Les calèches du Vieux-Québec continuent à faire couler de l’encre

16 septembre 2024

Dans la décision Lavoie-Gagnon c. Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501,2024 QCTAT 2642 (j.a. Benoit Roy-Déry), la demanderesse, œuvrant pour Calèches Québec inc, demande la révocation de l’accréditation détenue par le syndicat défendeur en vertu de l’article 41 du Code du travail. 

L’Employeur est une entreprise offrant des tours de calèches, notamment dans le Vieux-Québec. Elle compte à son emploi environ 20 à 25 cochers-guides ou palefreniers qui sont représentés par le syndicat, lequel a obtenu son accréditation en 2016. Après plus d’un an de grève, l’employeur et le syndicat concluent une nouvelle convention collective en août 2019. Survient ensuite la pandémie mondiale en mars 2020, alors que les activités cessent totalement. Puis, vers la fin de l’année 2020, les calèches du Vieux-Québec reçoivent une mauvaise presse lorsque la Ville de Québec exproprie l’écurie de l’employeur.

Au mois d’avril 2023, l’employeur fait parvenir aux quelques employés mis à pied depuis mars 2020 un avis de fin d’emploi.

Pourtant, vers le mois de juillet 2023 et plus tard, en décembre 2023 et janvier 2024, le propriétaire de l’entreprise utilise les services de Mme Lavoie-Gagnon, sa conjointe, afin d’effectuer quelques remplacements à titre d’aide-tramway. Elle est finalement embauchée comme cochère-guide le 1er février 2024, avec le salaire afférent à cette fonction, malgré son absence de qualification (qu’elle n’obtient que le 21 mars 2024). Ne voulant pas payer de cotisations syndicales, c’est dans ce contexte que Mme Lavoie-Gagnon saisit le tribunal pour faire annuler l’accréditation, le 1er mars 2024.

Le Tribunal souligne avec justesse que l’accréditation est d’ordre public et qu’il en est le gardien. Le juge administratif Benoit Roy-Déry motive sa décision en étayant que le syndicat existe toujours, bien que les activités de l’entreprise aient cessé durant un bout de temps. D’ailleurs, il note qu’en février 2024, le syndicat a fait un suivi auprès de l’employeur pour connaitre la situation d’emploi qui prévalait.

Reste alors à déterminer si le syndicat détient la majorité absolue des salariés compris dans l’unité de négociation.  Pour ce faire, le Tribunal devait se demander si des salariés travaillent actuellement pour l’employeur. En l’absence de salariés, l’accréditation ne peut être révoquée. Ce n’est pas le cas en l’occurrence : la conjointe du propriétaire arbore bel et bien le statut de salariée. Il importe donc d’analyser la volonté réelle des salariés de voir l’accréditation révoquée, eu égard aux gestes posés par l’employeur.  Au moment où Mme Lavoie-Gagnon demande la révocation, elle n’est pas cochère-guide ni palefrenière. Le Tribunal doute donc de cette volonté réelle.

Le Tribunal se montre catégorique et tranchant : « Faire droit à la requête dans de telles circonstances permettrait à un employeur de profiter d’une situation qu’il a lui-même créée. En effet, un employeur pourrait, après un arrêt complet de ses activités, les reprendre de façon minimale en faisant travailler un seul de ses sympathisants et ainsi créer les conditions lui permettant d’obtenir la révocation d’une accréditation. Pour le Tribunal, une telle façon d’agir ne respecte pas l’économie du Code. »

La requête en révocation est rejetée. Le Tribunal conclut que l’employeur a utilisé un stratagème afin de se départir du syndicat.

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