer le statut précaire des travailleurs d’Amazon dans ce centre de distribution. Ils sont pour la plupart des travailleurs étrangers qui sont plus méfiants face au syndicat, étant peu informés des lois applicables aux relations de travail au Québec.
En somme, le Tribunal conclut que les comportements d’Amazon contreviennent aux critères développés dans la décision de principe Disque Améric[1]. Le fait de diffuser lesdits messages a pour effet de susciter des émotions aux salariés plutôt que de chercher à les informer. Ces messages sont d’ailleurs omniprésents, faisant en sorte que les salariés ne sont pas libres de les recevoir. Enfin, le Tribunal retient que l’employeur utilise son autorité pour propager ses opinions contre le syndicalisme. Or, en ce qui a trait aux allégations de menaces, le Tribunal conclut qu’elles ne sont pas supportées par la preuve et rejette ce volet de la plainte.
Le Tribunal accueille la plainte déposée en vertu de l’article 12 du Code du travail et ordonne à l’employeur de verser au syndicat les sommes de 10 000$ à titre de dommages moraux ainsi que 20 000$ à titre de dommages punitifs.
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