Dans la décision E. L. et Pekuakamiulnuatsh Takuhikan, 2025 QCTAT 3128 (j.a. Valérie Lajoie), plaidée avec succès par Me Béatrice Proulx, avocate au sein de notre cabinet, le Tribunal administratif du travail (ci-après, TAT) infirme la décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après la CNESST), déclarant ainsi que la demanderesse a subi une lésion professionnelle.
Dans cette affaire, le TAT a considéré qu’une accumulation d’événements découlant d’une suspension de permis de conduire constituait un événement imprévu et soudain à l’occasion du travail et qu’il en a résulté une lésion professionnelle de nature psychique.
La travailleuse en question est policière au sein de la communauté Pekuakamiulnuatsh Takuhikan depuis 1998. En juillet 2022, elle reçoit un diagnostic d’épilepsie nocturne. Ce diagnostic engendre une suite d’événements malencontreux qui vont mener à son impossibilité d’occuper le poste de policière.
Malgré le diagnostic, la neurologue ayant examiné la salariée insiste sur la capacité de cette dernière à effectuer un travail de bureau qui ne nécessite pas de conduire. Tant physiquement que psychologiquement, la policière est capable de travailler.
Pourtant, comme l’explique le Tribunal, les événements qui s’enchaînent sont nombreux et affectent la travailleuse : la SAAQ suspend son permis de conduire pour une période pouvant aller jusqu’à cinq ans, elle entreprend des démarches pour récupérer son permis, mais elle essuie un refus du premier palier décisionnel de la SAAQ, l’employeur la suspend de ses fonctions, elle est dans l’impossibilité d’accéder à un poste d’avancement et, finalement, elle se voit dans l’impossibilité d’exercer son travail de policière.
Ces événements, ainsi que l’attitude fermée de l’employeur au fil de ceux-ci, ont eu un réel impact sur la santé mentale de la demanderesse. Ces circonstances atteignent leur point culminant en novembre 2024, lorsqu’une docteure lui diagnostique un trouble d’adaptation, attribuant celui-ci à sa situation vécue au travail.
L’enjeu principal du dossier était de savoir si l’accumulation des événements constituait un accident du travail, lequel exige de démontrer un événement imprévu et soudain survenu par le fait ou à l’occasion de son travail et qui a entraîné la lésion alléguée.
En l’espèce, le TAT a répondu par l’affirmative à cette question, soulignant que la suspension de son permis de conduire avait eu un tel impact en raison de sa qualité de policière, puisque posséder un permis constitue une exigence pour occuper cet emploi. Cette suspension de permis, combinée à ses effets subséquents, constitue un événement imprévu et soudain objectivement traumatisant ayant mené au développement d’un trouble d’adaptation.
Pour ces mêmes raisons, le Tribunal a également considéré que les événements en question sont survenus à l’occasion de son travail de policière.
En somme, le TAT a infirmé la décision de la CNESST et a conclu que la demanderesse avait subi une lésion professionnelle et qu’elle avait droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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