Théoret et Troke c. Larochelle

27 juin 2016

Alors que les supports médiatiques prônent et exigent un travail policier sans faille, au summum de toutes les exigences professionnelles, le Tribunal d’appel en matière de déontologie policière rappelle que « comme tout professionnel, le policier n’est pas à l’abri d’une erreur ».

Commissaire à la déontologie policière c. Théoret (Comité de déontologie policière)

 

Suivant un appel routinier de bruit provenant du voisinage, les policiers se rendent à l’appartement visé. Au départ poli, le locataire accepte de remettre une pièce d’identité aux policiers à leur demande. En peu de temps, le comportement du locataire s’envenime alors qu’il devient très en colère, pointant du doigt le visage d’un des policiers à moins de vingt centimètres. Les policiers ont dû intervenir physiquement pour maîtriser l’homme. Pendant l’altercation, ne parvenant pas à contrôler l’homme, un jet de poivre de Cayenne est utilisé.

Le Comité de déontologie policière conclut qu’ils n’ont pas respecté l’autorité de la loi en exigeant du locataire, sans droit, qu’il fournisse des renseignements permettant de confirmer son identité. En interprétant le Code de procédure pénale, le Comité soutient qu’en règle générale la déclaration du nom et de l’adresse est la première étape obligatoire à franchir avant d’exiger une pièce d’identité. Et puisque cette étape n’a pas été franchie, il est d’avis que « le fait d’escamoter cette étape et de requérir sans motif raisonnable une ou des pièces d’identité constitue une ignorance inacceptable de règles élémentaires applicables quotidiennement et que ne peut excuser une défense de bonne foi ».

Reprochant entre autres l’absence d’avertissements préalables, il a également décidé que les agents ont légalement utilisé la force contre l’individu mais qu’ils ont abusé de leur autorité en ayant eu recours à une force plus grande que nécessaire pour accomplir ce qui leur était permis ou enjoint de faire.

Théoret et Troke c. Larochelle (Cour du Québec)

 

La Cour du Québec a infirmé en totalité les conclusions de dérogations émises par le Comité de déontologie en rappelant plusieurs principes fondamentaux dans l’analyse du travail policier.

Erreur d’interprétation de la loi

 

Pour qu’il y ait faute déontologique, il faut plus qu’une erreur d’interprétation de la loi.

Le Tribunal d’appel a retenu que le policier, comme tout professionnel, doit chercher à atteindre des standards élevés, mais n’est pas à l’abri d’une erreur. Pour que cette erreur soit considérée comme une faute déontologique, il faut qu’elle soit suffisamment grave pour entacher la moralité ou la probité professionnelle de l’agent.

En quoi le fait d’exiger une pièce d’identité, dans le contexte ou l’individu ne refuse pas de s’identifier, constitue-t-il une erreur suffisamment grave pour entacher la moralité ou la probité professionnelle de l’agent? En quoi cette faute ou erreur d’application de la loi présente-t-elle un caractère de malice s’apparentant à de la mauvaise foi, ou de négligence désinvolte s’apparentant à une incompétence grossière, pour équivaloir à un manquement déontologique? Ce sont toutes ces questions qui ont mené le Tribunal d’appel à infirmer la décision du Comité de déontologie.

Force plus grande que nécessaire

 

Dans la décision maintenant renversée, le Comité considérait que les étapes préliminaires à l’utilisation de la force devaient être respectées « sans faille ». De ce fait, il érigeait en obligation de résultat les diverses étapes précédant l’utilisation de la force, dont l’avertissement verbal préalable.

Rappelons que les policiers n’assument pas une obligation de résultat dans l’exercice de leurs fonctions. Il leur est même permis de faire erreur.

Le tableau de l’emploi de la force fait appel à la faculté de discernement du policier.

Il faut se garder de penser que le niveau de résistance du contrevenant est une donnée statique. Bien au contraire, elle évolue au cours de l’intervention policière et oblige le policier à adapter l’utilisation de la force.

En somme, le Tribunal d’appel retient qu’il peut arriver qu’un policier soit confronté à une situation où la résistance du contrevenant nécessite un niveau d’intervention où il doit être coercitif. Il est alors inimaginable qu’il suive « sans faille » les étapes préliminaires aux divers échelons de l’emploi de la force. L’urgence d’agir doit alors le guider.

« Il faut se garder d’évaluer l’action policière en donnant trop de poids au recul confortable qu’offre la quiétude d’un bureau, par opposition à l’action de la rue. »

Sur cette citation abondamment reconnue, le Tribunal d’appel infirme la décision du Comité de déontologie policière et conclut que la conduite des agents ne constitue pas un acte dérogatoire au Code de déontologie des policiers du Québec.

 

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