Dans la décision Compagnie Westrock Canada et Unifor, section locale 841 (grief patronal), 2024 QCTA 559, 22 novembre 2024 (a. Me Gabriel-M Côté), le Tribunal d’arbitrage est saisi d’un grief patronal, où l’employeur, qui exploite une entreprise offrant des produits de carton et d’emballage à Ville Mont-Royal, allègue que le syndicat, ses officiers, ses représentants ainsi que les salariés ont mis fin aux usages de maintenir la disponibilité d’un nombre suffisant de salariés pour effectuer le temps supplémentaire requis par la production dans le département de l’onduleuse. Le grief réclame ainsi des dommages pour les pertes encourues sur une période d’environ un mois, entre décembre 2019 et janvier 2020.
Au soutien du grief, l’employeur invoque une contravention à l’article 3.01 de la convention collective qui stipule que le syndicat s’engage à ne pas faire de grève, de grève perlée ou d’arrêt de travail et à ne pas s’ingérer dans la production pendant la durée de la convention collective.
Au surplus, l’employeur considère que le comportement susmentionné contrevient aux articles 107 et 108 du Code du travail. L’employeur a d’ailleurs précisé que son grief s’adresserait non seulement à l’instance locale représentant ses salariés, mais aussi à Unifor, la « centrale » à laquelle le syndicat local est affilié. Le syndicat plaide que le grief est irrecevable en ce qui concerne la « centrale » Unifor, ce à quoi adhère l’arbitre. Le grief ne vise pas la centrale syndicale, mais bien la section locale qui est une entité juridique distincte.
Le débat est circonscrit autour du temps supplémentaire régulièrement et constamment effectué le matin et le soir, de façon à ajouter une (1) heure de production par jour à l’onduleuse. La preuve administrée à l’audience révèle que les demandes de temps supplémentaires ont toujours été acceptées pour débuter les opérations plus tôt que l’horaire conventionné. Cette heure permettait de préparer et mettre en marche la machine. Durant la période en litige, il a été démontré que les salariés refusaient systématiquement le temps supplémentaire, sans motif réel.
Le fardeau de la preuve reposant sur les épaules de l’employeur, l’arbitre considère que ce dernier s’est déchargé de son fardeau.
Le Tribunal note d’abord qu’il est acquis et non contesté qu’un refus concerté de faire du temps supplémentaire requis par l’employeur en vue d’exercer une pression sur ce dernier pour en obtenir des concessions puisse être qualifié de grève, d’arrêt de travail ou de ralentissement de travail illégal. Ce principe demeure, que le temps supplémentaire soit fait sur une base volontaire ou obligatoire.
Dans le présent dossier, le Tribunal conclut qu’il existe des présomptions graves, précises et concordantes permettant de conclure qu’il y avait un mouvement concerté des salariés consistant à refuser d’effectuer des heures supplémentaires comme moyen de pression parce qu’ils étaient insatisfaits des décisions de l’employeur concernant notamment leurs conditions de travail.
L’arbitre prend le soin d’asseoir son raisonnement sur le contexte factuel important et sur les témoignages livrés à l’audience. Il reproduit intégralement dans la décision un « tract » daté du 3 janvier 2020, rédigé par un salarié de l’onduleuse, intitulé « Assez c’est Assez », par lequel il invitait ses collègues à refuser de faire du temps supplémentaire pour une période indéterminée, dénonçant plusieurs irritants en lien avec les conditions de travail.
L’arbitre souligne qu’aucun officier du syndicat n’a posé de gestes concrets pour inviter les salariés à mettre fin à ce qui apparaît être un moyen de pression en lien avec du mécontentement des salariés et du syndicat lui-même concernant les conditions de travail. Le syndicat est tenu de prendre les moyens nécessaires pour empêcher le déclenchement d’une grève illégale.
Le grief patronal est donc accueilli et l’arbitre réserve sa compétence quant au quantum des dommages.
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