SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3535 et Société des alcools du Québec, 2022 QCTA 4
https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/AZ/51820494
Dans cette affaire, l’arbitre Me Denis Provençal est saisi de huit griefs déposés par le Syndicat contestant la rémunération des journées fériées et invalidité des salariés. Plus particulièrement, ces griefs contestent le fait que les salariés qui sont en invalidité sont rémunérés à un taux de 70% ou 80% de leur salaire régulier pour les jours chômés et payés prévus à la convention collective.
Au soutien de sa contestation, le Syndicat prétend que la convention collective est claire à l’effet que, pour bénéficier du paiement d’un jour férié, le salarié doit avoir effectivement travaillé le jour ouvrable précédant et suivant ce jour férié, sauf si l’une des exceptions prévues s’applique. Parmi les exceptions prévues à la convention, le Syndicat soulève celle du salarié qui est absent pour cause de maladie ou d’accident. Dans une telle situation, le salarié absent bénéficie de l’exception et doit recevoir le plein traitement pour la journée fériée. Pour sa part, l’employeur soulève une ambiguïté dans la convention collective quant à la manière de rémunérer les salariés en invalidité lors d’un congé férié et, ce faisant, la nécessité de recourir à la pratique constante et non contestée entre les parties depuis plus de 15 ans, à savoir le traitement à 70% ou 80% du salaire régulier. D’où le présent litige.
L’arbitre conclut que la convention collective ne contient effectivement pas des règles spécifiques quant à la rémunération que doit recevoir le salarié en invalidité pour une journée fériée et chômée. Ainsi, il considère que les parties ont adopté une pratique continue, n’ayant jamais fait l’objet d’une contestation syndicale, relativement au paiement du congé férié du salarié absent pour cause d’invalidité et celle-ci reflète la réelle intention des parties au-delà du sens littéral des dispositions de la convention collective.
Le Tribunal retient donc la thèse patronale relative à la rémunération à 70% ou 80% du salaire régulier.
Les griefs sont rejetés.
Neshatafshari et Hôpital Maisonneuve-Rosemont, 2021 QCTAT 5751
Dans ce dossier, la travailleuse occupe un poste de technologue en radiodiagnostic chez l’employeur. Le 15 septembre 2020, elle produit une réclamation à la CNESST dans laquelle elle allègue avoir subi, au mois de mai 2020, une lésion professionnelle, soit la « COVID symptomatique avec test négatif ». La CNESST refuse cette réclamation au motif qu’il y a absence d’un diagnostic confirmant l’infection à la COVID-19. La travailleuse conteste cette décision devant le Tribunal administratif du travail (ci-après, le « Tribunal »).
Afin de rendre la décision, le Tribunal rappelle le contexte particulier dans lequel s’inscrit la réclamation de la travailleuse. Les faits se déroulent au mois de mai 2020, moment où les scientifiques à travers la planète cherchent à comprendre, identifier les signes et symptômes de la maladie et à trouver un remède et vaccin à ce virus. D’ailleurs, il s’agit d’une situation en constante évolution.
À cette époque, la travailleuse est en contact direct avec des bénéficiaires souffrant de la COVID-19. À la suite d’une intervention durant laquelle elle soulève une bénéficiaire infectée et qu’elle se retrouve en contact étroit avec celle-ci, la travailleuse commence à ressentir de la douleur à la poitrine, de la fatigue et elle fait de la fièvre. Le 2 mai 2020, elle passe un test pour la COVID (PCR), dont le résultat est négatif. Devant la persistance des symptômes, elle passe entre le 2 et le 21 mai 2020, trois tests PCR supplémentaires qui s’avèrent tous négatifs. Par la suite, la travailleuse consulte plusieurs médecins qui lui prescrivent un arrêt de travail et soupçonnent qu’elle souffrait d’une infection à la COVID-19, malgré les résultats négatifs.
Compte tenu des circonstances particulières du dossier, le Tribunal retient le diagnostic de COVID-19 comme probable. Le fardeau de la preuve incombant à la travailleuse est celui de la prépondérance des probabilités et non celui de la certitude médicale. Ainsi, malgré l’absence d’une attestation médicale, l’ensemble du dossier et le fait que tous les médecins consultés ont soupçonné qu’elle avait contracté la COVID-19 sont des éléments probants.
Par ailleurs, le Tribunal confirme que la réclamation de la travailleuse peut être acceptée tant sous l’angle de l’accident du travail que celui de la maladie professionnelle. La preuve démontre tant la survenance d’un accident du travail que d’une maladie professionnelle reliée aux risques particuliers du travail. En fait, une éclosion virale est une situation inhabituelle assimilable à un événement imprévu et soudain, et ce, même si elle survient dans un centre hospitalier. La jurisprudence reconnaît également qu’une infection virale peut être reliée directement aux risques particuliers du travail. Tout de même, il est nécessaire d’établir un lien de causalité entre l’événement imprévu et soudain ou les risques particuliers du travail et le diagnostic retenu.
Dans le présent dossier, le Tribunal conclut qu’un lien de causalité probable entre le milieu de travail et le diagnostic est établi. En effet, le milieu de travail est un centre hospitalier désigné pour recevoir des personnes infectées à la COVID-19. Aussi, le travail exercé par la travailleuse l’obligeait à être en présence de malades, et ce, sans distanciation. Le Tribunal retient également le témoignage crédible et fiable de la travailleuse ainsi que la période durant laquelle celle-ci a été infectée, à savoir avant la vaccination et au moment où la pandémie frappait le plus durement. Par conséquent, la travailleuse a subi une lésion professionnelle.
La contestation est accueillie.
Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, local 501 et Transbordement Saint-Hyacinthe (Mitchell Bossé), 2021 QCTA 586
Le syndicat dépose deux griefs afin de contester des mesures disciplinaires imposées à deux salariés ayant participé au même fait fautif. Le premier conteste une suspension sans solde de quatre semaines imposées le 21 avril 2020. Le second conteste le congédiement de M. Bossé imposé le 22 avril 2020.
Sur le plan factuel, l’employeur exploite un site de transbordement autour duquel les clients reçoivent des marchandises qui leur sont livrées par chemin de fer. Les salariés visés par les griefs sont des manutentionnaires. Ils travaillent en équipe, l’un est l’opérateur du locotracteur et l’autre est désigné comme le « chef de train ». M. Bossé est le chef de train. Deux événements identiques sont à l’origine des mesures disciplinaires.
D’abord, M. Bossé est suspendu pour avoir laissé un wagon en stationnement sans appliquer le frein mécanique ou en appliquant seulement le frein à air comprimé, ce qui contrevient aux règles de santé et de sécurité du travail en vigueur chez l’employeur. Ensuite, ce dernier est congédié pour avoir commis la même faute deux semaines plus tard. Or, son collègue, qui était avec lui lors des deux événements, a plutôt reçu deux suspensions sans solde de trois jours et de trois semaines respectivement. Sans toutefois avoir été congédié. Ainsi, le syndicat soulève que rien ne justifie une telle disparité dans le traitement des mesures disciplinaires imposées pour les mêmes fautes. Afin d’expliquer cette différence, l’employeur soutient que c’est en raison de l’attitude des deux salariés, alors que l’un est plus prompt à reconnaître ses torts. Le Tribunal rejette cette justification.
En effet, bien que M. Bossé démontrât un discours négatif, l’attitude des deux salariés dans l’exécution du travail était la même, les deux étant également responsables des gestes posés. Pour l’arbitre, la disparité de traitement dans l’imposition des mesures disciplinaires est trop importante et ne peut se justifier sur la seule base du discours négatif. D’ailleurs, il rappelle que c’est le geste fautif plus que l’attitude négative qui doit être puni lorsqu’il s’agit d’une faute en matière de santé et de sécurité du travail.
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- Si ce discours peut justifier une mesure disciplinaire plus sévère, ce facteur de distinction entre les deux salariés ne justifie pas l’écart entre une suspension sans solde de quatre semaines et le congédiement ; ça ne peut pas justifier une telle disproportion dans les sanctions :
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Toutefois, même lorsqu’il existe des facteurs permettant à l’employeur d’imposer des sanctions différentes pour un comportement similaire, Il ne peut s’agir de sanctions trop disproportionnées auquel cas le tribunal d’arbitrage intervient.
Le grief contestant la suspension sans solde est rejeté. Toutefois, le grief contestant le congédiement est accueilli en partie et l’arbitre y substitue une suspension sans solde.
POLICIERS ET POLICIÈRES
Fraternité des policiers de Terrebonne inc. c. Truchon, 2022 QCCS 34
Cette décision s’inscrit dans le contexte global de la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal (ci-après la « Loi 24 »).
Dans les faits, la Fraternité des policiers de Terrebonne inc. (ci-après la « Fraternité ») demande par le pourvoi en contrôle judiciaire l’annulation d’une décision rendue le 27 août 2021 par les membres du Conseil de règlement des différends (ci-après le « CRD »), présidé par Me Truchon. Le CRD est un tribunal d’arbitrage, constitué en vertu de la Loi 24, dont le mandat est de déterminer les conditions de travail dans la convention collective entre la Ville de Terrebonne et ses policiers, et ce, pour une durée de cinq ans.
Durant le déroulement de l’instance, la Fraternité demande la récusation des membres sous le motif de la crainte de partialité en raison de propos tenus par le président du CRD. Or, la décision du 27 août 2021 rejette cette demande. La Fraternité considère que les motifs consignés dans la décision au soutien du rejet de la demande de récusation sont indéfendables et n’écartent aucunement la crainte raisonnable de partialité à l’égard des membres du CRD. Pour décider du présent litige, la Cour supérieure du Québec rappelle que la crainte de partialité d’un décideur remet en cause l’équité procédurale de l’instance et, par conséquent, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Cela étant dit, la Cour rappelle le contexte particulier de l’instance devant le CRD.
D’abord, l’audience devant le CRD était fixée pour une durée de 25 jours. La Fraternité avait soulevé divers moyens préliminaires visant principalement la constitution du CRD, son acceptabilité, son indépendance et la violation des règles de justice naturelle. Au moment de l’audience, le 15 juillet 2021, la Cour supérieure du Québec avait pris en délibéré le recours remettant en cause la constitutionnalité de la Loi 24 et notamment, la validité de son mécanisme de constitution du tribunal d’arbitrage de différends, au motif que ce mécanisme retire aux salariés la faculté de choisir la personne qui déterminera leurs conditions de travail et constituant ainsi une entrave à leur liberté d’association.
Le 15 juillet 2021, le président de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec (ci-après la « FPMQ »), dont la Fraternité fait partie, témoigne à l’audience. Durant une pause, le président de la FPMQ et sa directrice des communications entendent une discussion entre les membres du CRD qui mènera à la demande de récusation.
[13] Le président de la FPMQ et sa directrice des communications entendent une discussion entre les membres du CRD. Le président de la FPMQ rapporte ce qu’il entend comme suit :
[17] Bien que la preuve syndicale ne soit toujours pas complètement administrée, les membres du CRD ont commencé à haute voix une délibération sur le dossier. Je savais qu’il restait encore M. Pierre Bergeron, témoin expert, à être entendu pour la partie syndicale;
[18] Je me souviens avoir regardé Mme Charest afin de vérifier si elle aussi entendait les délibérations des membres du CRD. Je trouvais inconcevable d’entendre les discussions qui portaient sur les arguments de la partie syndicale.
[19] À ce propos, Me Truchon a affirmé aux deux autres membres que : « les policiers vivaient dans un monde de licornes et que, à la base, les policiers remettaient en question le processus du CRD et que c’était à ceux de montrer [aux policiers] comment les choses fonctionnent »;
En raison de ces propos, la Fraternité présente la demande de récusation des membres du CRD en qualifiant les propos de déplacés et au motif que la crainte raisonnable de partialité ressort des préjugés exprimés par le président, Me Truchon, à l’égard du monde syndical policier. Néanmoins, le CRD conclut que la Fraternité n’a démontré aucun motif sérieux permettant de mettre en doute l’impartialité des membres et rejette la demande de récusation.
Devant ces éléments, l’honorable Dominique Poulin rappelle le critère applicable à la demande de récusation, soit celui de la crainte raisonnable de partialité. Cela s’exprime par la nécessité d’assurer l’apparence d’un processus décisionnel équitable aux yeux d’une personne bien renseignée. Le processus se doit donc non seulement d’être impartial, mais aussi de le paraître. De plus, c’est à la partie qui présente la demande de récusation que revient le fardeau de repousser la présomption d’impartialité dont bénéficie le CRD en tant qu’organisme quasi judiciaire.
La Cour supérieure conclut que la Fraternité remplit son fardeau et qu’il existe effectivement une crainte raisonnable de partialité à l’égard du président du CRD.
[38] Les faits relatés dans les déclarations assermentées des témoins sont de nature à susciter une crainte raisonnable de partialité chez le président du CRD, et ce, malgré les nuances apportées par la Décision. Le Tribunal conclut que le président du CRD doit se récuser.
[39] D’abord, les propos rapportés apparaissent, dans leur essence, fidèles à ce qui a été dit et n’ont pas été déformés. Les explications énoncées dans la Décision reconnaissent l’emploi de l’expression « monde de licorne », sans préciser le contenu de l’affirmation dans laquelle l’expression a été employée. La décision évoque une discussion portant sur le monde du travail en général, sur l’évolution de la conclusion des conventions collectives, sur la société et sur le monde dans lequel nous vivons, soit une discussion informelle pour passer le temps et échanger sur le droit du travail.
[40] Or, l’expression ne peut avoir qu’une connotation péjorative, même dans le contexte précisé par la Décision. Plus particulièrement, l’expression évoque l’appartenance du sujet dont il est discuté à un monde fantastique, coupé de la réalité. L’emploi de l’expression dans le contexte rapporté dénote, aux yeux du Tribunal, un manque d’ouverture et une perception négative du sujet abordé, dont l’évolution de la conclusion de conventions collectives, objet du mandat du CRD.
[41] Cette perception négative de la part du président suscite des craintes raisonnables d’une partialité susceptible de défavoriser la Fraternité dans le cadre des moyens préliminaires qu’elle soulève.
[50] Les motifs énoncés dans la Décision ne permettent pas d’écarter la conclusion qui s’impose en l’instance, soit celle d’ordonner la récusation du président. Le fait que les commentaires aient été tenus pendant une pause plutôt que pendant l’audience ne change rien à la situation. Le fait que les propos ne dénotent pas une antipathie réelle à l’égard de la Fraternité et que l’audience n’était empreinte d’aucune animosité non plus. Finalement, le critère applicable se rapporte à l’appréciation de la personne sensée et bien informée et non à celle de la Fraternité. Ainsi, l’absence de preuve de l’effet qu’auraient pu avoir les propos du président sur la Fraternité n’est pas une considération pertinente pour décider de la demande.
Conséquemment, la demande de pourvoi en contrôle judiciaire est accueillie en partie. La décision du 27 août 2021 est annulée quant à la récusation de Me Truchon.
Bravo à Me Frédéric Nadeau pour son excellent travail dans ce dossier!
Lavallée c. Cour du Québec, 2021 QCCS 5350
Dans cette affaire, le demandeur Charles Lavallée, policier au Service de police de la Ville de Montréal, se pourvoit en contrôle judiciaire d’un jugement du 12 mai 2020 de l’honorable Serge Laurin de la Cour du Québec, qui rejetait son appel d’une suspension de soixante jours prononcée par le Comité de déontologie policière.
Les faits dans cette affaire remontaient à 2012, lorsque le demandeur avait plaidé coupable à l’infraction de s’être livré au trafic de stéroïdes anabolisants. Après avoir reçu une absolution inconditionnelle, le Commissaire à la déontologie policière avait demandé la destitution du policier devant le Comité de déontologie policière. Le demandeur, pour sa part, plaidait avoir déjà été suspendu pendant une période de 4 ans par son employeur, en plus d’avoir reçu une suspension de 80 jours par le Comité de discipline du SPVM. Le Comité de déontologie policière avait alors prononcé une suspension de 60 jours au policier, suspension qui est portée en appel devant la Cour du Québec tant par le Commissaire que par le policier.
En appel, la Cour du Québec refuse d’intervenir, mais omet de motiver sa décision sur les arguments du policier à l’effet que le Comité avait totalement omis de considérer la suspension de 4 ans du policier dans l’imposition de la sanction appropriée. Le policier se pourvoit en contrôle judiciaire à l’égard de cette décision.
La Cour supérieure est d’avis que le fait que la Cour du Québec ne traite nulle part de l’argument portant sur la suspension de quatre ans porte atteinte à la raisonnabilité de sa décision. Toutefois, le juge de la Cour supérieure refuse de se prononcer sur la sanction appropriée. Il y a lieu de renvoyer l’affaire en Cour du Québec afin qu’un nouveau juge soit désigné pour entendre l’affaire.
Pourvoi en contrôle judiciaire accueilli.
Félicitations à Me Mario Coderre pour son travail dans ce dossier!
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
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POMPIERS ET POMPIÈRES
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SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
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