Dans la décision Syndicat des employé(e)s du CIUSSS de l’Estrie – CHUS, SCFP, section locale 4475 c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Estrie – Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, 2025 QCTAT 2355 (j.a. Myriam Bédard), le Tribunal est saisi de trois plaintes fondées sur l’article 12 du Code du travail (ci-après, « Code ») dans lesquelles le Syndicat allègue que l’employeur, le CIUSSS, s’ingère dans ses activités.
Le 6 mars 2024, le Syndicat dépose une première plainte. Il allègue que le CIUSSS interdit à un conseiller syndical, monsieur Bergeron, d’entrer en contact, par quelque moyen que ce soit, avec les représentants de l’employeur. On lui interdit aussi l’accès aux locaux du CIUSSS, et ce, afin de faire cesser de façon durable l’incivilité alléguée du conseiller. L’employeur refuse de tenir toute rencontre en présence de monsieur Bergeron. Des rencontres prévues le 28 février, 1er mars et dans la semaine du 4 au 8 mars sont ainsi annulées.
Le 3 avril, le Syndicat dépose une deuxième plainte. Des rencontres prévues les 6, 12, 13, 14 et 20 mars sont annulées à la suite de l’annonce de la participation du conseiller Bergeron.
Le 15 avril, une troisième plainte est déposée. Les reproches du Syndicat portent cette fois sur des horaires de travail de trois salariées qui ne seraient pas conformes aux règles en vigueur et qui auraient été négociés directement entre les gestionnaires et les salariées concernées. L’employeur refuse de les corriger malgré les demandes syndicales, ce qui, de l’avis du Syndicat, a pour effet de le discréditer.
De son côté, le CIUSSS prétend qu’il a annulé ces rencontres, auxquelles devait participer monsieur Bergeron, en raison des incivilités constantes du conseiller. Ses obligations d’assurer à ses employés un milieu de travail exempt de harcèlement l’ont forcé à agir ainsi. En ce qui concerne les horaires de travail, il plaide essentiellement que des erreurs ont été commises de bonne foi et corrigées.
Les trois plaintes visent à déterminer si le comportement de l’employeur constitue de l’entrave aux activités syndicales portant atteinte à l’autonomie du Syndicat protégée par le Code. Les deux premières plaintes portent sur la même question, soit le refus du CIUSSS d’interagir avec le conseiller syndical. Elles doivent être traitées ensemble. La troisième est distincte. Elle concerne des horaires de travail contraires à la convention collective qui auraient été convenus directement avec des salariés, ce qui aurait comme effet de discréditer le Syndicat.
L’article 12 al. 1 du Code protège l’autonomie syndicale. La notion d’entrave n’est pas définie dans la loi, mais les pourtours en ont été délimités tant par la doctrine que par la jurisprudence. Plus précisément, toute intervention patronale liée au choix du représentant syndical est prohibée. Le Tribunal, et la Commission des relations du travail avant lui, ont condamné ce type de comportement à différentes occasions.
À l’égard des deux premières plaintes, le Tribunal indique qu’il faut d’abord réitérer que l’association accréditée est un interlocuteur obligé dans le cadre de la négociation collective. Ainsi, le Tribunal est d’avis que la décision unilatérale de l’employeur de refuser d’interagir avec le conseiller syndical désigné contrecarre l’exercice des activités syndicales et les motifs invoqués au soutien de cette décision empêchent de conclure, comme le CIUSSS le prétend, qu’il n’avait pas l’intention d’entraver l’action syndicale au sens de l’article 12. Il aurait dû savoir qu’il ne pouvait, dans les circonstances décrites, faire abstraction du conseiller syndical sans contrevenir à la loi.
À l’égard de la troisième plainte, le Tribunal ne peut déceler quelque intention d’entraver les activités syndicales dans le traitement de ces affaires qui relève davantage de la maladresse. Cette plainte doit ainsi être rejetée.
Pour ces motifs, les plaintes sont partiellement accueillies.
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