SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, Section locale 571 (SEPB) CTC-FTQ c. Montréal (Ville), 2023 QCTA 412
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/k0dc8>
La convention collective prévoit qu’une salariée enceinte a droit à un congé de maternité sans traitement de 20 semaines, et qu’elle peut recevoir une indemnité complémentaire égale à la différence entre 90% de son traitement hebdomadaire et la prestation d’assurance parentale qu’elle reçoit ou pourrait recevoir, mais sans dépasser 20 semaines. Or, le Régime québécois d’assurance parentale (ci-après, « RQAP ») n’octroie des prestations de maternité que pour 18 ou 15 semaines (selon le régime choisi).
Le litige porte sur les prestations postérieures à 18 ou 15 semaines. Le syndicat estime que l’employeur est tenu de payer une indemnité valant 90% du traitement hebdomadaire des salariées enceintes durant deux ou cinq semaines afin qu’elles puissent bénéficier d’un congé de maternité durant lequel elles reçoivent, pendant 20 semaines, 90% de leur traitement hebdomadaire. L’employeur considère plutôt que son obligation se limite à verser une indemnité égale à la différence entre 90% du traitement hebdomadaire et le montant des prestations du RQAP durant l’entièreté de ses 20 semaines.
Le Tribunal souligne que les parties ont dissocié à la convention collective le droit à un congé et le droit à une indemnité qui peut y être associé, et qu’on ne peut présumer du seul fait qu’elles ont prévu un congé qu’elles avaient l’intention d’accorder des prestations. Il est d’avis que le texte de la convention ne revêt pas d’intention claire selon laquelle l’employeur indemnise les salariées d’un montant qui leur permettra de recevoir 90 % de leur traitement hebdomadaire pour la totalité des 20 semaines du congé de maternité. L’employeur n’est pas tenu de verser qu’un supplément aux prestations du RQAP pendant les 20 semaines de congé. L’indemnité complémentaire que prévoit la convention collective et que verse l’employeur se calcule en retranchant les prestations de maternité et parentales du montant équivalent à 90 % du traitement hebdomadaire des salariées.
Le Tribunal rejette donc les griefs.
Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec inc. et Gouvernement du Québec – Ministère de la Sécurité publique, 2023 QCTA 334
Disponible sur SOQUIJ
La plaignante reproche à l’employeur de ne pas avoir pris les moyens raisonnables pour qu’elle puisse travailler dans un milieu exempt de violence et de harcèlement psychologique. Son grief concerne un évènement unique survenu sur les lieux du travail.
Selon la plaignante, alors qu’elle est assise à une table dans la cafétéria, un collègue de travail (ci-après, « agresseur »), derrière elle et à son insu, passe ses mains sur son cou et le serre. L’agresseur la libère lorsqu’il remarque qu’elle suffoquait et s’était mise à pleurer. Plus tard le jour même, l’agresseur la suit à un lavabo, se colle contre elle, et lui chuchote à l’oreille « excuse-moi pour mon pénis ». Selon l’agresseur, il a voulu aller aux toilettes du côté de la cafétéria et a demandé à la plaignante de ne pas fermer la porte sur lui comme à l’habitude. Il a ensuite passé ses mains en douceur au cou de la plaignante pour insister sur sa demande et en rigolant avec elle. Le tout se serait produit sans arrière-pensées.
Le syndicat plaide que l’agression physique dont a été victime la plaignante est une conduite grave et qu’il s’agit d’un geste de nature criminelle. Quant à l’incident au lavabo, il s’agit d’un geste d’intimidation. L’employeur n’a pas pris les mesures raisonnables et n’a donc pas respecté ses obligations légales.
L’employeur allègue que la plaignante n’a pas considéré l’évènement grave. Au soutien de cet argument, l’employeur invoque qu’il n’y a eu aucune plainte à la police, réclamation à la CNESST, absence du travail, visite à l’hôpital, ou démarche auprès du programme d’aide aux employés. De plus, il a instauré plusieurs outils de prévention des conflits afin d’assurer un milieu de travail sain.
Le tribunal retient la version de la plaignante, et considère que l’agresseur a agressé physiquement la plaignante intentionnellement et sans justification. Cette agression constitue des voies de fait au sens du Code criminel et une conduite grave au sens de la loi. Cependant, le tribunal estime que l’évènement du lavabo n’évoque pas une sollicitation de faveur sexuelle, mais qu’il s’agit plutôt d’une conduite intimidante inclut dans le spectre du harcèlement psychologique. Le tribunal juge que l’employeur n’a pas pris les moyens raisonnables pour faire cesser les conduites dont la plaignante fut victime. Il a fait preuve d’aveuglement volontaire et a cherché à banaliser la conduite de l’agresseur.
Le tribunal accueille donc le grief, déclare que la plaignante fut victime de harcèlement psychologique et que l’employeur a fait défaut de respecter ses obligations légales.
Delpharm Boucherville Canada inc. et Paquet, 2023 QCTAT 3468
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jzghn>
La travailleuse subit un accident du travail et s’absente du 20 novembre 2018 au 6 janvier 2020. Après son retour, celle-ci dépose une plainte dans laquelle elle allègue avoir été victime d’une mesure de représailles ou une mesure discriminatoire en raison de sa lésion professionnelle. Elle reproche à l’employeur d’avoir omis de lui payer certains avantages prévus à la convention collective applicable. Un médiateur-décideur de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail est donc nommé et rend une décision relative à la plainte qui porte notamment sur l’indemnité de vacances payable. Le médiateur-décideur accueille la plainte en partie et ordonne à l’employeur de payer à la travailleuse une indemnité de vacances calculée en fonction d’un pourcentage de 10% du salaire qu’elle aurait gagnée si elle était au travail pour la période du 26 mai 2019 au 6 janvier 2020 (la réduction de la période s’explique par une indemnité versée au préalable en vertu d’une politique interne de l’employeur).
L’employeur conteste la décision du médiateur décideur en plaidant qu’il a versé à la travailleuse l’indemnité de vacances due en conformité à la convention collective et qu’il n’est pas contrevenu aux dispositions de la loi à ce sujet.
Le Tribunal juge qu’un travailleur qui s’absente en raison d’une lésion professionnelle ne doit pas être pénalisé lors de son retour au travail. Il doit se retrouver dans la même situation que s’il ne s’était pas absenté en raison de sa lésion. Bien que le calcul de l’indemnité de vacances effectué par l’employeur ne contrevienne pas à la convention collective et fut entrepris de bonne foi, il contrevient à LATMP : si la travailleuse ne s’était pas absentée en raison de sa lésion professionnelle, elle aurait bénéficié d’une indemnité de vacances pour l’année 2020-2021 sans aucune réduction. La travailleuse fut privée d’une partie importante de son indemnité de vacances uniquement en raison de sa lésion professionnelle. La LATMP étant d’ordre public, elle a préséance sur les dispositions d’une convention collective moins avantageuses et l’employeur ne pouvait se soustraire à son application.
Le Tribunal confirme donc la décision rendue par le médiateur-décideur.
Domtar inc. (Usine de Windsor) et Syndicat des travailleurs des pâtes et papiers de Windsor inc., 2023 QCTA 333
Disponible sur SOQUIJ
Le salarié est aide-opérateur chez l’employeur. Son horaire prévoit qu’il effectue normalement 50% de son travail comme opérateur et 50% comme aide-opérateur. Au moment des faits pertinents, le salarié est affecté de limitations fonctionnelles qui ne lui permettent plus de travailler comme opérateur à une grosse console, et ce pour une durée indéterminée. L’employeur maintient l’horaire de travail habituel du salarié en le maintenant uniquement à son poste d’aide-opérateur à 100% du temps, conformément à son obligation d’accommodement. Puisque le salarié n’effectue plus sa fonction d’opérateur à 50% du temps, d’autres salariés se voient privés du temps régulier et supplémentaire qu’ils effectuaient normalement pour le remplacer dans ce poste pour cette durée.
Le syndicat conteste l’accommodement consenti par l’employeur au salarié, car il contrevient à la convention collective en brimant les droits des autres employés.
Le Tribunal considère que l’accommodement permet au salarié de conserver son poste d’aide-opérateur à 100 % du temps sans perte de salaire et que rien ne démontre que ledit accommodement priverait d’autres employés de leur poste. Il estime cependant que les autres employés sont privés d’occuper 50% du poste d’aide-opérateur du salarié et du temps supplémentaire qui s’y rattache. En revanche, ces employés bénéficient de 50% du temps libéré par l’accommodement du salarié pour le poste d’opérateur. Selon le Tribunal, bien que l’accommodement puisse irriter certains employés, ceux-ci en sont très peu pénalisés. L’accommodement est raisonnable et ne constitue pas une contrainte excessive pour les parties. Bien qu’il ne respecte pas la convention collective applicable, il respecte la Charte québécoise des droits et libertés de la personne à laquelle une convention collective ne peut faire obstacle.
Le Tribunal rejette donc les griefs.
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