Dans la décision Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est (CISSS), 2024 QCTA 240, (disponible sur SOQUIJ, a. Isabelle Leblanc) le plaignant, un technicien en éducation spécialisée offrant ses services à domicile à une clientèle composée de personnes âgées, conteste sa suspension avec solde pour fins d’enquête à la suite d’allégations d’inconduite sexuelle envers une usagère.
Les parties contestent devoir supporter le fardeau de preuve en la matière. L’arbitre conclut que c’était à l’employeur d’apporter la preuve que cette suspension était justifiée. Sur le fond, l’arbitre rejette le grief dans la mesure où cette suspension était justifiée.
De fausses allégations ont été portées à l’encontre du plaignant, ce qui l’amena par ailleurs en arrêt de travail pour lésion psychologique.
Cela dit, en raison de son devoir de protection des intérêts légitimes de l’entreprise, de sa clientèle et de la préservation de la mission de l’établissement, l’employeur était en droit de suspendre administrativement le plaignant en raison des allégations sérieuses qui pesaient à l’encontre du plaignant. Dans les circonstances, les motifs invoqués par l’employeur tels que la gravité de la dénonciation, la vulnérabilité de l’usagère et la nature du travail du plaignant qui implique qu’il se retrouve seul avec la clientèle étaient suffisants pour justifier la suspension aux fins d’enquête.
L’arbitre rejette les arguments du syndicat à l’effet que l’employeur n’a pas suffisamment explicité les évènements à l’origine de la suspension et qu’il avait toute l’information nécessaire pour imposer une mesure disciplinaire au moment de la suspension.
L’arbitre considère que le plaignant connaissait la nature des allégations qui ont mené à la suspension et que l’employeur était en possession d’informations sommaires au moment de l’imposition de la mesure administrative. En effet, la convention collective n’impose pas le même degré de précision d’information au salarié qui se voit imposer une mesure disciplinaire. Ainsi, le processus d’imposition d’une mesure administrative est caractérisé par une plus grande souplesse que le processus disciplinaire.
Selon la preuve prépondérante du dossier, l’employeur devait approfondir son enquête, notamment afin de s’assurer que ces allégations ne concernaient qu’une seule dénonciation. En raison de la nature de son travail en contact direct avec sa clientèle, une relocalisation au sein de l’entreprise était inenvisageable.
De plus, le fait que l’usagère ait été déclarée inapte en raison d’une démence et de problèmes cognitifs ne pouvait justifier que l’employeur prenne à la légère un tel signalement. L’employeur a donc agi par nécessité afin de préserver les intérêts de sa clientèle. Il a aussi agi en toute bonne foi et s’est assuré d’acheminer au plaignant une correspondance afin de confirmer l’absence de mesure disciplinaire une fois l’enquête terminée.
Bien que le plaignant ait été grandement affecté par ces fausses allégations, la décision de l’employeur de le suspendre à des fins d’enquête était raisonnable.
Text