Dans la décision Bédard et SEPAQ (Réserves fauniques), 2024 QCTAT 2745, (j.a. Elisabeth Goodwin), la plaignante dépose une réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après, CNESST) puisqu’elle allègue avoir été sexuellement agressée par un collègue de travail lors d’une soirée à sa résidence. Un second incident aurait également eu lieu le mois suivant, mais cette fois-ci, sur le lieu de travail. À la suite de ces événements, la plaignante reçoit un diagnostic de dépression grave.
La réclamation de la travailleuse, déposée le 2 octobre 2019 est refusée par la CNESST, puisque celle-ci déclare que la plaignante a déposé sa réclamation hors du délai de six mois prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après, « Loi ») et qu’aucun motif ne permet de prolonger le délai. La travailleuse conteste cette décision.
La travailleuse expose qu’elle a tardé à déposer sa réclamation puisqu’elle n’a pas obtenu le soutien de son employeur et du syndicat dans sa démarche. Elle explique également avoir des problèmes de consommation. Si sa demande d’être relevée de son défaut d’avoir produit sa réclamation dans les délais légaux est accordée, la plaignante souhaite que les incidents qu’elle allègue au soutien de sa réclamation soient reconnus comme des accidents du travail, puisqu’ils impliquaient un collègue.
Sur la question du délai, la travailleuse explique les nombreuses difficultés rencontrées auprès de l’employeur et du syndicat, notamment quant à l’absence totale de soutien et d’entraide à la suite de son congédiement. Le Tribunal conclut donc qu’en tenant compte du manque de collaboration de l’employeur et du syndicat, ainsi que les sérieuses difficultés vécues par la travailleuse devenue toxicomane, il existe une preuve d’un motif raisonnable permettant de relever la plaignante de son défaut de produire sa réclamation dans le délai légal.
Sur la question de savoir si la travailleuse a effectivement subi une lésion professionnelle, celle-ci explique son contexte de travail, à savoir qu’elle travaille sur une île, qu’il ne lui est pas facilement loisible de quitter les lieux, qu’elle travaille tous les jours de la semaine, se considérant ainsi toujours être au travail, et qu’elle demeure dans un logement offert par l’employeur.
Le Tribunal rappelle que, pour que les incidents puissent être assimilés à un événement imprévu et soudain ayant entraîné un diagnostic de nature psychologique, ils doivent être suffisamment exceptionnels, hors de l’ordinaire ou échapper au cours normal et prévisible d’un milieu de travail. À cet effet, il peut s’agir d’un événement unique ou du cumul d’événements objectivement traumatisants.
En l’espèce, le Tribunal est d’avis que l’agression alléguée par la travailleuse à son domicile peut être qualifiée d’événement imprévu et soudain. Toutefois, il faut également déterminer si les événements sont survenus par le fait ou à l’occasion du travail. Dans la présente affaire, le Tribunal indique que même si la plaignante avait l’impression de toujours être au travail, et même si elle demeurait dans un logement offert par l’employeur, l’agression a eu lieu alors que la travailleuse se trouvait dans sa sphère personnelle. En effet, la soirée n’impliquait pas l’employeur qui n’y exerçait aucune supervision et les faits se sont produits en dehors des lieux et des heures de travail. La preuve ne permet donc pas de démontrer un lien entre le souper à l’origine des événements et la prestation de travail que la plaignante devait offrir quotidiennement.
Le Tribunal conclut ainsi que les incidents ont eu lieu alors que la travailleuse était dans sa sphère personnelle et n’avait donc pas de lien avec sa prestation de travail.
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