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Veille juridique du 14 juillet 2020

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

 

Alliance des professionnels et des professionnelles de la Ville de Québec c. Procureure générale du Québec et Ville de Québec

Décision disponible sur demande

Jugement sur la constitutionnalité de la Loi 15

Les dispositions permettant la suspension de l’indexation des rentes des retraités sont jugées inopérantes

Par Me Frédéric Nadeau, associé

Le 9 juillet dernier, la Cour supérieure a rendu un jugement très attendu par le monde syndical municipal. Dans une instance sans précédent par son ampleur, la Cour a disposé de quatorze recours contestant la constitutionnalité de la Loi favorisant la Santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal (« Loi 15 »), notamment parce qu’elle contrevient à la liberté d’association en imposant une entrave substantielle à la négociation collective.

La Cour a conclu que les dispositions visant les participants actifs contreviennent à la liberté d’association parce qu’il s’agit d’ingérences dans la négociation collective, mais qu’elles ne constituent pas pour autant une entrave substantielle à celle-ci. La Cour s’appuie notamment sur le résultat de certaines des négociations collectives menées après l’adoption de la Loi 15 pour conclure que celle-ci n’a pas entravé de façon substantielle le processus de négociation collective. Elle en conclut que les participants avaient le loisir de négocier une compensation pour les avantages perdus en raison de la Loi 15. Elle retient également que les mesures de restructuration des régimes de retraite imposées par la Loi 15 s’apparentent à certaines mesures négociées par des syndicats et des employeurs avant l’adoption de cette loi.

La Cour ajoute que, même si l’entrave à la liberté d’association était substantielle, elle serait justifiée dans une société libre et démocratique au sens de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés.

La Cour ne retient pas l’argument des demandeurs selon lequel l’objectif réel de la Loi 15 est de réduire la masse salariale des municipalités. La Cour rejette aussi l’argument selon lequel le partage à parts égales des cotisations à un régime de retraite n’a pas de lien avec le fait de favoriser la santé et la pérennité d’un régime de retraite puisqu’il s’agit de la même somme d’argent, peu importe sa provenance. La Cour conclut que le but de la Loi 15 n’est pas de porter atteinte à la liberté d’association.   

Il en va autrement des dispositions concernant la suspension de l’indexation des rentes des retraités. La Cour estime qu’il s’agit d’une entrave substantielle à la négociation collective parce que cette mesure peut être imposée unilatéralement par l’employeur sans que les retraités puissent négocier quoi que ce soit. La Cour conclut aussi que et que cette atteinte n’est pas justifiée. La Cour retient que la suspension de l’indexation fait supporter indûment le poids des déficits à une partie seulement des retraités – ceux qui bénéficient d’une indexation automatique – et l’absence de lien entre la mesure et l’objectif visé fait en sorte que la mesure ne se situe pas à l’intérieur d’une gamme de mesures raisonnables.      

La Cour dispose aussi des autres arguments plus périphériques soulevés par les parties en marge de l’atteinte à la liberté d’association. La Cour rejette ainsi l’argument fondé sur l’article 46 de la Charte des droits et libertés de la personne qui garantit le droit à des conditions de travail justes et raisonnables. Elle conclut que la preuve n’a pas démontré une atteinte à ce droit. La Cour ajoute qu’une atteinte à ce droit ne lui permettrait pas de déclarer invalides les dispositions contestées.

La Cour ne retient pas davantage l’argument selon lequel la Loi 15 constitue une expropriation du patrimoine des participants. La Cour juge que les participants ne peuvent revendiquer un droit de propriété à l’égard de la caisse de retraite qui est un patrimoine fiduciaire distinct de leurs patrimoines. Il ne peut donc pas s’agir d’une expropriation.

La Cour estime également que les mesures imposées aux retraités ne constituent pas de la discrimination fondée sur la condition sociale au sens des chartes des droits et libertés. La Cour indique qu’il est douteux que le statut de retraité puisse être considéré comme une condition sociale au sens de la Charte. Par ailleurs, elle estime que la suspension de l’indexation des rentes n’est pas fondée sur le statut de retraité, mais bien sur le fait que le régime soit déficitaire.

La Cour examine aussi l’application temporelle de la Loi 15. Elle conclut que certaines dispositions de la Loi 15 sont rétroactives, d’autres sont rétrospectives, d’autres sont prospectives et d’autres sont d’application immédiate. Cependant, ces différentes applications temporelles ne permettent pas de la déclarer inconstitutionnelle.

Au fil du jugement, la Cour fait l’historique des modifications législatives et des diverses consultations et études publiques concernant la situation des régimes de retraite à prestations déterminées, notamment le rapport D’Amours, qu’il considère comme étant possiblement l’élément déclencheur de l’intervention du législateur à travers la Loi 15. La Procureure générale du Québec a plaidé que la Loi 15 n’était qu’une mesure d’encadrement législatif des régimes de retraite, comme il y en a eu plusieurs dans le passé. Les demandeurs membres du mouvement syndical rétorquaient que cette loi était plutôt sans précédent puisqu’elle effaçait des ententes négociées et qu’elle retirait du processus de négociation collective les principales mesures de redressement envisagées.  

Rappelons que la Loi 15 a imposé un ensemble de mesures de restructuration à tous les régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal et ce, peu importe l’état financier dans lequel se trouvait le régime au moment de l’adoption de cette loi. Les mesures comprenaient notamment : la création de deux volets étanches, l’ancien volet (période précédant le 1er janvier 2014) et le nouveau volet (période postérieure au 31 décembre 2013) ; l’obligation pour les participants actifs d’éponger la moitié de leur part du déficit de l’ancien volet et la moitié de tout déficit futur dans le nouveau volet ; l’obligation de créer un fonds de stabilisation dans le volet postérieur et d’y cotiser un minimum de 10% du coût du régime à parts égales avec l’employeur ; l’obligation de prévoir le partage à parts égales des cotisations d’exercice du nouveau volet entre les participants actifs et l’employeur ; l’abolition de toute indexation automatique des rentes ; et le pouvoir discrétionnaire pour l’employeur de suspendre l’indexation des rentes des retraités.

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Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1108 c. CHU de Québec — Université Laval, 2020 QCCA 857

https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2020/2020qcca857/2020qcca857.pdf

Il s’agit d’un appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une demande de pourvoi en contrôle judiciaire, annulé la sentence arbitrale rendue et rejeté le grief de la salariée qui est infirmière auxiliaire.

L’arbitre avait accueilli le grief de la salariée qui réclamait, pour minimiser la perte salariale découlant de sa réaffectation à titre d’agente administrative classe 3, survenue à la suite d’une entente d’accommodement, le salaire rattaché au dernier échelon de cette classe d’emploi. Celui-ci conclut que l’attribution à la salariée du premier échelon de l’échelle salariale d’agente administrative n’est pas raisonnable parce qu’elle entraîne pour celle-ci une perte de salaire considérable. Il est d’avis que l’attribution du dernier échelon de cette échelle aurait comme effet de minimiser le préjudice subi, et que cette mesure ne causerait pas à l’intimé une contrainte excessive. L’arbitre fonde notamment sa décision sur la pratique passée de l’employeur, laquelle avait été délaissée uniquement pour des raisons administratives.

L’appel porte sur le respect par l’intimé de l’obligation d’accommodement raisonnable à laquelle il est assujetti en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne. Plus particulièrement, l’appel vise à déterminer la norme de contrôle judiciaire applicable à la sentence rendue par l’arbitre et à vérifier si celle-ci respecte la norme choisie.

Après une revue de la jurisprudence applicable en matière de norme de contrôle, notamment les arrêts de la Cour suprême Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525, Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, la Cour est d’avis que celle qui s’applique en l’espèce est celle de la décision raisonnable. Cela s’explique par le fait que le rôle de l’arbitre ne consistait pas à définir la portée de l’obligation d’accommodement raisonnable (la Cour suprême du Canada avait déjà fait cet exercice), mais celui-ci devait plutôt décider, compte tenu du droit applicable et des faits, si l’intimé avait rempli son obligation en intégrant la salariée au premier échelon de la classe d’emploi 3. Elle conclut que l’arbitre a rendu une sentence raisonnable au sens retenu par la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov.

Elle est d’avis que le juge de première instance fait erreur lorsqu’il conclut d’une part que l’obligation d’accommodement raisonnable de l’intimé est satisfaite par le maintien à l’emploi de la salariée, et d’autre part, que l’octroi d’un échelon supérieur à celui qui correspond à l’expérience de la salariée dans son nouveau poste dénature le contrat de travail. Plus particulièrement, la Cour considère que le juge limite indûment l’obligation d’accommodement raisonnable, celle incombant à tout employeur dans une situation de discrimination fondée sur le handicap, au seul maintien de cet employé dans un emploi, sans aucune considération des conditions de cet emploi.

Dans son analyse, la Cour d’appel revoit l’évolution des notions d’accommodement raisonnable et de contrainte excessive dans la jurisprudence de la Cour suprême en traitant des arrêts de principes suivants : Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, précité, Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3., Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Montréal (Ville de), 2000 CSC 27, Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970, Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Commission des droits de la personne), [1990] 2 R.C.S. 489, Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, [2007] CSC 4, Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43. Elle en retient ce qui suit :

– L’obligation d’accommodement raisonnable ne doit pas entraîner une modification de l’essence du contrat de travail, soit celle de fournir un travail contre rémunération. Un employeur n’est pas tenu de maintenir le lien d’emploi d’un employé pour satisfaire son obligation d’accommodement lorsque ce dernier ne peut établir qu’il sera en mesure de fournir une prestation de travail dans un avenir prévisible.

– L’obligation d’accommodement oblige l’employeur à faire preuve de souplesse et de créativité dans l’application de cette obligation si un assouplissement permet à l’employé de fournir sa prestation de travail et qu’il ne cause pas une contrainte excessive. La mesure d’accommodement revête un caractère individualisé et celle-ci ne doit limitée aux strictes dispositions de la convention collective.

– La démarche des intervenants impliqués dans le processus doit être sérieuse et ces derniers doivent explorer toutes les avenues raisonnables. L’accommodement raisonnable doit tendre à conférer au salarié incapable de reprendre son travail pour des raisons de santé, sans le lui garantir, des avantages comparables à ceux qu’il détenait avant d’être affligé d’un handicap, si l’accommodement ne cause pas de contrainte excessive à l’employeur.

Finalement, la Cour se penche sur la question de l’irrecevabilité du grief. Selon le juge de première instance, le grief aurait dû être rejeté par l’arbitre parce que les parties ont reconnu, lors de la conclusion de l’entente d’accommodement, que l’intimé « a rempli son devoir d’accommodement ». Or, la Cour est d’avis qu’il a erré a appliquant la norme de la décision correcte lorsqu’il a interprété l’entente d’accommodement, et elle conclut que la décision de l’arbitre était également raisonnable à cet égard. Selon ce dernier, considérant que la transaction intervenue en l’espèce portait uniquement sur l’octroi d’un poste d’agente administrative de classe 3, et non sur le traitement salarial que la salariée recevrait, la réclamation faisant l’objet du présent litige n’avait pas été réglée par cette entente.

Appel accueilli. Sentence arbitrale rétablie.

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Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec inc. (SFPQ) c. Procureure générale du Québec, 2020 QCCS 1947

https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2020/2020qccs1947/2020qccs1947.pdf

Dans cette affaire, le Tribunal est saisi de cinq demandes de pourvoi en contrôle judiciaire attaquant la validité de certaines dispositions de la Loi modifiant la Loi sur l’équité salariale afin principalement d’améliorer l’évaluation du maintien de l’équité salariale (ci-après « la Loi ») au regard de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Charte des droits et libertés de la personne. L’objet de chacun des Pourvois n’est pas identique. Pour les fins de la présente décision, les demandeurs remettent en question la validité des articles 11, 21 et 27, alinéa 2 de la Loi.

Avant de poursuivre, il importe de préciser que l’adoption de cette loi fait suite au prononcé, par la Cour suprême du Canada, en 2018, de l’arrêt Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, dans lequel la Cour conclue que les articles 76.3, 76.5 et 103.1, alinéa 2 de la Loi sur l’équité salariale portaient atteinte au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne.

La Procureure générale du Québec (ci-après « la PGQ ») demande le rejet ou, subsidiairement, la suspension de chacun des pourvois. Elle soutient qu’il n’est pas opportun qu’elle entende les pourvois tant que la CNESST ne se sera pas entièrement acquittée du rôle dont elle est investie en matière d’équité salariale et que le Tribunal administratif du travail n’aura pas tranché des différends qui pourraient en résulter. Sans plaider la théorie de l’épuisement des recours administratif, elle invoque que le Tribunal devrait bénéficier de leur éclairage avant de se prononcer sur la validité des dispositions contestées de la Loi. Finalement, selon elle, les contestations ne reposent que sur des hypothèses de sorte que tout jugement que le Tribunal pourrait rendre à leur sujet le serait dans un « vide factuel ».

La question est litige va comme suit :

S’agit-il d’un cas où le Tribunal devrait exercer sa discrétion soit pour rejeter les Pourvois, soit pour les suspendre le temps que le traitement administratif des plaintes par la CNESST soit complété et que le Tribunal administratif du travail (« TAT ») ait tranché tout différend pouvant en résulter?

Le Tribunal répond à cette question par la négative en regard des deux volets soulevés.

D’abord, la jurisprudence récente démontre que le rejet ou la suspension d’un pourvoi en contrôle judiciaire n’est possible que lorsqu’un tribunal administratif est déjà saisi des questions constitutionnelles qui en font l’objet. En l’espèce, puisque le TAT n’est saisi d’aucune des questions constitutionnelles soulevées par les pourvois, le Tribunal est d’avis que ceux-ci ne court-circuitent pas sa compétence administrative. Ce seul motif est suffisant pour rejeter la demande de la PGQ. Il ajoute néanmoins que même en présence d’un tel court-circuit, il rejetterait la demande de la PGQ puisqu’en pareille matière, le rejet ou la suspension d’un pourvoi en contrôle judiciaire n’est pas automatique.

Pour le Tribunal, il est plus logique d’entendre, sans attendre, les pourvois puisqu’ainsi, les parties sauront à quoi s’en tenir relativement aux paramètres applicables, et que la déclaration d’inconstitutionnalité qu’il pourrait rendre serait erga omnes, c’est-à-dire qu’elle vaudrait à l’égard de tous, ce que le TAT ne pourrait faire.

Finalement, concernant l’argument du vide factuel, le Tribunal évoque que le contexte factuel nécessaire à l’analyse de la validité d’une disposition législative peut être fourni par une preuve d’expert, ce que les demandeurs entendent faire.

La demande de rejet, et subsidiairement, la demande de suspension des pourvois en contrôle judiciaire sont rejetées.

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Ville de Sherbrooke c. Syndicat des fonctionnaires municipaux et professionnels de la Ville de Sherbrooke, 2020 QCCA 865

https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2020/2020qcca865/2020qcca865.pdf

L’appelante, la Ville de Sherbrooke, se pourvoi contre un jugement de la Cour supérieure rejetant son pourvoi en contrôle judiciaire d’une sentence arbitrale ayant accueilli partiellement le grief déposé par l’intimé à la suite du congédiement de la Plaignante et y substituant une suspension d’une durée de trois mois.

Cette dernière qui occupait le poste de préposée au Service de police de Sherbrooke fut congédiée pour avoir consulté pendant plusieurs années des registres du système de gestions des données, lequel contiennent des informations confidentielles et sensibles en matière policière. Bien que l’arbitre constate que la confidentialité et la discrétion étaient au cœur des fonctions qu’elle occupait, et que le lien de confiance est irrémédiablement rompu entre l’appelante et la Plaignante à la suite de ces manquements en raison notamment du risque élevé de récidive, il est d’avis qu’une autre solution que le congédiement doit être retenue. Il reproche à l’appelante de ne pas avoir recherché à déplacer la Plaignante dans un autre poste ni d’avoir envisagé une autre solution que la mesure imposée.

Soutenant que la rupture du lien d’emploi pour le poste occupé par la Plaignante n’entraîne pas automatiquement une telle rupture pour tous les postes chez l’appelante, le juge de première instance conclut que la décision de l’arbitre d’ordonner une autre mesure réparatrice que le congédiement lui parait être une issue possible et acceptable pouvant se justifier dans les circonstances, et ce malgré l’importance et la gravité des manquements reprochés. La cour est d’avis que celui-ci se méprend en concluant ainsi.

Considérant que la convention collective ne prévoyait pas de sanction pour les manquements reprochés à la Plaignante, le rôle de l’arbitre était d’évaluer si la mesure disciplinaire imposée par l’appelante était juste et raisonnable au regard des circonstances de la présente affaire. Or, la preuve dont disposait l’arbitre pour trancher le litige dont il était saisi n’établissait pas l’existence d’un autre poste disponible et ne démontrait pas si une réintégration de la Plaignante était possible. Il aurait donc dû conclure que la preuve ne lui permettait pas de déterminer s’il était possible que la Plaignante soit déplacée vers un autre poste après la suspension de trois mois. Ainsi, en ordonnant aux parties d’identifier un poste où la plaignante pourra être réintégrée comme il l’a fait, l’arbitre rend une décision déraisonnable.

De surcroît, la Cour est d’avis que la sentence arbitrable rendue ne constitue pas une solution acceptable en regard des faits et du droit, car cette ordonnance fait fi des dispositions de la convention collective et des règles d’attribution des postes vacants au sein de l’unité d’accréditation. Ainsi, l’imposition d’une obligation non prévue à la convention collective et la dérogation à ces règles constituent une mesure déraisonnable.

L’appel est accueilli. Le jugement de première instance est infirmé. La sentence arbitrale est annulée et le grief est rejeté.

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POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Chartrand et Ville de Montréal, 2020 QCTAT 2327

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat2327/2020qctat2327.pdf

Dans cette affaire, le tribunal administratif du travail est saisi d’une demande en exception déclinatoire et de rejet des plaintes déposées par le Plaignant Chartrand, lesquelles contestent les décisions de la Ville refusant de lui verser l’allocation vestimentaire prévue aux conditions de travail des officiers de direction du Service de police et lui imposant une suspension sans solde d’une période de 30 jours. Ces plaintes avaient été déposées en vertu de l’article 72 de la Loi sur les cités et villes (ci-après « la LCV »).

Selon la Ville, le Tribunal n’a pas la compétence d’attribution pour être saisi des litiges puisque le Plaignant est un policier-cadre bénéficiant du recours prévu aux articles 87 à 89 de la Loi sur la Police (ci-après « la LP »), lesquels traitent des destitutions et des réductions de traitement, notamment de tout policier de la municipalité qui n’est pas un salarié au sens du Code du travail. Au soutien de ses prétentions, elle plaide que la LP a préséance sur la LCV, d’abord parce que le libellé de l’article 72 LCV prévoit qu’il s’applique que « Sous réserve de l’article 89 de la Loi sur la police (chapitre P-13.1) ».

Puis, se fondant sur les diverses modifications législatives en la matière, elle plaide l’exclusion des policiers-cadres des recours prévus à la LCV. Finalement, elle argumente que la LP est une loi spéciale prévoyant un régime complet s’appliquant aux policiers qui doit l’emporter sur une loi plus générale comme la LCV. Quant à la plainte portant sur l’allocation vestimentaire, elle prétend qu’elle devrait être rejetée d’emblée, car il ne s’agit pas d’un traitement au sens de l’art. 72 LCV. De plus, elle soutient que le Plaignant n’a pas le droit au remboursement pour l’achat de vêtements et d’uniformes puisqu’un tel crédit est lié aux dépenses encourues dans le cadre de l’exécution des fonctions de policier et que ce dernier s’est absenté du travail pendant plus de trois mois en raison d’une suspension sans solde.

Pour sa part, le Plaignant est d’avis que la LP n’a pas préséance sur la LCV et que l’article 87 LP vise uniquement la situation d’un congédiement ou d’une réduction de traitement et non celle d’une suspension sans solde. Il affirme qu’en matière disciplinaire, la LP est muette quant au Tribunal compétent. Ceci dit, c’est donc l’article 72 LCV qui trouve application et en conséquence, le seul Tribunal ayant compétence pour entendre son recours est le présent Tribunal et non la Cour du Québec. Finalement, il prétend avoir droit au remboursement des dépenses encourues considérant qu’un tel remboursement doit être considéré comme un revenu faisant partie de sa rémunération, donc de son traitement.

Conformément aux principes juridiques en matière de compétence d’attribution des tribunaux administratifs, il faut s’en remettre à la Loi instituant le Tribunal administratif du travail (ci-après « la LITAT ») afin de déterminer l’étendue de la compétence du TAT. Les articles 5 et l’annexe 1 de cette Loi confèrent au Tribunal une compétence d’attribution pour entente les plaintes déposées en vertu de l’article 72 de la LCV. Or, le libellé de cet article constitue les limites de cette compétence. À sa lecture, le Tribunal en comprend qu’un policier-cadre qui subit une réduction de salaire sans cause possède un recours en vertu de la LP et non de la LCV. Elle retient donc l’argument de la Ville à cet égard.

Concernant le remboursement de l’allocation vestimentaire, le Tribunal ne retient pas les arguments du Plaignant. Il est d’avis qu’il ne s’agit pas de traitement, mais qu’il s’agit plutôt de dépenses occasionnées dans le cadre du travail selon les règles spécifiques des conditions de travail des officiers de direction du service de police. Il retient qu’il constitue un avantage non imposable, contrairement à du traitement qui est imposable.

Puis, quant à la seconde plainte, le Tribunal conclut que les décisions portant sur des suspensions de policiers-cadres sont implicitement comprises dans la notion de congédiement et de réduction de traitement prévus aux articles 87 et suivants de la LP. Selon l’arbitre, il est manifeste qu’une suspension sans solde amène une réduction de traitement. En fait, la réduction de salaire est la conséquence de la suspension sans solde. Dans son raisonnement, l’arbitre se fonde sur la décision Lessard c. Ville de La Prairie, [2001] R.J.Q. 308 rendue dans un cas similaire. De plus, il précise que puisqu’elle renferme un régime particulier, la LP a préséance sur la LCV dans les cas de suspension d’un policier-cadre, et en conséquence, en cas de contestation d’une telle suspension, c’est la Cour du Québec qui a compétence et non le présent Tribunal.

Le moyen déclinatoire est accueilli. Le Tribunal décline compétence pour entendre les plaintes dont il était saisi.

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TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Rien à signaler.

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POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

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ARTISTES

Rien à signaler.

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SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

R. c. Tommy Sauro

Décision disponible sur demande

Dans cette affaire, monsieur Sauro était au volant de son véhicule lorsqu’il est entré dans une voie fermée pour cause de travaux de construction en cours. Un policier de la circulation du SPVM l’interpelle, et monsieur Sauro explique au policier qu’il s’en va travailler et que cette entrée est la seule pour se rendre à son travail. Il mentionne au surplus au policier qu’il « a fait la même job » que lui, pour le compte de la Régie intermunicipale de police Thérèse-de-Blainville. Le policier contacte ensuite la Régie intermunicipale de police Thérèse-de-Blainville afin de confirmer cette information. Le Service répond au policier qu’en théorie, monsieur Sauro est en grief de congédiement mais qu’en pratique, monsieur Sauro n’est plus policier. Le policier annule le constat de monsieur Sauro et ne procède pas à l’arrestation de ce dernier.

Suivant ces faits, monsieur Sauro est accusé de s’être faussement présenté comme un agent de la paix, infraction prévue à l’article 130 C. cr. Au procès, monsieur Sauro témoigne à l’effet qu’il a dit qu’il a déjà fait le même emploi que l’agent de circulation. Il s’agit donc d’un malentendu, en tenant compte du fait que la langue maternelle de monsieur Sauro est l’italien et qu’il a complété ses études en anglais. Ainsi, monsieur Sauro n’a pas commis l’élément matériel de s’être faussement identifié comme policier.

L’accusé est acquitté du seul chef contenu sur la dénonciation.

Félicitations à Me Félix Rémillard-Larose pour cette belle victoire!!!

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