Dans la décision Dorval et Société de transport de Montréal — Réseau des autobus Opération, 2025 QCTAT 177 (j.a. Marie-Claude Poirier), le demandeur, représenté par Me Julien David Hobson, associé partenaire au sein de notre cabinet, un chauffeur d’autobus au sein de la Société de transport de Montréal, conteste la décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après, « CNESST ») qui avait refusé sa réclamation.
En effet, le travailleur considère que l’incident à l’origine de son diagnostic de trouble de l’adaptation répond à la définition d’évènement imprévu et soudain au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles(ci-après, « Loi »), et donc, que sa lésion découle de ces circonstances.
L’employeur, pour sa part, considère que l’évènement en cause ne déborde pas du cadre normal du travail et que le caractère soudain et imprévisible résulte davantage de la perception subjective du travailleur.
Le Tribunal doit ainsi décider s’il existe un évènement imprévu et soudain survenu au travailleur par le fait ou à l’occasion de son travail et si cet évènement entraîne pour le travailleur le diagnostic de trouble de l’adaptation, non contesté.
En l’espèce, le travailleur relate que lors d’une soirée de travail, alors qu’il attend à un feu rouge, il remarque un homme à pied dans la rue. Ce dernier tentait d’ouvrir des portières de voitures qui sont immobilisées. Ses démarches étant infructueuses, l’homme se dirige vers l’autobus du travailleur et demande à ce dernier de lui ouvrir la porte. Le travailleur refuse, car l’arrêt d’autobus à cette intersection est fermé en raison de travaux. L’homme se met alors en colère et frappe violemment sur la porte en criant de l’ouvrir, et ce, à de nombreuses reprises. Le travailleur actionne la fonction radio de son autobus et demande de l’aide. Il indique au Tribunal qu’il tremblait et que ses gestes étaient lourds en raison de son niveau de stress. Le lendemain de l’incident, le travailleur a consulté un médecin qui a diagnostiqué un trouble de l’adaptation.
Aux fins de son analyse, le Tribunal prend en considération que dans le cadre de son travail, un chauffeur d’autobus est appelé à interagir constamment avec une clientèle diversifiée, avec qui les échanges ne se font pas toujours de manière cordiale. Les chauffeurs d’autobus doivent composer régulièrement avec les insatisfactions et les reproches des usagers. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que toute situation doit être considérée comme normale.
Dans le cas qui nous occupe, le Tribunal est d’avis que l’évènement en cause se situe à la frontière de ce qui peut être considéré comme faisant partie du cadre habituel de l’emploi et d’un évènement d’une extrême violence. Il estime toutefois que la situation revêt un caractère singulier, anormal ou inhabituel et qu’elle sort du cadre normal du travail. En effet, il y a lieu de considérer que l’homme impliqué dans l’évènement est une personne qui apparaît désorganisée et dont le comportement dépasse l’expression d’une insatisfaction, même exprimée de façon agressive. Ainsi, bien que l’incident ne soit pas d’une violence extrême et que le travailleur n’ait pas été directement en contact avec l’agresseur, il s’agit malgré tout d’un évènement violent qui dépasse le cadre d’un usager qui invective un chauffeur. Le caractère imprévu et soudain de l’évènement n’est également pas exclu.
Pour ces motifs, le Tribunal conclut que le travailleur a subi un accident du travail et que cet évènement a causé chez le travailleur un diagnostic de trouble de l’adaptation.
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