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Le revenu du pompier blessé dans l’exercice de ses fonctions ou atteint d’une maladie professionnelle

  Me Julien David Hobson  

 

L’emploi de pompier entraîne son lot de dangers pour l’intégrité physique et mentale. Les interventions comportent une multitude de risques. Il suffit de réfléchir aux efforts déployés pour manier les différents équipements, aux possibilités de chutes, aux faux-mouvements dans un espace restreint et aux plusieurs périls du combat d’incendie.

Si ces risques et dangers ont le malheur de se concrétiser dans l’exercice de ses fonctions de pompier, ce dernier sera victime d’une lésion professionnelle et se retrouvera probablement en arrêt de travail pour quelques semaines, mois ou voire même des années.  Un arrêt de travail engendre nécessairement une perte de revenus pour le pompier. Le SPQ s’efforce de minimiser cet impact en négociant des clauses protectrices dans les conventions collectives et en menant des représentations devant la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) ou le Tribunal administratif du travail (TAT).

La présente rubrique vise à rappeler les différentes mesures de protection du salaire offertes aux pompiers blessés dans l’exercice de ses fonctions.     

Généralités

La Loi sur les accidents du travail et maladies professionnelle (LATMP) prévoit que le travailleur en arrêt de travail a droit au versement d’une indemnité de remplacement du revenu qui est égale à 90 % du revenu net qu’il tire annuellement de son emploi. Ce revenu net est égal au revenu brut annuel pondéré en fonction de la situation familiale du travailleur duquel est retranché les déductions prévues aux lois sur l’impôt, la cotisation prévue par la Loi sur l’assurance-emploi, la cotisation prévue à la Loi sur le régime de rentes du Québec et la cotisation prévue à la Loi sur l’assurance parentale. Également, le salaire maximum annuel assurable par la CNESST s’élève à 76 500 $ pour l’année 2019. 

Pour certains pompiers, le maximum annuel assurable est insuffisant pour pallier la perte de revenu engendrée par l’arrêt de travail. Cette situation survient fréquemment au pompier qui travaille à temps plein et qui cumule plusieurs années d’ancienneté avec des possibilités de temps supplémentaire. Cette situation arrive également au pompier à temps partiel qui occupe deux, trois ou quatre emplois différents.

Le pompier à temps plein

Certaines conventions collectives de pompiers à temps plein membres du SPQ stipulent que le pompier victime d’une lésion professionnelle continue de recevoir son plein traitement de l’employeur. Dans ces cas, l’employeur n’est pas tenu au maximum annuel assurable couvert par la CNESST et il se retrouve à verser lui-même l’indemnité de remplacement du revenu ou la différence entre le maximum annuel assurable et le plein traitement du pompier.

À titre d’exemples, la convention collective du SPQ Saguenay stipule que l’employé permanent victime d’une lésion professionnelle reçoit de l’employeur son plein traitement comme s’il était au travail tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n’est pas consolidée.  Les conventions collectives de Lévis et Sherbrooke contiennent de mesures de protections similaires.

Ces mesures de protection sont plus généreuses que celles prévues à la Loi mais elle ne dédommage pas le temps supplémentaire perdu.

Le pompier à temps partiel

Le pompier à temps partiel occupe souvent plusieurs emplois. Il existe alors un risque qu’une lésion professionnelle survenue dans l’exercice de ses fonctions pour un service de sécurité incendie entraîne un arrêt de travail dans tous ses emplois.

Dans ce contexte, certaines conventions collectives prévoient des modalités afin de protéger un salaire plus important que celui habituellement tiré de l’emploi de pompier à temps partiel.

À titre d’exemples, la convention collective du SPQ Mont-Tremblant stipule que le pompier reçoit 100 % de son salaire net de son emploi régulier jusqu’à concurrence du maximum annuelle assurable, la convention collective du SPQ Varennes prévoit que le pompier reçoit le plein salaire de son emploi régulier jusqu’à concurrence de 1665 $ par semaine et la convention collective du SPQ Beauharnois stipule que le pompier reçoit les indemnités de la CNESST ainsi qu’un montant compensatoire pour combler le différentiel entre les indemnités et le salaire net de son emploi régulier.

La protection légale

En l’absence de clauses relatives à la protection du salaire dans les conventions collectives, la LATMP prévoit les modes de calcul des indemnités de remplacement du revenu et un mécanisme pour pallier la perte salariale engendrée par un arrêt de travail. Ainsi, la Loi réfère notamment au salaire qui apparaît au contrat de travail, au salaire d’un travailleur de même catégorie pour le travailleur sur appel, au salaire de l’emploi le plus rémunérateur pour le travailleur qui occupe plus d’un emploi, etc. De toute évidence, le calcul de la base salariale du travailleur donne fréquemment lieu à des contestations devant les instances chargées d’appliquer la Loi.

Un article de la Loi mérite une attention particulière. L’article 75 prévoit que la base salariale peut être déterminée d’une façon équitable en raison de la nature particulière du travail du travailleur. La jurisprudence précise que l’expression nature particulière du travail doit recevoir une interprétation large et libérale afin de tenir compte la situation particulière du travail du travailleur, de sa réalité professionnelle et de sa capacité de gains futurs dans un marché du travail en constante évolution[1].

Or, les pompiers ont souvent une situation d’emploi particulière et une réalité professionnelle distincte des autres travailleurs québécois. Ils occupent souvent plusieurs emplois. Ils cumulent quelques emplois à temps partiel. Ils cumulent un emploi régulier et un emploi de pompier à temps partiel avec des heures variables. La jurisprudence retient alors qu’il est inéquitable pour un pompier de se référer seulement au contrat de travail de son emploi régulier ou au salaire de l’emploi occupé le plus rémunérateur car on ignore alors totalement le salaire gagné dans l’emploi de pompier à temps partiel.

Dans ce contexte, l’article 75 a été utilisé à plusieurs reprises en jurisprudence afin de permettre au pompier d’établir sa base salariale en additionnant le revenu de tous les emplois qu’ils occupent jusqu’à concurrence du maximum annuel assurable[2].

Cette protection légale permet au pompier de protéger son salaire en permettant le versement d’indemnités de remplacement du revenu plus conformes à sa réalité.

Bref, nous vous invitons à vous rappeler que la CNESST doit tenir compte de l’ensemble des emplois occupés par le pompier aux fins de l’établissement de sa base salariale.  

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[1] Wal-Mart Canada et Trad, [2014] QCCLP 3459.

[2] Blouin et Ville de Magog, [2011] QCCLP 6543 ; Plourde et Ville de Magog, [2018] QCTAT 2930 ; Bonneau et Airboss Produits d’ingénierie inc., [2018] QCTAT 5549.