Veille juridique du 14 juin 2022

14 juin 2022

 

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Teamsters Québec local 1999 et 931 et Purolator Canada inc. (griefs individuels, Vincent Favreau-Martineau et autres), 2022 QCTA 201 (SOQUIJ AZ-51848179)

Disponible sur SOQUIJ

Devant un arbitre de l’Ontario (Matthew R. Wilson le 15 mars 2022), le Syndicat contestait la validité d’une politique adoptée par l’Employeur, une entreprise de compétence fédérale. Purolator a son siège social en Ontario et au Québec, elle y exploite des dépôts ; elle exerce principalement ses activités dans ces dépôts. La politique en question concernait la vaccination obligatoire en milieu de travail dans le contexte de la Covid-19. Le Syndicat recherchait à faire déclarer déraisonnable cette politique eu égard à la convention collective en vigueur, au Code canadien du travail et à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Devant le présent Tribunal d’arbitrage, l’Employeur fait valoir une objection préliminaire quant à la compétence matérielle du Tribunal fondée sur l’autorité de la chose jugée. Certes, en l’espèce, les griefs soulevaient une question additionnelle et comptaient des faits quelque peu différents de ceux présentés devant l’arbitre Wilson, mais le Tribunal conclut que le critère de l’identité d’objet demeure. Les griefs concernent effectivement la même contestation et la même question en litige, le fait accessoire contesté visant implicitement l’objet principal. À cet effet, le Tribunal cite la Cour d’appel dans l’affaire Gowling Lafleur Henderson, s.e.n.c.r.l., srl c. Lixo Investments Ltd., 2015 QCCA 513, par. 45, en stipulant que « dès lors que le droit recherché lors d’une première instance est compris dans une seconde et risque de contredire la décision antérieure, il y a identité d’objet ». Le critère de l’identité de cause est pareillement rempli, alors que l’identité des parties n’est pas contestée.

L’objection patronale est accueillie et les griefs sont rejetés.

 

Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal (grief collectif et grief syndical), 2022 QCTA 150 (SOQUIJ AZ-51842321)

Disponible sur SOQUIJ

Une lettre d’entente (no 17) conclue entre le Syndicat et l’Employeur prévoyait une prime de fonction pour les salariés dont le milieu d’intervention implique des contacts avec une clientèle présentant des troubles graves du comportement. Cette lettre prévoit le paiement d’une somme forfaitaire à certaines personnes exerçant leurs activités dans des centres ou sous-centres d’activités. En l’occurrence, le Syndicat déposait des griefs collectif et syndical portant sur le versement de ladite prime aux agents de relations humaines. L’Employeur reconnait que les agents de relations humaines peuvent être en contact avec une clientèle turbulente, mais conteste plutôt l’appartenance de ceux-ci à un centre d’activité ou à un autre.

Le Tribunal d’arbitrage accueille les griefs et reconnait le droit à une la prime prévue à la lettre d’entente pour les agents de relations humaines, nonobstant le fait que l’Employeur ait modifié leur centre d’activités. En effet, la lettre d’entente no 17 ne traite pas d’un rattachement ou de l’appartenance à un centre d’activités en particulier. Elle exige que la personne salariée dont le titre d’emploi est prévu à son article 3 travaille dans un ou plusieurs centres ou sous-centres d’activité visés à son article 4. Il s’agit de sa portée intentionnelle.

Le Tribunal va plus loin encore dans son raisonnement en indiquant que même si les agents de relations humaines avaient exécuté 100% de leurs tâches dans un centre d’activité non prévu à la lettre d’entente, il aurait tout de même fait droit aux griefs, considérant la portée de la convention collective. Celle-ci ne peut être modifiée unilatéralement par l’Employeur, pour des raisons complètement externes à la convention collective.

Les griefs sont accueillis.

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

B…C… et Ville de Sherbrooke, 9 juin 2021 (juge administratif Jacques Degré)

Disponible ici 

Dans cette affaire, le travailleur contestait devant le Tribunal administratif du travail (le « TAT ») une décision rendue par la Direction de la révision administrative de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST »). Cette décision confirmait la décision initiale de la CNESST qui concluait que la réclamation du travailleur pour maladie professionnelle, une surdité neurosensorielle bilatérale, avait été produite à l’extérieur du délai légal, sans motif raisonnable permettant de le relever de son défaut.

Le débat en l’espèce portait donc uniquement sur la question préliminaire touchant le délai de réclamation. Le motif raisonnable invoqué par le travailleur est basé sur sa diligence et sa croyance sincère que le dossier cheminait auprès de la CNESST. En effet, le travailleur a initialement consulté un médecin le 31 janvier 2018 pour un acouphène ayant débuté la veille ; un diagnostic est posé. Monsieur consulte dans les mois suivants des spécialistes. Le 18 décembre 2018, l’un des spécialistes au dossier prend acte des résultats d’une imagerie médicale datée du 25 octobre 2018 et note « Rapport CSST fait ». À ce sujet, le travailleur dit que le médecin lui confirme avoir envoyé les documents à la CNESST.

Le 13 août 2019, le travailleur produit une réclamation à la CNESST pour un événement survenu le 23 janvier 2018 et qu’il décrit comme suit « Perte auditive reliée au tir et à l’utilisation d’explosifs ». Avant le 13 août 2019, le travailleur croyait avoir fait les choses correctement. Tout en reconnaissant que la réclamation était déposée hors délai, l’avocate du travailleur soumet que ce dernier acquiert la connaissance de l’origine professionnelle de son atteinte auditive à l’oreille droite en décembre 2018 ou au plus tôt en septembre 2018.

Le Tribunal considère que le travailleur a fait valoir un motif raisonnable permettant de le relever de son défaut d’avoir produit sa réclamation à l’intérieur du délai de 6 mois prévu à l’article 272 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles.

Félicitations à Me Amélie Soulez pour son travail dans ce dossier !

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Fédération des employés du préhospitalier du Québec (FPHQ) et Dessercom inc., QCTAT, 2022 QCTAT 2637 (juge administratif Benoit Roy-Déry)

https://canlii.ca/t/jpr24

Le 3 décembre 2021, les parties demandaient, en vertu de l’article 39 du Code du travail, de fusionner sept accréditations accordées à la Fédération des employés du préhospitalier du Québec (la « FPHQ »), la Fédération, auprès de Dessercom inc., l’employeur, en une seule. Il s’agit de : Ambulances Bellechasse inc., Ambulances Rive-Sud inc., Ambulances Portneuf, Ambulances de la Capitale-Nationale, Ambulances Sainte-Marie, Ambulances Saint-Charles, Ambulances Côte-de-Beaupré. Tous les salariés visés sont des techniciens ambulanciers, œuvrant dans le même secteur géographique.

La seule question en litige était de déterminer si la fusion contrevenait au Code du travail. Le Tribunal y répond par la négative puisque la volonté des salariés est claire, l’unité demandée est appropriée, la portée intentionnelle des accréditations existantes n’est pas modifiée et les droits des tiers sont respectés. Les critères développés dans l’affaire Syndicat des travailleurs et travailleuses de Hilton Québec (CSN) c. Hilton Canada inc., AZ-88147090 sont respectés.

Cette décision s’appuie, entre autres, sur les larges pouvoirs dévolus au Tribunal en matière d’accréditation.

La requête est accueillie et les accréditations AQ-2001-1115, AQ-2001-1148, AQ-2001-1163, AQ-2001-1168, AQ-2001-1171, AQ-2001-1172 et AQ-2001-2576 sont fusionnées.

Le Tribunal déclare que la convention collective en vigueur du 9 août 2018 au 31 mars 2022 intervenue entre la FPHQ et Dessercom inc. s’applique à la nouvelle unité de négociation issue de la fusion des accréditations.

Félicitations à Me Frédéric Nadeau pour son travail dans ce dossier !

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

 


 

ARTISTES

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

 

Ouattara c. R., 2022 QCCA 739

https://canlii.ca/t/jpcvf

L’appelant est trouvé coupable de sept chefs d’accusation de nature sexuelle au terme d’un procès et une peine de 62 mois d’emprisonnement lui est infligée. Comme moyen d’appel, l’appelant conteste le caractère consécutif et la sévérité de la peine infligée quant au quatrième chef d’accusation, celui de harcèlement criminel envers la victime. Il avance que ce crime découlerait du même événement et entretiendrait un lien étroit avec l’agression sexuelle commise la veille, laquelle faisait déjà l’objet du troisième chef d’accusation. Il prétend également que la peine s’écarte de la fourchette des peines dans des cas similaires.

La Cour estime qu’il faut prendre en compte que le législateur poursuit des objectifs distincts en criminalisant l’agression sexuelle et le harcèlement criminel. Par conséquent, une semblable dichotomie d’objectifs est susceptible de justifier l’infliction de peines consécutives. Par ailleurs, le seul fait que la peine totale se démarque de la fourchette habituellement utilisée ne suffit pas à justifier une intervention en appel; bien que le juge de première instance ait prononcé une sanction sévère, cela ne rend pas la peine manifestement non indiquée.

L’appel est rejeté.

 

Gagné c. R., 2022, 2022 QCCA 751

https://canlii.ca/t/jpdpx

L’appelant est trouvé coupable de harcèlement criminel et d’avoir intimidé une personne associée au système judiciaire, un policier patrouilleur. L’appel concerne le verdict relativement à l’intimidation, plus précisément sur la preuve requise de l’intention spécifique de nuire au policier dans l’exercice de ses attributions. L’appelant fait valoir que la poursuite n’a pas fait la preuve hors de tout doute raisonnable de cet élément.

Selon les faits à l’origine du dossier, le policier, plaignant, a eu affaire à l’appelant à deux reprises dans le cadre de son travail. Quelques années après ces interventions, l’appelant reconnait le plaignant alors que ce dernier est en congé (en civil) et l’interpelle. Des signes précurseurs d’assaut se dénotaient par les propos et le regard de l’appelant, ce qui a mené à plainte. À la suite des accusations, l’appelant a publié des vidéos sur Facebook dans lesquelles, il parle de l’évènement, pour le premier enregistrement, et il analyse et commente notamment le rapport policier, pour les deux autres. Ces vidéos ont été admises en preuve à titre de comportement post-délictuel de l’accusé.

De l’avis de la Cour, les inférences retenues par le juge sont problématiques au regard de règle bien établie selon laquelle la mens rea d’un accusé doit être concomitante avec l’actus reus du crime. En fait, le jugement ne traite que de la preuve des trois vidéos distribuées sur la page Facebook pour inférer l’intention spécifique de l’appelant d’avoir agi en vue de nuire à l’exercice des attributions du policier. Les vidéos sont réalisées en réaction aux évènements postérieurs à l’arrestation de l’appelant et à la communication du rapport de police. L’appelant manifestait simplement son mécontentement envers le plaignant pour des constats émis dans le passé. La poursuivante devait démontrer, par les gestes et paroles de l’appelant, lors l’évènement principal, qu’il avait agi en vue de nuire au plaignant dans l’exercice de ses attributions. Le jugement entrepris ne fait pas la distinction importante entre les frustrations patentes de l’appelant de devoir subir un procès et l’intention coupable requise par l’infraction se trouvant à l’article 423,1(1)b) (3) du Code criminel. En l’espèce, le juge de première instance n’identifie à aucun endroit laquelle des trois vidéos établit la preuve hors de tout doute raisonnable de la mens rea, alors qu’il se de devait pointer les aspects précis des propos de l’appelant tenus lors de l’une des vidéos qui permettent d’inférer une intention coupable de nuire aux attributions du policier. Il ne saurait faire de doute que la preuve relative au comportement d’un accusé après le fait est en principe recevable aux fins de trancher la délicate question de la mens rea durant la commission du crime. Toutefois, la pertinence de cette preuve doit demeurer une préoccupation constante lors de l’étude de cette question par le juge du procès.

L’appel est accueilli. Le verdict de culpabilité est cassé. Un nouveau procès est ordonné dans lequel le juge appelé à présider devra se pencher sur l’admissibilité en preuve des trois vidéos.

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