Protection législative offerte à un stagiaire qui s’absente pour cause de maladie et pour prendre soin d’un enfant

13 août 2024

Le Tribunal administratif du travail a conclu que le Cégep de Trois-Rivières n’a pas repoussé la présomption selon laquelle un étudiant en soins infirmiers a échoué à son stage en médecine ambulatoire en raison d’absences pour cause de maladie et pour prendre soin d’un enfant, lesquelles sont protégées par la Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail. Sa réintégration dans le stage est ordonnée.

 

Dans la décision Cloutier c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec, 2024 QCTAT 2421 (j. a. Annie Laprade), un étudiant inscrit au programme Technique de soins infirmiers du Cégep de Trois-Rivières (ci-après, le « Cégep »), échoue un stage effectué au CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

Le stagiaire prétend que l’échec de son stage découle de ses absences protégées en vertu de l’article 20 de la Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail (ci-après, la « Loi »), qui interdit à un employeur, un établissement d’enseignement ou un ordre professionnel de mettre fin à un stage, de congédier, de suspendre ou de déplacer un stagiaire, d’exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles ou de lui imposer toute autre sanction à cause de l’exercice, par le stagiaire, d’un droit qui résulte de la Loi[1]. Le droit protégé est celui de s’absenter pour cause de maladie ou pour des raisons familiales ou parentales. Celui-ci est prévu à l’article 11 de la Loi.

Par sa requête, le demandeur recherche le retrait de la mention d’échec de son dossier académique et disciplinaire, le droit de réintégrer le cours échoué au stade du second bloc de stage, et ce, avec un enseignant responsable autre que celui à l’origine de la décision contestée. Le demandeur réclame également des dommages moraux de 2 500$ pour le préjudice subi.

Le Tribunal doit ainsi répondre à plusieurs questions, notamment, celle-ci : les conditions donnant ouverture au recours et à l’application de la présomption voulant que l’échec du stage du stagiaire soit la conséquence de l’exercice d’un droit protégé par la Loi sont-elles satisfaites ?

Afin de faciliter la preuve de représailles faites en contravention de l’article 20 de la Loi, cette dernière prévoit une présomption simple[2] qui s’applique lorsque le stagiaire établit avoir exercé un droit prévu à la Loi et qu’il a été victime d’une sanction de façon simultanée. Il appartient alors à l’employeur ou à l’établissement d’enseignement de prouver que cette sanction ou mesure a été prise pour « une autre cause juste et suffisante ».

Pour le CIUSSS, le fait de recevoir la mention « échec de stage » à son évaluation de mi-stage ne constitue pas une sanction au sens de l’article 20 de la Loi. En effet, à son avis, le fait de mettre fin à un stage serait une notion fort différente de celle d’évaluer un stage.

Le Tribunal estime que le demandeur a fait la preuve des conditions d’ouverture du recours et de l’application de la présomption d’une pratique interdite. En effet, la preuve démontre que le stagiaire a exercé un droit au sens de la Loi en s’absentant au cours de son stage pour assurer la garde d’un enfant et pour cause de maladie. Ces absences sont protégées par l’article 11 de la Loi. Également, l’imposition d’une sanction est prouvée puisque le Tribunal conclut que l’emploi des termes « mettre fin à un stage » à l’article 20 ne restreint pas les conditions d’ouverture au recours, aux seules évaluations qui interrompent un stage. Quant à la concomitance entre l’exercice du droit et la mesure, le Tribunal estime qu’elle ne fait aucun doute, les plus récentes absences du stagiaire étant survenues moins d’une semaine avant l’évaluation qui a entrainé l’échec de son stage.

Le Tribunal conclut que le Cégep n’a pas démontré qu’il n’y avait aucune relation entre l’échec du stage et l’exercice du droit du stagiaire de s’absenter, ainsi, la présomption selon laquelle l’étudiant en soins infirmiers a échoué son stage en médecine ambulatoire en raison d’absences pour cause de maladie et pour prendre soin d’un enfant, lesquelles sont protégées par la Loi, n’est pas repoussée.

Le stagiaire a-t-il droit à aux dommages moraux qu’il réclame?

Le Tribunal est d’avis que l’article 30, alinéa 2 de la Loi, contrairement à ce que plaide le Cégep, lui permet d’ordonner le versement de dommages moraux au stagiaire victime d’une pratique interdite, lorsque les circonstances le justifient. L’alinéa 2 de l’article 30 prévoit que le Tribunal peut rendre toute décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu des circonstances de l’affaire. Il s’agit d’une disposition réparatrice qui doit être interprétée de manière libérale. Par ailleurs, le texte cet article est comparable à celui de l’article 128 (3) de la Loi sur les normes du travail (LNT) qui constitue l’assise du pouvoir du Tribunal d’ordonner le versement de dommages moraux au salarié congédié sans cause juste et suffisante.

Le Tribunal juge cependant qu’en l’espèce, le stagiaire n’a pas prouvé de manière prépondérante l’existence de dommages moraux causés par la décision illégale du Cégep.

Pour ces motifs, la plainte est accueillie. Le Tribunal ordonne au Cégep de supprimer du dossier disciplinaire et académique du stagiaire toutes références à ces échecs, de réintégrer ce dernier dans le stage Médecine ambulatoire du cours Soins ambulatoire et Intégration (180-60P-RI) avec tous ses droits et privilèges, au cours de la session d’automne 2024 et de désigner comme enseignant responsable de ce stage, une autre personne que celle ayant participé à la décision d’octroyer la mention d’échec du stage à l’automne 2022.

 

Text

Notes de bas de page

[1]

Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail, RLRQ, chapitre p-39.3, art. 20 al.1 (1).

[2]

Id., art. 25.

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Milia Langevin

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