Dans la décision Association des policiers et policières du Québec (APPQ) et Sûreté du Québec (C. F.), 2025 QCTA 74, 27 février 2025 (arbitre Me Nathalie Faucher), le Tribunal d’arbitrage est saisi d’un grief dénonçant un abus de pouvoir de la part d’un représentant de l’employeur et de comportements qui constituent du harcèlement envers le plaignant. Le grief reproche également à l’Employeur de ne pas avoir pris les moyens pour faire cesser le harcèlement, contrairement à ses obligations.
Pour sa part, l’employeur estime que l’ensemble des situations rapportées par le plaignant ne constituent pas des comportements vexatoires ni des manifestations de harcèlement, mais sont plutôt des mesures administratives visant à corriger des lacunes professionnelles constatées au niveau de la prestation de travail du plaignant. Elles font donc partie de l’exercice normal de ses droits de gérance.
Le plaignant occupe un poste de sergent-superviseur au sein de la Division des enquêtes régionales Capitale-Nationale-Chaudière-Appalaches de la Sûreté du Québec. Dans sa plainte, il énumère 21 situations où son supérieur l’aurait harcelé, intimidé ou aurait abusé de son autorité.
Cette plainte a par la suite fait l’objet d’une enquête menée par une firme externe dont le rapport conclut à quatre situations démontrant effectivement des conduites vexatoires qui constituent du harcèlement. Le rôle du tribunal est de déterminer si la plainte est fondée et si l’employeur a pris les moyens nécessaires pour faire cesser les situations. Pour ce faire, le tribunal ne peut faire siennes les conclusions du rapport de la firme d’enquête qui sont fondées en grande partie sur du ouï-dire. Il doit réaliser sa propre analyse.
Le fardeau de preuve incombant au syndicat est de démontrer de manière prépondérante certaines situations où les gestes du supérieur répondent aux critères de harcèlement administratif :
- Un comportement ou un geste;
- Qui vise à profiter indûment de son statut, d’une situation de pouvoir ou d’autorité;
- Qui menace, influence ou agit négativement sur divers éléments en lien avec le travail de la victime ou de son entourage;
- Qui est susceptible de compromettre l’emploi, de nuire au rendement, de menacer les moyens d’existence ou d’entraver, ou d’influencer la carrière de la victime.
L’arbitre considère qu’il a été démontré par l’employeur que le plaignant avait des lacunes dans la gestion de ses dossiers. Certaines mesures administratives qui lui ont été imposées par l’employeur relèvent bel et bien de son droit de direction et visaient à l’encadrer, même si le plaignant a pu entretenir des relations conflictuelles avec son supérieur. Plusieurs mesures étaient justifiées par les difficultés observées, notamment l’imposition d’un plan de soutien et d’encadrement.
L’une des situations qui déborde du droit de gérance de l’employeur est le déplacement du plaignant dans une équipe multi. L’employeur a omis de respecter la procédure prévue à la convention collective permettant de déplacer un policier qui ne s’acquitte pas de ses tâches de manière satisfaisante et cette décision a affecté le cours de sa carrière, ce qui constitue du harcèlement administratif. L’arbitre mentionne également que le ton du supérieur est déplacé à certaines occasions.
Au terme de son analyse du dossier, le tribunal retient que les communications se détériorent entre le plaignant et son supérieur à compter de 2015, notamment en ce qu’il haussait souvent le ton de manière injustifiée et même devant des collègues. Il a également laissé voir sa déception, son découragement et son exaspération envers celui-ci. Ce faisant, il a abusé de ses droits de direction et a harcelé administrativement le plaignant.
Le grief est accueilli. Dans le contexte où le supérieur en question est désormais à la retraite, le tribunal ordonne à l’employeur de retirer du dossier personnel du plaignant tout document ayant pu y être déposé en lien avec le harcèlement qu’il a subi et ordonne le paiement d’une indemnité à être déterminée pour les dommages subis.
Text