Dans la décision Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP, 301) c. Ville de Montréal, 2024 QCTAT 4608 (j.a. Maude Pépin Hallé), le Tribunal doit déterminer si la mesure disciplinaire imposée en raison de l’insubordination d’un délégué syndical est justifiée ou si celle-ci constitue une mesure de représailles. Le Tribunal doit donc se pencher sur le débat entre le respect de la convention collective et le devoir de juste représentation qui incombe à un syndicat.
Il s’agit d’une affaire où un délégué syndical a reçu un avis disciplinaire pour insubordination. Celui-ci avait accompagné une salariée (membre du syndicat) dans le cadre d’une rencontre avec sa gestionnaire, et ce malgré les directives de son contremaître et sans avoir obtenu de libération syndicale pour ce faire.
Le plaignant admet avoir contrevenu aux instructions de son contremaître. Toutefois, il invoque qu’il s’agit d’une activité syndicale protégée par le Code du travail. Il y avait à son avis un assouplissement des règles de la convention collective qui s’appliquait en l’espèce. L’employeur invoque plutôt avoir discipliné le représentant uniquement en raison de son insubordination.
Dans le cadre d’un programme visant à amoindrir les effets des biais raciaux dans la gestion des relations de travail dans l’arrondissement de Montréal-Nord, les personnes racisées avaient le droit d’être accompagnées par une personne de confiance lors de toute rencontre avec une personne en autorité. C’est dans ce contexte que le plaignant a fait fi de la directive de son contremaître pour accompagner sa collègue convoquée à une rencontre dans le cadre de ce programme.
Le Tribunal retient de la jurisprudence que « lorsque le représentant syndical démontre avoir exercé de bonne foi ce qu’il croyait être des droits lui résultant du Code et que l’employeur n’en a subi aucun préjudice, il bénéficie de l’immunité à l’encontre de sanctions disciplinaires même s’il peut y avoir un désaccord sur la portée de la convention collective ». En l’espèce, le représentant syndical croyait sincèrement agir en conformité avec son devoir de juste représentation. Il a cru de bonne foi à l’existence de telles mesures d’accommodement pour amoindrir les biais raciaux et leurs conséquences auprès des personnes racisées et il croyait légitimement avoir le devoir d’accompagner la salariée, en particulier au regard de l’état de panique de la salariée à l’idée de rencontrer sa gestionnaire, alors que des plaintes avaient été portées à son encontre par des collègues.
Le Tribunal ajoute que dans des circonstances de désaccord en lien avec l’application de la convention collective, la protection du droit d’association et du représentant syndical doit l’emporter sur le droit de gérance de l’employeur d’invoquer son pouvoir de discipline pour le non-respect d’une directive litigieuse.
Le Tribunal conclut que l’employeur par ses agissements a entravé l’appareil syndical et a imposé une mesure de représailles en imposant un avis disciplinaire au délégué syndical.
Les plaintes d’entrave et celle de représailles aux activités syndicales sont accueillies.
Text