Veille du 27 février 2024

27 février 2024

 

PAR ME SHARLIE LAFRANCE

 

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Centre de services scolaire de Montréal c. Alliance des professeures et professeurs de Montréal, 2023 QCCS 4577

Disponible ici :  <https://canlii.ca/t/k1jl8>.

Dans le contexte de la grève illimitée votée par les syndicats affiliés à la Fédération autonome de l’enseignement en novembre 2023, la Cour supérieure est saisie d’une demande pour ordonnance d’une injonction provisoire afin que le droit de grève des enseignants soit exercé dans le respect des droits du Centre de services scolaire de Montréal (ci-après « CSSDM »).

Par ce fait même, le CSSDM indique que l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal et ses membres lui occasionne un préjudice sérieux. À titre d’exemples, l’accès aux bâtiments par les personnes non visées par la grève était difficile, les espaces de certains stationnements étaient bloqués, le piquetage se faisait en grande partie sur les terrains des établissements et même que certains dispositifs, dont des tie-wrap, ont été utilisés pour empêcher l’ouverture des portes.

Afin de rendre une ordonnance d’injonction provisoire, plusieurs critères doivent être satisfaits. Tout d’abord, il doit y avoir le caractère d’urgence de sorte à convaincre le Tribunal que les droits du demandeur seront irrémédiablement perdus ou affectés sérieusement si rien n’est fait jusqu’à l’audience sur la demande interlocutoire. La Cour considère que ce critère est satisfait, notamment puisque les gestes des grévistes nuisent aux opérations qui sont nécessaires à l’entretien de certains bâtiments.

Ensuite, le critère d’apparence de droit nécessite une analyse préliminaire du fond du litige. À ce stade, il faut que soit établi qu’il existe une question sérieuse à faire trancher par le Tribunal. Ce critère est satisfait en l’espèce, puisque la demande est appuyée par des déclarations assermentées des représentants du CSSDM et des photographies des lieux.

Quant au préjudice sérieux, les représentants du CSSDM soutiennent que les travaux nécessaires, entre autres, l’installation de systèmes de ventilation, de chauffage et de climatisation, sont grandement affectés par les grévistes, de sorte que le préjudice invoqué s’étend jusqu’au bien-être des élèves. La Cour considère également que ce critère est satisfait.

Finalement, dans l’évaluation du critère de la prépondérance des inconvénients, le Tribunal doit vérifier laquelle des parties subira le plus grand préjudice si la demande provisoire est acceptée ou refusée. En l’espèce, le Tribunal convient qu’aucun inconvénient ne serait subi par l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal et ses membres afin de respecter les conclusions recherchées par la demande.

La demande d’injonction provisoire est donc accueillie et il est notamment ordonné aux grévistes de permettre le libre accès aux bâtiments et aux terrains des établissements scolaires concernés, de s’abstenir de toute forme de piquetage sur les terrains des établissements scolaires, de cesser d’apostropher les individus qui se présentent pour effectuer des travaux de construction et de s’en approcher à moins d’un mètre, de cesser de photographier ou filmer ces individus, de cesser de retirer les plaques d’immatriculation de leurs véhicules et d’incommoder volontairement ces individus.

 

Ducharme, 2024 QCTAT 352 (CanLII)

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/k2nds>

Dans cette décision, le Tribunal administratif du travail doit déterminer si la travailleuse possède un motif raisonnable d’être relevé de son défaut de produire sa réclamation dans le délai de six mois prévu par l’article 272 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après « LATMP »).

En 1995 ou 1996, la travailleuse consulte un oto-rhino-laryngologiste (ci-après « ORL ») qui lui apprend qu’elle souffre d’une atteinte auditive, qui est fort probablement d’origine professionnelle. La travailleuse déposera toutefois sa réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après « CNESST ») le 14 décembre 2021, soit près de 25 ans plus tard.

La Tribunal rappelle qu’un travailleur peut être relevé de son défaut de déposer sa réclamation dans le délai imparti s’il démontre un motif raisonnable et si l’employeur n’en subit aucun préjudice grave.

Lors de son témoignage, la travailleuse indique avoir été sous l’emprise d’un conjoint très autoritaire et intimidant pendant toutes ces années. Celui-ci l’empêchait de s’adresser à la CNESST afin de pouvoir être indemnisée des conséquences reliées à sa surdité. Suivant le décès de son mari, survenu en mai 2020, la travailleuse s’est finalement décidée à ouvrir son dossier à la CNESST. Or, ses démarches ont été retardées dues à la pandémie de Covid-19. En effet, la travailleuse était âgée de 85 ans en 2020, ce qui la rendait plus vulnérable dans les circonstances et ainsi, a complexifié ses démarches. La travailleuse a donc déposé sa réclamation la même journée où elle a rencontré sa docteure spécialiste, ORL, en décembre 2021 démontrant qu’elle attendait de rencontrer sa médecin avant de transmettre sa réclamation à la CNESST. Le Tribunal considère que les motifs invoqués pour justifier de son retard, bien qu’ils soient hors norme, sont raisonnables.

La réclamation de la travailleuse est ainsi déclarée recevable.

 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Fraternité des policiers et policières de la ville de Québec c. Québec (Ville), 2024 CanLII 11312 (QC SAT) 

Décision disponible ici : <https://canlii.ca/t/k2w81>

Le présent litige s’inscrit dans le cadre d’une audience d’un grief qui reproche à l’employeur son omission de transmettre à la plaignante un avis d’enquête conformément à l’article 27 de la convention collective. L’enquête disciplinaire portait sur une plainte en harcèlement psychologique déposée par la plaignante qui s’était avérée irrecevable.

La Fraternité des policiers et policières de la ville de Québec désirant obtenir la divulgation de certains échanges courriel liés à l’enquête, se trouve confrontée à une objection de l’employeur qui prétend à la protection étendue du secret professionnel. Le Tribunal d’arbitrage doit donc trancher cette question interlocutoire.

Les points en litige se résument ainsi : est-ce que les différents échanges entre la Directrice de la Division de la formation et du développement organisationnel de l’employeur (ci-après la « Directrice »), et les deux avocats-enquêteurs de la firme externe réalisant l’enquête en harcèlement psychologique sont couverts par le secret professionnel ou le privilège relatif au litige?

Ces mêmes questions sont aussi soulevées pour les courriels entre la Directrice et l’avocate du Service des ressources humaines lui demandant de lui transmettre les notes et documents relatifs au dossier disciplinaire de la plaignante.

Tout d’abord, en ce qui a trait au privilège relatif au litige, il est clair pour le Tribunal que l’employeur y a renoncé explicitement. En effet, la convention collective prévoit qu’à partir du moment où un document ou une note se trouve au dossier du salarié, il doit lui être transmis.

Ensuite, concernant le privilège de la consultation juridique, il faut se demander si la relation entre la Directrice et les avocats-enquêteurs est une relation avocat-client ou si le mandat en est un d’investigation. Or, il est clair pour le Tribunal que les enquêteurs possèdent un rôle qui revêt un caractère davantage impartial et neutre. Il ne peut s’agir d’une relation d’aide entre un avocat et un client.

Ainsi, l’objection de l’employeur concernant la transmission des courriels échangés entre la Directrice et les avocats-enquêteurs est rejetée. Une copie de l’ensemble des courriels devra être divulguée à la Fraternité.

Toutefois, la nature de la relation entre la Directrice et l’avocate des ressources humaines est différente. Dans ses motifs, le Tribunal retient que l’avocate pouvait prodiguer des conseils, interpréter la convention collective et répondre à toutes questions en lien avec le présent litige. S’agissant de la nature même de la relation-avocat client, l’ensemble de ses communications est protégé par le secret professionnel. Les échanges ne pourront pas être divulgués à la Fraternité. L’objection de l’employeur concernant la transmission des courriels entre la Directrice et l’avocate des ressources humaines est donc accueillie.

 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Fédération des employés du préhospitalier du Québec (FPHQ) et Groupe Alerte Santé inc., 2024 QCTAT 512 (CanLII) 

Décision disponible ici : <https://canlii.ca/t/k2xl5>

La Fédération des employés du préhospitalier du Québec (ci-après « FPHQ ») est accréditée pour représenter les répartitrices et répartiteurs médicaux d’urgence (ci-après « RMU ») ainsi que les chefs d’équipe du Groupe Alerte Santé inc. La convention collective entre les parties est échue depuis le 31 mars 2022 et donc, en janvier 2023, la FPHQ informe le Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT ») qu’il déclenchera une grève à durée indéterminée. Ainsi, depuis le 26 janvier 2023, ces salariés sont en grève.

Les parties se sont préalablement entendues sur les services essentiels à maintenir durant la grève et le 23 janvier 2023, le TAT a déclaré qu’ils étaient suffisants pour que la santé ou la sécurité publique ne soit pas mise en danger. L’entente indique les services et tâches des RMU qui ne seront plus effectués pendant ladite grève.

Le TAT est appelé à vérifier si, depuis le 6 février 2024, les services essentiels sur lesquels porte l’entente sont respectés par les RMU. En effet, ceux-ci débutent maintenant leurs appels avec les techniciens ambulanciers, lorsque la situation nécessite une communication entre eux, comme suit : « RMU en grève, à l’écoute » ou « Centrale en grève, à l’écoute ».

L’article 111.16 du Code du travail prévoit que le Tribunal peut faire enquête sur une grève au cours de laquelle les services essentiels prévus à une entente ne seraient pas rendus, à la demande d’une partie. Suivant l’article 111.17 du Code du travail, le Tribunal peut rendre une ordonnance pour le respect de l’entente, le tout, après avoir entendu les parties.

Or, les observations de l’employeur ne permettent pas au Tribunal de conclure que les opérations des RMU ne se font plus ou ont pris du retard, simplement à cause de cette nouvelle façon de débuter leur communication. Ainsi, aucune intervention du Tribunal n’est nécessaire.

La demande d’intervention du Groupe Alerte Santé inc. est donc rejetée.

Le cabinet RBD représentait la Fédération des employés du préhospitalier du Québec (FPHQ) ainsi que les parties défenderesses dans ce dossier.

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