Le Tribunal d’arbitrage a déterminé qu’Air Canada a fait preuve de discrimination en exigeant l’absence de déficience ou de handicap avec limitations fonctionnelles pour être maintenu au travail durant la pandémie de la COVID-19.
Dans l’affaire Association internationale des machinistes et travailleurs de l’aérospatiale, district 140 et Air Canada (Michael Palmer), 2024 QCTA 279 (a. Francine Lamy) (disponible sur SOQUIJ), le Tribunal d’arbitrage rend une décision d’intérêt en matière de discrimination dans le contexte de la pandémie de la Covid-19. Le plaignant est un mécanicien catégorie treize (13) s’occupant de l’entretien des avions. En 2013, il subit un accident du travail, ne conservant aucune limitation fonctionnelle. À son retour au travail, il avait néanmoins informé l’employeur qu’il ne pouvait plus conduire de véhicule automobile en raison des effets secondaires reliés à sa médication pour contrôler ses douleurs résiduelles. Il demande d’être assigné au hangar ou de se déplacer avec un collègue pour se rendre aux avions stationnés à l’extérieur lorsque requis. Cet arrangement lui est effectivement offert de 2016 à 2019, jusqu’à ce que l’employeur y mette un terme par crainte que les effets secondaires, par exemple la somnolence, nuisent à sa vigilance dans l’exercice de ses fonctions. Il est déplacé à d’autres tâches, dans un autre département.
Durant cette nouvelle assignation, l’employeur procède à la mise à pied technique du plaignant dans le contexte de la pandémie de la Covid-19 en avril 2020. En fait, pour constituer les équipes réduites, il a écarté tous les salariés ayant des restrictions fonctionnelles dues à une déficience. Par la suite, le plaignant n’a pas été rappelé, au motif que les effets de sa médication devaient être évalués avant de décider de son assignation. L’enjeu a été résolu en juin 2021 lorsque le plaignant a été réintégré à son poste de mécanicien de catégorie 13.
C’est dans ce contexte que le syndicat dépose un grief afin de contester la mise à pied, invoquant la discrimination fondée sur la déficience, un motif de distinction illicite en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (ci-après, la « Loi »).
Le Tribunal conclut qu’il n’est pas acceptable, même dans les situations difficiles, voire sans précédent et imprévisibles, que tous les employés souffrant d’une déficience avec limitations fonctionnelles soient retirés en bloc du travail aux fins de la mise sur pied d’équipes réduites. L’arbitre reconnait que l’employeur pouvait procéder à des mises à pied techniques vu l’immobilisation forcée de plusieurs avions durant la pandémie. Or, la convention collective prévoit que l’employeur devait maintenir en poste les employés ayant le plus d’ancienneté, notamment le plaignant.
L’employeur reconnait qu’il a outrepassé cet ordre, expliquant que de garder les employés ayant des limitations fonctionnelles créait une contrainte excessive. Le Tribunal n’adhère pas à ces prétentions et les réfute après avoir analysé un test en trois étapes. Pour prouver la discrimination, le salarié doit : 1) posséder une caractéristique protégée par la Loi ; 2) avoir subi un effet préjudiciable relativement à son emploi; et 3) établir que la caractéristique protégée, ici la déficience, constitue un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. L’arbitre fait une revue des principes directeurs en matière d’accommodement raisonnable et de ceux applicables au régime d’indemnisation des travailleurs.
Le grief est accueilli. Le tribunal ordonne à l’employeur de verser au plaignant le salaire perdu depuis sa mise à pied jusqu’à sa réintégration.
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