SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Syndicat de professionnelles et professionnels du Gouvernement du Québec (SPGQ) c. Agence du revenu du Québec (ARQ), 2022 CanLII 115355 (QC SAT)
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jtcl7>
Dans cette affaire, le tribunal d’arbitrage doit déterminer quels crédits de congé de maladie l’employeur est tenu de considérer lorsqu’il fait, au 30 septembre 2020, le portrait des congés de maladie cumulés par les salariés dans leur réserve. Le contexte est le suivant. Deux nouvelles clauses sont entrées en vigueur en 2019. Selon la clause 8-1.39, une réserve de congés de maladie pour le salarié qui n’est pas invalide est créée et la clause prévoit qu’un maximum de 20 jours de congés de maladie est transféré à une nouvelle réserve. C’est de cette réserve que traite le présent litige. Quant à la clause 8-1.32, elle énonce que si la réserve du salarié excède 20 jours au 30 septembre de chaque année, l’excédent est retiré. Une indemnité sera alors subséquemment versée au salarié en décembre aux fins d’équivaloir au nombre de jours ainsi retirés, indemnité calculée sur la base du traitement applicable au salarié au jour du traitement.
Deux autres dispositions sont centrales dans cette affaire : les clauses 8-1.30 et 8-1.31. La clause 8-1.30 prévoit que pour chaque mois civil pendant lequel elle ou il a eu droit à son traitement pour la moitié ou plus des heures normales ouvrables calculées à partir des heures normales de l’employée ou de l’employé à temps plein, l’employeur crédite à l’employée ou à l’employé dix douzièmes (10/12) de jour de congé de maladie, lequel ne pourra être utilisé avant la fin de ce mois. Si elle ou il ne répond pas à la condition exigée, l’employée ou l’employé perd son droit au crédit pour ce mois.
Le syndicat conteste le mode de calcul opéré par l’employeur. Du point de syndical, il y a lieu d’opérer une distinction entre l’acquisition du congé et son paiement suivant le portrait présenté au 30 septembre. Dès que le congé est obtenu après avoir effectué en septembre le nombre d’heures nécessaires de travail pour satisfaire la condition d’acquisition, il doit être versé sur le champ dans la réserve et faire partie du bilan au 30 septembre. Pour l’employeur, puisque le congé acquis en septembre ne peut être utilisé avant le mois suivant, il ne peut faire partie du bilan au 30 septembre, sous peine de dénaturer tant l’intention des parties que le texte de la convention collective. Il doit plutôt être inclus dans le bilan du 30 septembre de l’année suivante.
D’abord, le tribunal est d’avis que les clauses à interpréter sont claires. Aucune ambiguïté, même latente, ne s’est révélée au cours de l’examen du texte. Ensuite, pour trancher le grief, le tribunal s’est notamment intéressé au sens du verbe « utiliser » à la clause 8-1.30. Selon son analyse, « utiliser » un crédit de congé de maladie signifie pouvoir y recourir, être en mesure d’en tirer profit, avoir la possibilité de s’en servir pour les fins auxquelles il est destiné. A contrario, ne pas pouvoir utiliser un crédit de congé de maladie avant la fin d’un mois donné équivaut à être privé de la jouissance de ce bénéfice, pendant une période déterminée. Le tribunal est d’avis qu’on ne peut transférer dans la réserve le congé dès son acquisition en septembre 2020, ne pouvant être utilisé avant le mois subséquent. Il ne peut donc être pris en compte dans le portrait dressé au 30 septembre. Le faire contreviendrait au texte de la clause 8-1.30 et équivaudrait à le modifier.
Le grief est rejeté.
Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Ouest et Syndicat des professionnelles en soins de Montérégie-Ouest (FIQ), 8 décembre 2022 (a. Jean-René Ranger)
Disponible ici
Dans cette affaire, le syndicat conteste la suspension pour fin d’enquête et le congédiement imposé au plaignant, un infirmier clinicien. On lui reproche d’avoir administré une quantité trop importante de narcotique non cliniquement justifiée à deux reprises. Le premier incident s’est conclu avec le décès du patient. Selon l’employeur, le plaignant a fait une sédation palliative sans toutefois en avoir bien informé la famille et sans avoir respecté la procédure de sédation palliative continue, malgré qu’il en eût connaissance.
Le syndicat plaide que le délai de rigueur de 30 jours prévu à la clause 3.08 de la convention collective pour imposer une mesure disciplinaire n’a pas été respecté. L’incident a eu lieu le 8 décembre 2019. L’employeur a fait enquête et, en date du 30 décembre 2019, il avait en main tous les faits pertinents à cet incident pour intervenir. Ainsi, il avait jusqu’au 30 janvier 2020 pour imposer sa sanction, mais il ne l’a fait que le 5 février 2020. L’arrivée d’un second incident similaire quant au manquement reproché ne peut avoir pour effet de prolonger le délai de 30 jours : il s’agit d’un incident tout à fait indépendant du premier. Le moyen de droit sur l’illégalité de la mesure disciplinaire à l’égard du premier incident est accueilli.
Quant au second incident, le tribunal juge que le salarié a commis une faute en ne documentant pas l’état de la patiente pré ou post administration. De plus, malgré le nombre de doses administrées à la patiente, il n’a jamais avisé le médecin comme il devait le faire. Ce manquement ne mérite cependant pas un congédiement. Bien que la faute soit sérieuse, elle s’est déroulée sur une seule journée de travail et n’a pas eu de conséquence fâcheuse. L’arbitre substitue le congédiement à une suspension disciplinaire d’un (1) mois.
Le grief est partiellement accueilli.
Syndicat professionnel des ingénieurs d’Hydro-Québec c. Hydro-Québec, 2022 CanLII 114891 (QC SAT)
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jtc2f>
Dans cette affaire, le syndicat conteste l’adoption d’un nouveau Code d’éthique (ci-après, le Code), pour deux motifs : 1) l’employeur aurait contrevenu à la convention collective en faisant défaut de le consulter avant de l’implanter et, 2) certaines dispositions du Code seraient contraires à la convention collective et/ou en violation de la Charte, dont les libertés fondamentales qui y sont consacrées.
En l’espèce, l’article 6.04 prévoit qu’avant de réviser ou d’appliquer une condition de travail non prévue à la convention collective et qui est susceptible d’affecter les employés, l’employeur doit consulter le syndicat et l’informer par écrit. Cette disposition est claire et non équivoque. Le tribunal d’arbitrage considère que l’employeur a violé la convention collective en omettant de consulter le syndicat avant d’adopter le Code. Le syndicat réclame que l’arbitre ordonne la reprise, dans son intégralité, du processus d’adoption du Code. Le tribunal juge que cette avenue serait disproportionnée dans les circonstances.
Concernant les dispositions du Code qui sont contestées, le syndicat plaide notamment que trois engagements demandés du salarié en télétravail constituent une ingérence sans sa vie privée : 1) avoir une tenue vestimentaire soignée, décente, adaptée à nos tâches en télétravail; 2) poser des gestes dans notre quotidien au travail, notamment en réduisant au minimum notre impact sur l’environnement; 3) poser des gestes dans notre quotidien au travail, notamment en réduisant au minimum notre impact sur l’environnement.
Quant à l’engagement lié à la tenue vestimentaire, le tribunal n’y voit pas l’atteinte au droit à la vie privée invoquée par le syndicat ou une intrusion déraisonnable dans la sphère d’autonomie personnelle des salariés dans leur domicile. Selon l’arbitre, il ne faut pas perdre de vue que même en télétravail, l’employeur conserve son droit de gérance et cela implique qu’il puisse avoir des exigences reliées à la performance et l’exécution du travail. Il n’est pas déraisonnable qu’il ait des attentes vis-à-vis du salarié quant à son apparence personnelle lorsqu’il interagit avec ses collègues de travail, même s’il exerce ses fonctions à domicile.
Quant aux engagements demandés en matière de respect de l’environnement, l’arbitre n’y voit qu’un vœu pieux et non pas un empiètement sur le droit à vie privée du salarié. S’il est vrai qu’à première vue, on pourrait y voir une pareille intrusion, il ne faut pas perdre de vue que ces souhaits sont en lien spécifiquement avec l’exécution du travail pour l’employeur et que ce travail est exécuté avec les outils et les fournitures de l’employeur.
Le grief est accueilli en partie. Le tribunal déclare que l’employeur a contrevenu à l’article 6.04 de la convention collective en ne consultant pas le syndicat avant d’adopter le Code et déclare que les dispositions du Code contestées par le syndicat sont valides et conformes aux dispositions de la convention collective et à la Charte.
POLICIERS ET POLICIÈRES
Association des policiers et policières de Sherbrooke et Ville de Sherbrooke, 30 novembre 2022 (a. Me Bernard Giroux)
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Dans le cadre d’une audience relative au congédiement du plaignant, l’employeur désire faire entendre un de ses employés, M. Paultre. Il demande au Tribunal de reconnaître que ce dernier témoignera à titre de témoin expert. M. Paultre est à l’emploi de la Ville de Sherbrooke depuis 2019, d’abord à titre d’analyste en informatique où il a mis en place un système GPS pour la localisation des arbres. Depuis 2012, il est conseiller en planification, recherches et méthodes pour le service de polices de la Ville de Sherbrooke. Le syndicat ne reconnaît pas l’expertise du témoin, notamment parce qu’il ne possède aucune expertise ni formation en télémétrie GPS. Selon lui, il s’agit d’un témoin de fait plutôt qu’un témoin expert.
Le tribunal est donc appelé à déterminer, au regard des critères provenant de la jurisprudence, si le témoin de l’employeur peut être qualifié de « témoin expert ». Le tribunal juge que le témoin n’est pas impartial puisqu’il a participé activement au travail de surveillance ayant mené à la mesure disciplinaire contestée en l’espèce. De plus, le témoin a confirmé qu’il n’était pas un expert en système de télémétrie GPS. Ce faisant, le tribunal conclut que l’employeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver que M. Paultre est un témoin expert.
La demande de l’employeur est rejetée.
Bravo à Me Andrew Charbonneau pour son travail dans ce dossier!
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
Les Ambulances Michel Crevier inc. et Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, 6 décembre 2022 (j.a. Réjean Côté)
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Le travailleur, un technicien ambulancier, subit un accident du travail alors qu’il doit déployer un effort à la fois inattendu et important afin d’empêcher une patiente, qui était installée sur une civière-chaise, de basculer. Un médecin pose un diagnostic d’entorse au poignet droit. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après, la Commission), déclare que l’accident a également entrainé un syndrome du tunnel carpien. Cette conclusion est contestée par l’employeur devant le Tribunal administratif du travail (ci-après, le Tribunal). Or, le Tribunal constate que la preuve sur cette question est pratiquement à sens unique et rejette la contestation de l’employeur.
De plus, le travailleur demande au Tribunal de déclarer recevable sa demande de révision d’une décision initiale de la Commission qui refusait de reconnaître l’existence d’une relation entre son accident et le diagnostic de « syndrome d’impaction du carpe avec déchirure du ligament triangulaire droit ». Selon la preuve, le travailleur a été notifié par courriel du dépôt de la décision contestée dans le service informatique de la Commission (« Mon Espace CNESST »), le 6 juillet 2020. Sa contestation a été déposée 248 jours plus tard, soit plus de huit fois le délai de 30 jours prévu par la Loi.
Quant à l’existence d’un motif raisonnable, le travailleur prétend avoir été en quelque sorte « induit en erreur » par son propre médecin, qui l’aurait rassuré en lui disant que toute cette situation allait se régler devant le Tribunal. Pourtant, en date du 28 août 2021, soit plus d’un an après que la décision contestée ait été rendue en première instance, le travailleur n’a jamais invoqué, ni directement ni indirectement, le motif raisonnable qu’il cherche aujourd’hui à faire valoir devant le Tribunal. Le juge administratif conclut que le travailleur n’a fait valoir aucun motif raisonnable permettant de justifier son retard.
La preuve prépondérante ne permet donc pas au Tribunal de relever le travailleur des conséquences de son défaut. Sa demande de révision, produite en mars 2021, est en conséquence irrecevable.
POMPIERS ET POMPIÈRES
Syndicat des employé(es) de la Ville de Sainte-Thérèse (CSC) et Syndicat des pompiers et pompières du Québec, section locale Sainte-Thérèse (SPQ), 30 novembre 2022 (a. Me Yves Saint-André)
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Dans cette affaire, les syndicats (SPQ et CSN) contestent le congédiement imposé au plaignant, un pompier permanent à temps partiel occupant également un emploi de chauffeur de véhicules lourds à la Ville. L’employeur lui reproche d’avoir sciemment omis de se procurer de nouvelles lunettes conformes à sa prescription émise le 17 décembre 2019 et d’avoir continué de conduire des véhicules d’urgence et des véhicules lourds alors que sa capacité visuelle ne le permettait pas.
Après analyse de la preuve, le tribunal estime que le plaignant a commis une faute en omettant de respecter son engagement de maintenir une vision corrigée. Cependant, la preuve prépondérante ne permet pas de conclure que le plaignant a menti à l’employeur sur son aptitude à conduire. En effet, selon cette preuve, le plaignant n’a jamais été avisé que le défaut de faire faire les nouvelles lunettes le rendait inapte à conduire les véhicules de la Ville.
Le comportement fautif du plaignant est sujet à une mesure disciplinaire, mais le tribunal juge le congédiement est une mesure disproportionnée en l’espèce. Cette ultime sanction s’impose lorsque la personne salariée est insensible à la discipline et que les probabilités de récidive dans un avenir rapproché sont très élevées. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Le tribunal juge qu’une suspension sans traitement pour une durée de trois mois permettra d’atteindre l’objectif recherché par la disciple en milieu de travail.
Les griefs sont partiellement accueillis et une suspension de trois mois est substituée au congédiement.
ARTISTES
Rien à signaler.
SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
R. c. Bourelle-Vanasse, 2022 QCCS 4428
Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jt83g>
Dans cette affaire, le ministère public se pourvoit en appel contre un verdict d’acquittement portant sur deux chefs de contacts sexuels sur une enfant de moins de 16 ans. L’intimé était âgé de 19 ans au moment des faits et la plaignante de 13 ans.
L’appelante fait valoir que le critère utilisé lors de l’évaluation de la prise des mesures raisonnables est purement objectif et ne dépend donc que des circonstances factuelles, lesquelles excluent les caractéristiques propres à l’accusé.
En d’autres termes, selon la prétention de l’appelante, l’obligation de prendre des mesures raisonnables pour s’assurer de l’âge de la plaignante ne pouvait varier du fait que l’intimé n’était âgé que de 19 ans au moment des faits reprochés.
Le juge François Huot de la Cour supérieure ne partage pas ce point de vue. Il estime au contraire qu’un juge d’instance doit prendre en considération la différence d’âge entre l’accusé et la victime alléguée.
En effet, s’abstenir de requérir d’un homme âgé de 30, 40 ou 50 ans des vérifications plus approfondies que celles attendues d’un jeune de 18 ou 19 ans conduiraient inévitablement à des résultats absurdes. De même, exiger d’un tout jeune homme le degré de circonspection légitimement espéré d’un homme d’âge mûr générerait des condamnations injustifiées.
L’appel est rejeté.
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