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Veille juridique du 15 novembre 2022

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

 

Jutras et Syndicat des débardeurs, section locale 375 SCFP et Association des employeurs maritimes, 2022 CCRI LD 4864

 Décision disponible ici.

Le Conseil canadien des relations industrielles accueille la plainte de pratique déloyale déposée par le requérant (2022 CCRI 1022), laquelle est accompagnée d’une demande d’ordonnance provisoire (2019 CCRI 4226) qui a été accueillie également. Dans sa plainte ainsi que dans sa demande provisoire, le plaignant demandait l’affichage des motifs intégraux de la décision sur le site internet du Syndicat des débardeurs, section locale 375 ainsi que dans toute la salle de repos.

Dans la présente demande, le requérant soutient que le Syndicat refuse et néglige de respecter le dispositif des précédentes décisions en ne diffusant pas la décision par l’entremise de la plateforme de courriel connue sous le nom de « Quai Express ». Ainsi, il est d’avis que le Syndicat ne respecte pas l’esprit et la lettre du dispositif de la décision rendue et qu’il s’agirait d’une manifestation de mauvaise foi à son endroit.

De son côté, le Syndicat soutient qu’il a affiché la décision comme ordonné et que les allégations du requérant sont donc inexactes. En effet, il maintient avoir affiché la décision sur son site internet, sur la plateforme « Quai Express » ainsi que dans les salles de repos. Le Syndicat nie également avoir imposé des mesures de représailles au requérant à la suite de la décision du conseil.

En conclusion, le Conseil est d’avis que le syndicat s’est bel et bien conformé à l’ordonnance précédente du conseil de publier les motifs intégraux de la décision sur son site internet, sur la plateforme « Quai Express » et dans les salles de repos. En effet, bien que le requérant ne soit pas satisfait de la manière dont le Syndicat a informé ses membres, son obligation a toutefois été remplie. La demande du requérant est rejetée.

 

Bravo à Me Isabelle Leblanc pour son travail dans ce dossier!

 

 

Teamsters Québec, local 931 c. Béton Provincial (Établissement Béton Bélanger et Béton Hi-Tech), 2022 CanLII 102527 (QC SAT)

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jssh7>

 À la suite de la modification en 2019 à la Loi sur les normes du travail (LNT), le Syndicat dépose divers griefs afin de contester le refus de l’employeur de payer les deux (2) congés prévus à cette nouvelle mouture de la Loi. En effet, le Syndicat prétend que les congés mobiles payés en vertu des conventions collectives ne sont pas équivalents aux congés payés prévus à la LNT puisqu’ils sont de nature différente. Pour obtenir un congé pour obligations familiales, il faut en aviser l’employeur 48 heures à l’avance. Selon le Syndicat, il s’agirait d’une dérogation à une norme minimale d’ordre public.

La question à trancher par le Tribunal est donc de déterminer si les congés mobiles prévus aux conventions collectives constituent une condition de travail de même nature et ayant le même objet que les congés rémunérés pour maladie ou obligations familiales qu’accorde la LNT . Il s’agit, par la suite, de vérifier si les congés prévus auxdites conventions représentent une condition de travail égale ou supérieure à la norme prévue à la LNT.

Le Tribunal procède à une analyse comparative et conclut que le congé pour maladie ou obligations familiales prévu à la LNT est un congé spécifique moindre et inclus dans la catégorie générale des congés mobiles. Ces congés prévus aux conventions collectives sont des congés qui peuvent être utilisés pour n’importe quel motif, et donc, ils sont naturellement de même nature et objet. Également, le Tribunal tranche à l’effet que les congés mobiles sont plus avantageux en termes de nombre, de portée et de rémunération. Cependant, l’arbitre précise que les conventions collectives prévoient certaines exigences qui ne sont pas prévues à la LNT, soit l’exigence d’un délai de 48 heures pour qu’un salarié puisse se prévaloir d’un congé mobile, sauf en cas de maladie. Sachant que   lorsqu’une condition se trouve à être inférieure à la norme, l’effet d’ordre public de la LNT implique que la norme doit s’imposer, le Tribunal juge que le délai de 48 heures devient inopérant lorsqu’un salarié demande un congé mobile pour cause d’obligations familiales. Or, en l’espèce, la preuve non contestée est à l’effet que l’employeur s’est déjà conformé à cette position.

Pour ces motifs, les griefs sont donc rejetés.

 

 

N. c. Info-Jeunes International, 2022 QCTAT 4837

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jsrbf>

La plaignante dépose deux (2) plaintes en vertu de la Loi sur les normes du travail (LNT). La première plainte en est une pour pratique interdite en vertu de l’article 122 de la LNT. En effet, celle-ci soutient avoir été congédiée illégalement. La deuxième plainte formulée en vertu de l’article 123.6 de la LNT dénonce une situation de harcèlement psychologique subie par la plaignante de la part du président et propriétaire de l’organisme pour lequel elle travaille. À de maintes reprises, la plaignante soutient qu’elle aurait été victime de nombreux comportements portant atteinte à sa dignité et même son intégrité physique.

Le Tribunal accueille la plainte portant sur le congédiement illégal de la plaignante. En effet, il est reconnu que toutes les conditions d’ouverture du recours en vertu de l’article 122 de la LNT sont satisfaites : la plaignante est une salariée au sens de LNT, elle détient trois (3) mois de service continu et est victime d’un congédiement en raison de l’exercice d’un droit accordé par ladite Loi. Le congédiement suivant la réclamation de la plaignante du salaire dû, ainsi que d’un talon de paie, cela ajouté au manque de crédibilité du témoignage de l’employeur, convainc le tribunal du caractère illégal du congédiement.

Quant à la deuxième plainte portant sur le harcèlement psychologique, le tribunal est sans équivoque quant aux agressions verbales et physiques que la plaignante a subies de la part de son employeur : ces actes constituent sans le moindre doute du harcèlement. À elle seule, l’agression physique qu’elle a subie constitue une seule conduite grave pouvant être qualifiée de harcèlement psychologique. Par ailleurs, le fait que la plaignante soit immigrante la rend plus vulnérable. L’impact de cet abus a engendré, chez elle, une peur du marché de l’emploi et une perte d’estime de soi.

Les plaintes sont accueillies.

 

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Fraternité des policiers et policières de Longueuil inc. c. Ville de Longueuil, 2022 QCTA 426

Disponible sur ici.

En avril 2016, le plaignant est suspendu administrativement avec solde puisqu’il fait l’objet d’en enquête menée par la Division des normes professionnelles. Le 11 octobre 2016, des accusations criminelles sont portées à son encontre. Par la suite, le 14 octobre, l’employeur informe au plaignant qu’il considère les accusations comme une faute lourde et qu’il recommande au comité exécutif une suspension sans salaire conformément à la convention collective. Le 13 mars 2020, le plaignant est déclaré coupable du chef d’accusation d’abus de confiance.

Le Syndicat conteste, au moyen d’un grief, l’absence de traitement associée à la suspension administrative du travailleur concerné. Les parties requièrent du tribunal une décision intérimaire puisqu’elles ne s’entendent pas sur la question du fardeau de preuve. L’arbitre doit répondre à ces questions:

« À qui appartient le fardeau de preuve de démontrer que les gestes qui sont à la base des accusations constituent ou non une faute lourde au sens de l’article 29.01 d) de la convention collective ?

Quelle doit être la preuve administrée à l’égard des gestes qui sont à la base de la qualification de la faute lourde ?

Est-ce que le policier est admis à donner sa version sur les gestes qui sont à la base des accusations portées contre lui ? ».

Le Tribunal considère d’abord que le fardeau de preuve de démontrer la faute lourde appartient à l’employeur. En effet, par l’article 10.12, l’employeur a accepté de limiter son pouvoir de suspendre sans salaire à la présence d’une faute lourde. Il a donc le fardeau de preuve de démontrer l’existence de cette condition. Ensuite, le Tribunal précise que l’employeur n’a pas à démontrer la commission effective des gestes, mais doit établir le caractère juste et raisonnable de sa décision de considérer qu’il était en présence d’une faute lourde. Finalement, le Tribunal conclut que le plaignant pourra témoigner sur la qualification de la faute lourde, et non sur l’abus de confiance, qui ne fait d’ailleurs pas l’objet du litige.

 

Félicitations à Me Frédéric Nadeau pour son travail dans ce dossier!

 

 

Association des policiers et policières de Sherbrooke c. Ville de Sherbrooke, 2022 QCCA 1457

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jsnz2>

La requérante, Association des policiers et policières de Sherbrooke, sollicite de la Cour d’appel la permission d’appeler d’un jugement de la Cour supérieure rejetant le pourvoi en contrôle judiciaire du jugement initial de l’arbitre. Le litige initial présenté devant l’arbitre portait essentiellement sur les articles 12, 46 et 67 de la Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestation déterminée du secteur municipal (Loi 15). Le Syndicat soutenait que par le truchement des concessions antérieures, celui-ci avait déjà payé sa part du déficit actuariel du régime de retraite, ainsi, l’arbitre ne pouvait pas rendre une décision leur imposant de payer une seconde fois en prenant compte des concessions antérieures. La Cour supérieure, tranche et rejette le pourvoi en contrôle judiciaire de la requérante faisant preuve de déférence envers l’appréciation de la preuve faite par l’arbitre.

La requérante demande donc une permission d’appeler de ce jugement. La Cour fonde sa décision sur différents critères, notamment, celui de savoir si la question soulevée en est une de principe, nouvelle ou bien une question de droit qui fait l’objet d’une jurisprudence contradictoire. Également, les principes de proportionnalité et d’intérêt de la justice doivent être pris en compte. La Cour rappelle que la norme de contrôle en l’espèce est sévère. En conclusion, la Cour d’appel considère que l’arbitre a bel et bien pris en compte les concessions antérieures dans sa prise de décision. La requérante échoue à convaincre, prima facie, que la Cour pourrait réserver un sort différent au pourvoi que celui retenu par le juge de première instance.

La demande pour permission d’appeler est rejetée.

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

 

 


 

ARTISTES

 

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

R. c. Sharma, 2022 CSC 39

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jssdq>

Dans cette affaire, Mme Sharma, une femme autochtone, a plaidé coupable en 2016 à l’accusation d’importation de deux kilogrammes de cocaïne, en contravention du par. 6(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (« LRCDAS »). Les modifications apportées en 2012 au Code criminel (ci-après, « le Code ») l’empêchaient de bénéficier d’un emprisonnement avec sursis. Mme Sharma a contesté, sur le fondement de la Charte, l’al. 742.1c) et le sous‑al. 742.1e)(ii), selon lequel le sursis ne peut être octroyé dans le cas des infractions poursuivies par mise en accusation et passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans qui mettent en cause l’importation, l’exportation, le trafic ou la production de drogues.

Le juge chargé de la détermination de la peine a estimé qu’il n’était pas possible d’octroyer à Mme Sharma le sursis à l’emprisonnement, a rejeté sa contestation fondée sur les articles 7 et 15 de la Charte, et lui a infligé une peine d’emprisonnement de 18 mois. La Cour d’appel de l’Ontario a conclu à la majorité que l’al. 742.1c) et le sous‑al. 742.1e)(ii) avaient une portée excessive au regard de l’article 7 de la Charte, et qu’ils étaient discriminatoires à l’égard des délinquants autochtones comme Mme Sharma au sens du par 15(1) de la Charte. La Cour a invalidé les dispositions et a condamné Mme Sharma à la peine qu’elle avait purgée.

Sous la plume des juges Brown et Rowe, la Cour a conclu à la constitutionnalité de l’alinéa 742.1c) et du sous-alinéa 742.1e)(ii). Le critère à deux volets applicables pour évaluer une demande fondée sur le par.15(1) oblige le demandeur à démontrer que la loi ou la mesure contestée : 1) d’une part, crée à première vue ou par son effet, une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue; et 2) d’autre part, impose un fardeau ou nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage. Si, en appliquant ce critère, il conclut que le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait à l’une ou l’autre des étapes de l’analyse fondée sur le par. 15(1), il n’y a pas de violation de l’art. 15 et, par conséquent, pas d’inégalité réelle.

Selon la Cour, l’accusée n’a pas réussi la première étable de l’analyse : elle n’a pas démontré que les dispositions contestées créaient un effet disproportionné sur les délinquants autochtones par rapport aux délinquants non autochtones ou qu’elles contribuaient à un tel effet. Bien que la crise relative à l’incarcération des personnes autochtones soit indéniable, l’accusée n’a produit aucune donnée statistique pour démontrer que les dispositions contestées ont pour effet d’accroître l’emprisonnement des délinquants autochtones pour les infractions pertinentes par rapport aux délinquants non autochtones ou qu’elles contribuent à un tel effet. Le juge chargé de la détermination de la peine devait tenir compte de la situation particulière des délinquants autochtones, ce qu’il a fait, et c’est ce que le Parlement a prescrit à l’al. 718.2e). Toutefois, cette disposition ne garantit pas que les délinquants autochtones sont à l’abri de peines d’emprisonnement. Bien qu’elle énonce un principe important, il s’agit d’une disposition législative, et non d’un impératif constitutionnel. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner la deuxième étape.

Les juges majoritaires ont aussi déclaré que les dispositions en cause ne portaient pas atteinte à l’article 7 de laCharte. La question à se poser est celle de savoir si les dispositions limitent le droit à la liberté d’une manière conforme aux principes de justice fondamentale — c’est-à-dire, si elles sont arbitraires ou ont une portée excessive. La Cour juge qu’il ressort clairement du texte, du contexte et de l’économie de la loi, ainsi que de la preuve extrinsèque, que les modifications avaient pour objet de « renforcer la cohérence du régime d’octroi du sursis à l’emprisonnement en faisant de l’emprisonnement la peine habituellement infligée pour certaines infractions graves ».  Les juges ont conclu que les dispositions ne sont ni excessives ni arbitraires: les peines maximales sont un indicateur raisonnable de la gravité de l’infraction. Par conséquent, les dispositions en question ne privent pas les individus de leur liberté dans des circonstances qui n’ont aucun lien avec l’objectif visé.

La peine d’emprisonnement de 18 mois à laquelle Mme Sharma avait été condamnée a été rétablie. Toutefois, puisqu’elle avait déjà purgé sa peine, aucune autre ordonnance n’a été rendue.

Les juges les juges Karakatsanis, Martin, Kasirer et Jamal sont dissidents. Selon ces juges, l’alinéa 742.1c) et le sous‑al. 742.1e)(ii) sont inconstitutionnels.

 

R. c. M.B., 2022 QCCA 1515

Disponible ici : <https://canlii.ca/t/jsv00>

Dans cette affaire, l’intimé a été condamné à purger une peine d’incarcération de 90 jours discontinue et lui impose une période de probation de 3 ans assortie d’une série de conditions, incluant une obligation d’effectuer 240 heures de travaux communautaires dans un délai de 15 mois. Cette peine est imposée à la suite d’un plaidoyer de culpabilité de l’intimé à un chef d’agression sexuelle contre son ex-conjointe en 2018. Le ministère public, qui demandait l’imposition d’une peine de 18 mois d’emprisonnement, se pourvoit à l’encontre de ce jugement. Le poursuivant s’attaque principalement à la pondération qui a été faite par le juge de première instance des divers facteurs pertinents à l’imposition d’une peine, notamment, le juge n’aurait pas attribué suffisamment de poids aux facteurs aggravants et il aurait accordé trop d’importance au profil de l’accusé et à sa réhabilitation potentielle.

La Cour d’appel refuse d’intervenir. Elle rappelle que l’imposition d’une peine proportionnée, en matière criminelle, est un processus texturé et fondamentalement discrétionnaire qui relève d’abord des juges de première instance. Par ailleurs, les interventions récurrentes de cours d’appel sur des peines, tant à la demande du ministère public que de la défense, ont le potentiel d’éroder la confiance du public envers le système judiciaire. La Cour écrit :

[11]      Un objectif de finalité est en cause. Le public doit avoir confiance que les tribunaux de première instance exerceront un jugement rigoureux en matière d’imposition des peines, en tenant compte des objectifs et facteurs pénologiques pertinents, et qu’ils auront le dernier mot en la matière, sauf dans des circonstances précises et restreintes où les cours d’appel pourront intervenir pour corriger des erreurs patentes ou des peines complètement hors du spectre.

En l’espèce, le juge de première instance a pondéré toutes les considérations pertinentes en vue d’imposer une peine qu’il estimait juste et proportionnelle. Le ministère public plaide également que la peine est manifestement non indiquée. Celle-ci se trouve en effet à l’extérieur des fourchettes de peines généralement reconnues dans des cas d’agressions sexuelles. La Cour d’appel réitère que les fourchettes ne sont que des guides et que le processus de détermination de la peine est une « opération éminemment individualisée qui ne se limite pas à un calcul purement mathématique » (R. c. Lacasse2015 CSC 64, paragraphe 58). Dans le présent cas, dans son exercice d’individualisation de la peine, le juge de première instance a pris en compte tous les facteurs, critères et considérations pertinents. Bien que la peine soit indéniablement clémente, le poursuivant ne parvient pas à convaincre qu’elle est manifestement non indiquée, compte tenu des circonstances particulières de cette affaire.

L’appel est rejeté.

 

Fossen c. R., 2022 QCCA 1518

Disponible ici :  <https://canlii.ca/t/jsvf5>

L’appelant était accusé de deux chefs relatifs à une conduite avec les capacités affaiblies. Il a manifesté au tribunal son intention d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité au premier chef d’accusation. Le poursuivant s’y opposait au motif que l’appelant tentait de contourner l’application de la peine la plus sévère. Il a donc suggéré de suspendre la réception du plaidoyer afin qu’il puisse tenir un procès sur le deuxième chef d’accusation. Le juge d’instance a rejeté es prétentions du poursuivant.  Ce dernier a présenté une requête en certiorari afin d’annuler les jugements du juge d’instance. La requête a été accueillie. L’appelant se pourvoit contre le jugement de la Cour supérieure en avançant qu’elle a erré dans l’analyse du principe de l’arrêt Loyer et en concluant que le certiarori était le véhicule approprié.

De l’avis de la Cour, l’appelant a tort sur les moyens qu’il avance. L’arrêt Loyer nous enseigne qu’un accusé inculpé sous des chefs d’accusation de gravité différente ne peut éviter une condamnation plus sévère en plaidant coupable sous l’inculpation la moins grave et en invoquant ensuite la règle interdisant les condamnations multiples. Depuis longtemps, les tribunaux ont reconnu que les infractions de conduite avec capacités affaiblies et de conduite avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite prescrite sont des infractions distinctes, mais qu’elles sont suffisamment liées pour permettre à la règle de l’arrêt Kienapple de s’appliquer et a fortiori les principes de l’arrêt Loyer. Au surplus, bien que les peines énoncées à l’article 320.19(1) C.cr. soient identiques pour les deux types d’infractions, le paragraphe 320.19(3) C.cr. prévoit une peine minimale plus sévère pour l’infraction de conduite avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite prescrite lorsque le taux est égal ou supérieur à 120 mg par 100 ml de sang et encore plus sévère lorsque ce taux est égal ou supérieur à 160 mg par 100 ml de sang. La peine minimale lie le tribunal. Il existe des différences conceptuelles et juridiques importantes entre une peine minimale et une circonstance aggravante servant à établir une peine.

Le juge d’instance a condamné l’appelant sur le premier chef d’accusation alors qu’il ne pouvait le faire tant qu’un verdict n’était pas prononcé à l’égard du second chef. Il s’agit d’un cas d’excès de compétence au sens classique. Malgré la disponibilité d’un appel, la poursuite n’est pas forclose de procéder par certiorari dans les cas qui s’y prêtent, vu le libellé particulier de l’article 776 C.Cr. Ce recours exceptionnel était donc ouvert au ministère public. La Cour souligne cependant que les juges de la Cour supérieure doivent exercer avec parcimonie et réserve leur discrétion d’accepter d’entendre un recours en certiorari lorsqu’un appel est possible pour le poursuivant.

L’appel est rejeté.