Dans la décision Boisvert c. Shawinigan Aluminium inc., 2025 QCTAT 1202 (j.a. Annie Laprade), le Tribunal administratif du travail rend une ordonnance provisoire fondée sur les articles 3, 12 à 14 et 111.33 du Code du travail de l’article 9 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail dans le contexte d’une plainte en vertu des articles 15 et suivants du Code du travail.
Les parties demanderesses, soit le syndicat et deux de ses représentants (le président et le représentant santé et sécurité), allèguent que l’employeur a entravé leurs activités syndicales et qu’il a exercé des mesures de représailles à leur égard en les congédiant pour avoir exercé des droits résultant du Code. Les demanderesses réclament la réintégration immédiate des deux représentants syndicaux dans leur emploi et l’accès au local syndical, jusqu’au prononcé de la décision finale.
Le Tribunal rappelle d’entrée de jeu qu’en matière de relations de travail, le pouvoir d’ordonner la réintégration permet de rétablir le rapport de forces entre les parties et de sauvegarder leurs droits. La partie qui requiert une ordonnance provisoire doit établir :1) une apparence de droit ; 2) la probabilité de subir un préjudice sérieux ou irréparable en l’absence d’ordonnance ; et 3) la prépondérance des inconvénients qu’elle subit par rapport à ceux qu’encourent l’autre partie en l’absence d’ordonnance. La démonstration d’une urgence n’est pas essentielle, mais peut aider dans l’appréciation des autres critères.
Le Tribunal conclut à l’illégalité apparente de la fin d’emploi des représentants syndicaux, à la lumière de la preuve principalement constituée de déclarations assermentées. Le représentant santé et sécurité aurait été congédié pour avoir fait preuve d’intimidation et de comportements inacceptables. Or, le Tribunal juge qu’aucun des faits à l’origine de ces reproches n’a été précisé de quelque façon et le travailleur n’a pas eu l’occasion de fournir sa version des faits. Le même jour, le président du syndicat est suspendu sans solde pour des allégations de harcèlement, d’absentéisme, d’incivilité d’entrave à la production et autres, pour être finalement congédié. Le Tribunal retient que plusieurs motifs de congédiement semblent reposer sur les fonctions syndicales des deux élus et des responsabilités qui en découlent.
En ce qui a trait au préjudice sérieux ou irréparable, la juge administrative Laprade précise que le présent litige met en cause les droits syndicaux et non ceux des salariés d’avoir été congédiés. L’absence d’ordonnance empêcherait le syndicat d’exercer pleinement ses activités. Qu’en est-il ? Le Tribunal nuance ses conclusions par rapport au président et au représentant santé et sécurité.
Concernant le président, le Tribunal fait droit à la demande d’ordonnance et ordonne la réintégration. Ce dernier est président depuis 20 ans. Du jour au lendemain, il se trouve empêché d’accéder au local syndical et ainsi, le syndicat se trouve en position de vulnérabilité. Il était par ailleurs le dernier représentant du comité de relations du travail. À défaut d’ordonnance, le déséquilibre du rapport de force se prolongera indûment.
Concernant le représentant santé et sécurité, le Tribunal rejette la demande d’ordonnance provisoire. Le plaignant a tardé à présenter sa demande durant près de 4 mois après le congédiement. Rien ne démontre que le syndicat subit un préjudice dû à son absence.
Enfin, au niveau de la prépondérance des inconvénients, ceux vécus par le syndicat prévalent sur ceux de l’employeur.
Le Tribunal considère qu’il est nécessaire d’intervenir et ordonne à l’employeur de cesser d’entraver les activités du syndicat et de réintégrer le président.
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