Dans la décision Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP, 301) c. Ville de Montréal, 2025 QCTAT 1978, (j.a. Sylvain Gagnon), le syndicat et le plaignant déposent un acte introductif en vertu des articles 12, 14 et 15 du Code du travail (ci-après, le « Code ») alléguant qu’en imposant un avis disciplinaire écrit au plaignant, l’employeur cherche à le sanctionner pour avoir exercé des droits prévus au Code, soit, l’exercice de fonctions syndicales. À cet effet, le plaignant est d’avis qu’il doit bénéficier de l’immunité reconnue aux représentants syndicaux agissant dans le cadre de leurs fonctions.
De son côté, l’employeur conteste ces allégations. Il nie dans un premier temps que le plaignant ait exercé un droit prévu au Code et fait valoir que le plaignant doit démontrer qu’il remplit les conditions d’application de la présomption voulant que l’avis disciplinaire constitue une mesure de représailles. Il plaide par ailleurs que l’avis disciplinaire est imposé pour une autre cause juste et suffisante, soit que le plaignant a tenu des propos dénigrants, méprisants et diffamatoires à l’attention d’un gestionnaire et d’une agente-conseil en ressources humaines dans un courriel.
Le Tribunal doit ainsi déterminer si le plaignant a exercé un droit protégé par le Code de façon concomitante à l’imposition de l’avis écrit et si l’employeur a imposé l’avis écrit pour une autre cause juste et suffisante.
Sur la première question, le Tribunal est d’avis qu’il est évident que la présomption de l’article 15 du Code s’applique dans le présent cas, puisque le plaignant est un salarié et l’employeur lui a imposé une sanction de façon concomitante à l’exercice d’un droit protégé par le Code, soit celui d’exercer des fonctions syndicales. En effet, il agit dans le cadre de son mandat comme directeur syndical lorsqu’il interagit avec l’employeur au sujet de l’application des stipulations de la convention collective portant sur le rappel au travail des salariés saisonniers en mars et en avril 2023. Ensuite, bien que l’avis disciplinaire lui soit remis le 25 septembre 2023, il y a concomitance avec l’exercice du droit, puisque l’employeur émet d’abord un avis d’infraction le 9 mai 2023 au sujet du courriel du 28 avril.
Le délai qui s’écoule ensuite jusqu’à la remise de l’avis disciplinaire portant sur les propos tenus dans ce même courriel résulte d’une suspension du processus disciplinaire durant un arrêt de travail du plaignant.
Sur la deuxième question, le Tribunal indique qu’il revient à l’employeur de prouver que l’avis disciplinaire écrit est imposé au plaignant pour un motif sérieux, qui n’est pas un prétexte et qui est complètement étranger à l’exercice de ses fonctions syndicales.
Dans le présent cas, le Tribunal retient la position du plaignant, à savoir que le courriel pour lequel il est sanctionné est couvert par l’immunité reconnue aux représentants syndicaux agissant dans le cadre de leurs fonctions et que la mesure disciplinaire que l’employeur lui impose vise en réalité la manière dont il joue son rôle de représentant syndical. Il faut toutefois déterminer si la conduite qui lui est reprochée outrepasse les limites de cette immunité.
Le Tribunal conclut finalement que la conduite visée par l’avis disciplinaire n’excède pas les limites de la protection offerte par l’immunité puisque les reproches de l’employeur tombent dans la catégorie des propos du type incivilité, impolitesse ou irrespect. Or, il ne fait pas la démonstration que la conduite du plaignant ou que les propos tenus dans le courriel sont excessifs, intimidants, menaçants ou clairement vexatoires.
Le Tribunal conclut que le plaignant a exercé un droit protégé par le Code de façon concomitante à l’imposition de l’avis écrit et qu’il bénéficie de la présomption qu’il s’agit d’une mesure de représailles. L’employeur n’a pas repoussé cette présomption, car le plaignant doit bénéficier de l’immunité reconnue aux représentants syndicaux agissant dans le cadre de leurs fonctions pour le courriel visé par la mesure disciplinaire. Toutefois, l’employeur n’a pas agi dans le but de nuire aux activités du syndicat, mais uniquement parce qu’il est convaincu que le plaignant a tenu des propos diffamatoires à l’égard de ses représentants et qu’il veut éviter que cela se reproduise, afin de leur garantir un milieu de travail sain.
Pour ces motifs, la plainte pour représailles en raison de l’exercice d’un droit protégé par le Code est donc accueillie et l’avis disciplinaire annulé, mais la plainte pour entrave est rejetée.
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