Sollicitations répétées d’adhésion obligatoire en période de maraudage

18 juin 2025

Dans la décision Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) et Centre de recherche de l’Hôpital Douglas, 2025 QCTAT 494, 7 février 2025 (j.a. Véronique Girard), le syndicat dépose, le 10 octobre 2024, une requête en accréditation qualifiée de défensive afin de conserver l’accréditation qu’il détient depuis 2018 auprès du Centre de recherche de l’hôpital Douglas, l’employeur, visant à représenter : « Tous les salariés au sens du Code du travail du Québec, y compris ceux recrutés par un chercheur ou un organisme voué à la recherche et dont la rémunération provient d’un fonds de recherche, à l’exclusion des stagiaires postdoctoraux».

Cette requête fait suite à une demande en révocation déposée le 7 juin 2024 en vertu de l’article 41 du Code du travail (ci-après : le « Code ») par les intervenantes qui contestent le caractère représentatif du syndicat. 

Ces requêtes ont été déposées durant la période de maraudage prévue à l’article 22 c) du Code. La convention collective conclue en 2019 et en vigueur jusqu’en 2022 était échue depuis plus de neuf mois au moment du dépôt. En 2024, l’agent de relations du travail du TAT a conclu que le syndicat ne regroupait plus la majorité absolue des salariés de l’unité. L’AFPC conteste d’abord la demande de révocation, soutenant, d’une part, que la perte de représentativité résulte d’une entrave de l’employeur au sens de l’article 12 du Code et, d’autre part, que les démissions invoquées seraient invalides.

Toutefois, le syndicat se désiste peu avant l’audience, admettant que l’entrave présumée n’a finalement pas eu d’impact sur son caractère représentatif. En conséquence, le Tribunal révoque l’accréditation, puisque les conditions prévues à l’article 41 du Code du travail sont remplies.

L’employeur refuse de consentir à l’unité proposée par le syndicat, dont le libellé est pourtant le même que celui de l’accréditation détenue de 2018 à 2024. Il souhaite y ajouter une exclusion quant aux étudiants dans un programme universitaire travaillant sur des postes occasionnels ou temporaires qui, selon lui, n’ont pas de communauté d’intérêts avec les autres personnes salariées de l’unité. Or, le Tribunal conclut que l’employeur ne démontre ni l’inviabilité de leur inclusion ni un risque pour la paix industrielle et rejette donc sa contestation.

Quant au caractère représentatif, l’AFPC prétend avoir retrouvé sa majorité en date du 10 octobre 2024. Toutefois, l’enquête de l’agent de relations du travail révèle que le syndicat a posé des gestes problématiques, notamment par l’envoi de multiples courriels et d’appels mentionnant que la signature de la carte de membre constituait une condition d’emploi.

Les parties intervenantes allèguent que le syndicat a agi en contravention aux articles 3 et 13 du Code en brimant le droit des personnes salariées de choisir librement de s’associer ou non à lui et demandent que le Tribunal ordonne un vote au scrutin secret afin de vérifier le caractère représentatif du syndicat.

C’est en date du 13 décembre 2024, lors de  audience, qu’une autre association dirigée par les parties intervenantes, le Regroupement des professionnels du Centre de recherche de l’hôpital Douglas (ci-après : le « Regroupement ») dépose une requête en accréditation pour la même unité. Les intervenantes requièrent qu’un vote au scrutin secret soit tenu entre les deux associations tandis que l’AFPC soulève l’irrecevabilité de la requête.

Pour établir si un vote au scrutin secret est requis, le Tribunal doit d’abord déterminer si, en période de maraudage, l’association accréditée peut invoquer une clause d’adhésion syndicale (dite clause d’atelier syndical) prévue à la convention collective pour solliciter l’adhésion des nouveaux salariés, notamment par l’envoi périodique de courriels leur étant adressés dans le but de regagner une majorité menacée. La clause prévoit que toute personne salariée de l’unité, telle que définie, doit être membre du syndicat pendant la durée de la convention collective, y compris les nouvelles personnes salariées.

Or, en période de maraudage, cette clause ne peut plus s’appliquer sans contrevenir à la liberté d’association des personnes salariées. En l’espèce, l’AFPC justifie sa sollicitation par cette clause et envoie des courriels entre septembre 2021 et juin 2022, puis en 2024, utilisant des termes tels que « doit », « adhésion obligatoire», « action requise » et « mandatory thing to do for my employment » dans ses messages. Le syndicat invoque le caractère obligatoire de l’adhésion avant la signature du premier quart de travail.

Pour donner suite à une demande de vérification du caractère représentatif du syndicat en vertu de l’article 41 du Code et la conclusion de l’agent de relations de travail sur la majorité absolue des salariés, les intervenantes déposent une requête en révocation contenant 133 démissions.

Une série de courriels envoyés par le Syndicat suivra, sollicitant les nouveaux employés ainsi que ceux qui ne sont pas membres et continuant d’invoquer le caractère obligatoire de l’adhésion au syndicat en s’appuyant sur la convention collective.

Bien que certains salariés aient témoigné avoir vécu de l’intimidation, le Tribunal juge que leur adhésion repose sur d’autres motifs. Cependant, le Tribunal considère que les mots employés dans les courriels de sollicitation étaient trompeurs et visaient indûment à susciter des craintes et un sentiment d’urgence à adhérer à l’unité. En effet, il y a concomitance entre l’envoi répété de courriels et les adhésions obtenues. Il y a un doute sérieux quant au caractère représentatif du syndicat, en raison de l’impact des gestes posés par celui-ci sur l’adhésion d’un nombre significatif de personnes salariés. 

En somme, le Tribunal conclut qu’il s’agit d’une manœuvre contraire au Code du travail en ce qu’elle contrevient à la liberté d’association des personnes salariées membres de l’unité de négociation qu’il représente. La juge Girard ordonne la tenue d’un vote au scrutin secret auprès de tous les salariés du Centre de recherche de l’Hôpital Douglas visés par cette unité de négociation.

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